L'éclaireur trouva l'enfant dans la neige. Le couffin avait été fabriqué à la va-vite, une corbeille de joncs aménagée par quelques coussins et des draps, ils avaient du être d'un bon prix, mais ils étaient abîmés et déchirés.
Il n'avait rien trouvé d'autre, pas de traces de ces parents qui avaient cachés sous cette racine leur bien le plus précieux. Il n'avait vu que quelques traces de sang, un peu de lutte, et rien d'autre.
Mais il y avait trop de loups ici. Ou d'autres choses. Ils avaient du finir dévorés.
Il revint au couffin. Sa traque des incursions orcs s'arrêtait là, la gamine n'avait qu'une dizaine de mois, elle ne survivrait pas au froid bien longtemps. Il s'étonna des draperies. Elles devaient être elves. Il n'en avait pas vu souvent. Mais ce qui le surprit était l'épée, emballée de linges, laissée à coté. Une épée trop lourde pour être maniée, trop complexe, trop grande. Trop belle aussi. Une arme d'apparat, sans doutes. Il n'en reconnaissait pas le style. Elve elle aussi ?
Il manqua de laisser là l'épée, mais si les parents avaient confiés à la Lumière leur enfant et cette arme, cela devait bien avoir un sens.
Il mit plusieurs jours à revenir à Stormwind. A son retour dans les casernements, il se décida à éviter trop d'explications sur ce couffin et cette gamine. Il n'avait pas d'enfant, et elle était là. Quand à l'épée, de toute façon, elle ne servirait à personne, un bras humain ne la manierait pas, et il doutait qu'elle ai jamais été faite pour cela. Il n'eut pas de mal à confier la gosse à une fermière, et acheva son service, quelques semaines plus tard, pour la reprendre. Et reprendre le cours de sa vie.
Il était drapier. Ca n'intéresse personne, mais c'était le métier de sa famille depuis des générations, et il avait son siège dans la guilde des drapiers de Stormwind. Il avait son propre cheval de guerre, et il avait payé lui-même ses bottes et son épée, plutôt que de prendre le chiche équipement que les légions arrivaient à fournir en ces temps de guerre permanente. Il avait un grand don pour courir dans les bois, et cela lui avait offert de ne jamais se retrouver au front. Enfin, jamais à devoir charger la Horde. Car il avait souvent été le premier à atteindre un front de guerre, pour revenir à toute hâte prévenir des avancées de ces ******ries d'orcs.
Il aimait son métier, sa famille, et Lumière qu'elle était grande, et sa jeune femme, une lointaine cousine délicate, soumise, et qu'il avait eu la sagesse de rendre heureuse et lui offrir une place plaisante. Et il était aisé, sinon riche. Un digne héritier de la vieille famille marchande des Blackmaens.
Il revint chez elle, présenta à sa douce Maran cette petite fille, et leur vie reprit. La petite fille fut reconnue officiellement devant toute la famille, et baptisée à sa seconde année. Quand à l'épée, elle décora le fronton de sa cheminée.
La guerre ne cessa pas. Tous les ans, il servait huit semaines comme éclaireur, et le reste de l'année, il travaillait à son échoppe, surveillant le travail des tisserandes, et prenant les commandes des riches étoffes qu'il revendait aux bourgeois et aux précieuses. La vie s'écoula ainsi, la fillette apprit à parler, puis lire, puis écrire, et il accepta la demande du curé de confier l'éducation de sa fille à l'abbaye. Après tout, si elle était douée, si elle était cultivée, elle n'en serait qu'un meilleur parti à l'heure de la marier. Et ce qu'elle apprendrait pourrait permettre de soigner un jour les guerriers qui, chaque semaine, revenaient à la ville, épuisée, blessée, mutilés.
La fillette ne sut jamais clairement comment elle était devenue la fille de Slaen Blackmaens, mais elle savait qu'elle avait été trouvé, et que cette épée d'elf l'accompagnait. Elle devint une parfaite fille de la famille, éduquée, respectueuse, élégante, modeste, et disciplinée. A sa onzième année, elle savait qu'elle serait novice de l'abbaye, et on la destinait déjà à devenir prêtresse. Elle n'y voyait aucun inconvénient, et la fierté de sa famille et de son père étaient des récompenses suffisantes. Sa seule passion était les romans de chevalerie et les grandes légendes amoureuses. Et les récits sur le peuple elf, dont elle se nourrissait, curieuse d'en rencontrer le peuple un jour.
Un été, Slaen ne revint pas. Trois mois plus tard, c'est un capitaine qui annonça officiellement que l'éclaireur Slaen Blackmaens était mort en mission. Maran devenait veuve à vingt-six ans, avec ses trois enfants. La famille Blackmaens prit les choses en main. Passée l'année traditionnelle de deuil, il fut convenu de lui trouver un époux, et cela fut fait rapidement, toujours dans le cercle fermé de la Guilde des drapiers.
Cela ne changea pas grand-chose. Au pire était-il, lui, simplement incapable de toute forme d'affection paternelle. Il n'était là que pour gérer, prendre les rênes de la draperie et profiter de sa belle et jeune épouse il avait quinze ans de plus. On ne demanda pas comment les enfants supportèrent la mort de leur père, et ce nouveau chef de famille sans compassion. Le propos n'a pas lieu d'être, les mariages sont une institution sociale, non une affaire de cur, en tout cas pas dans ces milieux là. Et la famille Blackmaens réglait ses soucis de gestion et d'argent. Le seul prix pour ce mariage était la promesse que l'aînée de Maran serait promise en mariage au frère cadet du nouvel époux. Cela scellait une alliance de famille bourgeoise, et les Shiredwin avaient insisté pour cet arrangement.
La jeune fille serait mariée à quinze ans, après sa nomination en tant que Prêtresse de la Lumière Sacrée.
On présenta les futurs époux à leurs fiançailles, un an avant le mariage. Son futur époux s'avéra peu différent de son frère aîné, avec simplement cinq années de moins. Guerrier dans l'âme, il voyait dans la guerre avant tout une façon magnifique d'auréoler sa gloire, et de gloire, il en avait, de rumeurs de massacres sanguinaires de l'ennemi qui ne faisaient encore qu'augmenter sa légende. Et ses quelques rares cicatrices, restant des rares coups qui avaient pu passer l'armure complète qu'il avait fait faire sur mesure par un Maître Nain, étaient autant pour lui sujets à cracher ses exploits de sa voix rauque de lieutenant de cavalerie.
Il était orgueilleux, il était violent, il était sans pitié, il avait mainte fois tué et détruit au nom de son Roi, et il en était fier.
Et son il brillait, et son regard se troublait de désir en voyant sa promise, magnifique et parfaite représentante d'une éducation de femme au foyer dont il pourrait tirer non seulement plaisir, mais orgueil de plus.
L'année s'écoula pour la jeune fille dans la crainte de celui qui allait devenir son mari. Le peu qu'ils avaient pu échanger lui promettait une vie recluse, une vie à servir dans une maison dont il vantait déjà la future richesse, et la beauté qu'elle gagnerait à en être l'écrin de la perle qu'on lui offrait. Romantisme, ou amour, tout cela était loin, les récits de chevaliers servant ne sont visiblement que des récits et des romances.
Vint le temps de la cérémonie, et elle fut, comme prévue, nommée prêtresse de la Lumière Sacrée, avec les félicitations béates des abbés qui avait été ses professeurs ; Trois jours plus tard, elle devenait actrice d'une autre cérémonie, tout aussi grandiose. Elle était mariée à Ioan Shiredwin et prenait son nom, et venait vivre dans sa maison et sa famille.
La nuit même, devant son refus, il prit son dû et viola sa jeune épouse, avant de la battre et de l'enfermer dans un réduit pour lui donner une leçon d'obéissance. Elle supporta sa nouvelle vie sept semaines, avant de fuir. Elle réunit juste un sac de vivres, quelques sous qu'elle vola dans le coffre de son époux, et l'épée de famille qui trônait toujours sur le fronton de la cheminée, et qui avait fasciné son époux. Mais elle refusait de laisser son héritage entre les mains de son bourreau.
Elle prit la route. Le monde des elfs était loin, le monde lui-même était une chose qui lui était inconnue, elle n'avait jamais voyagé plus de quelques lieues. Mais plus elle serait loin de Stormwind, et de son époux, plus elle serait protégée par la distance.
Aux quelques voyageurs et aubergistes qui lui parlaient, elle dit juste qu'elle se nommait Nausicaa
Les instruments s'étalaient sur le sol autour de son corps meurtri. Elle pleurait, vaincue depuis longtemps, et il riait de satisfaction. Il lâcha la badine ensanglantée, et alla se servir un verre. Voilà comment il l'aimait. Soumise, corps et âme vaincu, inerte La suite lui arracha un sourire de plaisir, et, vidant son verre, il se tourna de nouveau vers elleRumeurs des basr-fonds
Elle se réveilla en réprimant un hurlement, et chercha sa compagne dans la grande couche. Mais sa compagne n'était plus. Elle ne viendrait jamais la prendre dans ses bras quand les cauchemars prenaient un malin plaisir à la hanter de nouveau.
Nausicaâ attrapa la fiole au bord du lit, et la but avidement. La drogue était la seule chose qui évacuait la douleur, et les cauchemars. Elle en avait une énorme réserve. Une chose de plus inexpliquée.
Elle avait été retrouvée, à demi inconsciente, le corps couvert de peaux, sur les plages de sable qui lèchent les racines de Teldrassil. Les Elfes avaient reconnus son pendentif, un sceau des Rêveurs, qu'ils offraient aux êtres que les druides désirent protéger. Ainsi, ils n'avaient pas posé de questions, et l'avaient soignée plusieurs semaines.
Les drogues, au final, étaient tout ce qui arrêtait la douleur constante qui la minait, et qui faisait venir les terreurs des cauchemars derrières ses yeux clos.
L'aube allait se lever, et Darnassus vibrait de sa vie foisonnante, citée accueillant des milliers d'espèces animales en harmonie avec la cité. Le plus beau et doux lieu de la création. Mais sans sa chère Sentinelle, ce lieu avait un goût amer.
Elle était morte. Entre-temps, tout les autres avaient péris ou disparu. Assassinés pour la plupart, avaient fuis ceux qui s'attendaient à cette fin probable.
Pendant ce temps, Nausicaâ était ailleurs Elle le savait, mais impossible de dire ce qui s'était passé.
Un visage énorme et monstrueux se penche au dessus du petit corps gisant dans son sang et ses viscères. Le troll est étonné. Cette humaine est vivante, encore. Il regarde plus loin, le corps du dragon à terre, une épée lui a traversé le crâne. Dans sa gueule, les restes broyés de l'être qui s'est sacrifié pour l'achever. Le troll reconnaît une elfe, une sentinelle.
Il regarde la forme agonisante.
Elle respire encore, après tout, c'est que les esprits lui ont donné une chance. Le troll se baisse, et prend le corps doucement, ramassant les viscères. Soigner pour soigner, si elle est vivante, elle mérite qu'il essaye
Le bain froid avait réussi a calmer la tension, et les douleurs. Nausicaâ se demanda si jamais elle pourrait espérer passer une nuit normale, désormais. Son corps portait désormais, en plus des marques des coups de badine et de fouet qui avaient laçeré et labouré son dos, la marque d'une déchirure qui avait ouvert le flanc, et qu'on avait recousu sans ménagement. La cicatrice se dissipait un peu sous les talents des soins elfiques, mais elle restait laide et large.
Elle soupira. D'un autre coté, elle n'avait jamais eu envie d'exposer son corps, et encore moins après ce que son mari lui avait fait vivre sept semaines durant.
Elle allait prendre ses affaires, aujourd'hui, et reprendre la route. Il lui fallait retrouver les survivants. Elle pensa à Kerla, et Magdaléna. Elles ne faisaient pas partie de ceux qu'elle savait morts, et elle les savait trop malines pour s'être faites avoir.
L'idée lui tira un sourire.
Ce serait une immense joie de les revoir.
Et de leur montrer l'épée
Son mari devait sans doutes la croire morte, il y avait moins de danger à marcher dans les rues, elle éviterait de réveler son nom. L'épée était toujours enrubannée dans un drap, et elle le resterait. Mais c'etait son seul lien avec son passé
Elle se rappela de ce que sa chère Sentinelle lui avait dit, pour justifier son plaisir à la renifler, avec son habituel merveilleux sourire : « Je n'y peux rien, tu sens bon tu sens l'elfe, petite humaine, tu sens l'elfe ».
Le secret était dans l'histoire de cette épée, qui suivait son histoire. Qui reconnaîtrai l'épée la reconnaîtrai, elle
C'était une belle raison de reprendre la route
Il sirotait sa mauvaise bière sans trop se méfier.[Chroniques de l'Epée d'Ishara] Taleyran
Pas que le lieu fut rassurant, mais il avait déjà tué trois hommes ici, et tout le monde le savait.
L'auberge le connaissait bien, et d'une certaine manière, elle lui appartenait. En tout cas, il y avait longtemps qu'il n'avait plus payé une bière ou un tord-boyau au patron.
L'homme en face de lui semblait lui-même fort calme, mais il n'était pas capable de dissimuler son mal-être ici. Il n'avait rien à faire dans cet endroit, pas en tant que client, parlant à l'un des pires représentants de la lie des bas-fonds d'Ironforge.
Le gnome souria. Pas un sourire de bonté ou de joie. Juste de satisfaction mauvaise. La situation était piquante, et il en tirerait avantage. D'une manière ou d'une autre. Cet officier des gardes de Stormwind avait l'air malin, mais il l'était lui-même. Il y aurait bien plus de coups à tirer de ça que quelques dizaines de pièces d'argent.
Mais c'est une pièce d'or, sous la paume du chevalier qui glissa jusqu'à lui.
Le gnome alla prononcer un juron, mais ne put sortir un son de sa bouche.
« Vous dites que vous avez bel et bien vu une femme ressemblant à celle que je recherche, portant à son sac une grande épée enveloppée de linges ? Où était-elle ?! »
Le gnome vissa ses yeux sur la pièce presque entièrement cachée par la solide paume qui la tenait.
Tudieu, il y avait ici une grande affaire, une très grande affaire à tenir ! Son esprit habitué aux brumes de l'alcool travailla vite et bien, et il su quoi répondre.
« Ouai, j'l'ai vu, grand gars, elle était marchant vec une elfe qu'avait tout l'air d'une gu'rrière. Elle avaitr les yeux rouges comme tu l'dis et qu'tu l'raconte de par ici, et elle avait bien l'air d'une satanée bourgeoise !
Elle était à Ironforge, elle est passé vite, et c'te guerrière la couvait comme qui dirait un fauve ! Et ch'rais pas étonnée qu'elle ai été voir du coté de Stormwind. Moi, même avec son manteau sur la tête que j't'l'ai r'connu On peut pas la louper, ça ouais ! »
Les yeux du chevalier se mirent à brûler, sans affecter l'aspect serein et impassible de son visage.
Il murmura :
« Une pièce d'or pour ça dix si tu me la trouve et me la ramène, vingt si elle est intacte, et avec l'épée qu'elle porte avec elle Compris ?... je la veux AVEC l'épée ! »
La voix était grondante et menaçante, et le mécréant gnome en eut presque un frisson, qui lui passa l'une de ses envies qui avait été de soulager ce bonhomme de sa fortune, pour voir.
Le chevalier se leva, tandis que la pièce d'or disparaissait dans les poches du gnome.
« Vous savez comment me joindre »
Le gnome regarda l'homme s'éloigner. Vingt pièces d'or ?... Si elle était si précieuse, il pourrait en demander une rançon de quarante ! Il se frotta les mains. Il ne restait plus qu'à trouver des complices, et aller à la recherche de la fille.
Le chevalier soupira. Jouer ce rôle lui était haïssable, mais ainsi avaient été ses ordres donnés par Ioan Shiredwin, son officier et maître. Il lui fallait encore en rencontrer d'autres, faire courir le bruit de cette recherche. Son Maître attendait beaucoup de ces rumeurs, et des gens qui seraient prêts à tout pour vingt pièces d'or, ou plus
Il secoua la tête Tout ça pour une femme fuyant le domicile conjugal. Mais les ordres étaient ainsi, et il avait fierté à obéir
TaleyranMiythe de l'épée d'Ishara
Nausicaâ avait réussi à rencontrer, secrètement, dans une petite ferme d'Elwynn, non loin de la charmante Goldshire, son vieux confident Elmett Van Garett, l'un des doyens de l'Eglise de Northshire. L'un de ceux à qui elle pouvait raconter en partie tout ce qu'elle avait vécue, et lui confier un message pour demander pardon pour son geste aux hautes autorités de l'Eglise de la Lumière.
Elle avait pu se confesser, demander quelques conseils, confier sa détresse. Elle venait à peine de faire connaissance avec Zénia, et venait juste d'apprendre que Kerla était finalement en vie, et qu'elle n'était pas la seule des Ménestrels renégats à avoir survécu. Elle réalisait que beaucoup de temps, peut-être une année, avait passé, et que beaucoup de choses lui avaient échappé.
Mais en cette douce journée d'automne, Goldshire chantait de mélancolie et de paix, et l'adolescente avait envie de profiter de ces beaux jours, sans plus penser à ses craintes. Ajustant sa capuche, elle reprit la route en quittant la ferme, où Elmett avant décidé de passer la nuit avant de rentrer à l'abbaye, et traversa en souriant la place du petit village.
Il y avait de l'animation, du bruit, des rumeurs qu'elle n'écouterait de tout façon pas, un vieillard contant une quelconque histoire pour un public incrédule mais indulgent, le forgeron parlant avec les clients de passage, le bruit des chevaux à l'écurie, et toujours les voyageurs venus s'arrêter ici pour la nuit proche.
Quand à elle, elle allait rejoindre le Tramway, et se rendrait à Ironforge, pour y passer la nuit. Elle n'avait plus d'autre domicile que les auberges, plus d'autre lieu intime que le contenu de son sac, d'où dépassait son épée, cachée par les langes trouvés dans son berceau.
La jeune prêtresse traversa la place sans soulever de curiosité. A peine un elfe se retourna-t-il sur elle, surpris par une faible fragrance qui l'étonna un instant, avant qu'il ne retourne à ses discussions.
Nausicaâ prit la route de Stormwind, et profita d'un pas calme de la chaleur de ce soleil automnal.
Cela fut interrompu brutalement par un cri, un râle d'agonie, plutôt. Elle se mit à courir, inquiète, pour voir deux silhouettes sinistres penchées sur le corps d'un malheureux. L'homme gisait, une dague au cur, dans une mare de sang, et ses deux agresseurs étaient au dessus de lui, admirant leur uvre.
Nausicaâ frémit, quand elle vit les foulards au visage des deux silhouettes. Des elfes, mais habillée aux couleurs des Defias.
La jeune fille senti la peur monter, mais elle ne pouvait plus fuir, et n'en serait pas capable. Elle affronta du regard les deux Defias :
« Que se passe-t-il, qu'avez-vous donc fait ?! »
L'elfe se retourna, tandis que sa compagne reculait de deux pas, d'un air assuré.
« Ne te mêle pas des affaires des Defias gamine, ou tu va le regretter ! »
Il souriait sous son masque, et sa compagne ricanait. Aucun garde en vue, Nausicaâ était seule. Et elle pouvait encore sauver cet homme, ramener son âme à son corps et lui rendre la vie, mais il fallait faire vite.
« Allez vous-en, et laissez cet homme, dit-elle, ou je crie après la garde ! »
La réaction fut immédiate, l'homme se jeta vers elle tel un fauve, coutelas en main. Nausicaâ murmura un mot sacré, et il percuta de plein fouet un halo de lumière apparu autour de la prêtresse. Il grogna, cherchant la faille, et frappa encore. Nausicaâ serra les dents en tremblant. Le bouclier allait céder, et la femme restée en arrière commençait elle-même à incanter. Elle ne tiendrait pas contre deux.
Les dents serrées elle prononça un autre mot, plus sombre, plus ancien, sonnant comme un glas dans l'air devenu soudain glacial. Le Defias ouvrit des yeux horrifiés, le cur gelé de terreur à ce son inhumain, tandis que le visage de la femme-enfant devant lui s'était couvert d'ombres improbables sur l'éclat lumineux de ses yeux rouges. Il recula, puis s'enfuit, retenant un hurlement d'épouvante.
Nausicaâ n'eut pas le temps de se retourner, que des racines commençaient à devenir folles et vivantes, jaillissant de la route pour s'attaquer à son bouclier qui céda sous le coup de boutoir.
La seconde Défias était donc une druidesse.
Nausicaâ frémit à cette idée hideuse, mais elle n'avait pas le temps d'y penser. Un troisième mot claquant dans l'air comme un fouet, profond et effrayant comme le sang, et elle sembla grandir, en majesté et en fureur, tandis qu'elle saisissait son bâton, pour se libérer des ronces qui cédaient. La druidesse se changea en ours, mais Nausicaâ, libérée, évita le premier assaut, appelant la Lumière pour recréer un halo de protection.
Elle tenta une dernière fois d'éviter le combat face à la formidable forme de guerre de la druidesse :
« Partez et je ne vous ferais pas de mal ! Ne m'y obligez pas ! »
Mais la druidesse n'écouta pas, et dans un rugissement, brisa le bouclier, avant de frapper Nausicaâ à la taille, qui recula contre le bord de la route.
La druidesse reprit forme humaine, et commença à incanter un appel de puissance. Nausicaâ vit l'énergie se former au bras de l'elve, et, la mort dans l'âme, fit encore appel à l'Ombre. Prononçant les mots impies, elle sembla se couvrir de maléfice. La druidesse hoqueta soudainement. Les mots avaient glissés dans ses poumons un poison qui la rongeait, chaque inspiration serait un flot de douleurs et de larmes, pendant plusieurs secondes. Nausicaâ savait que cela pouvait tuer, elle espérait que ça ne serait pas le cas.
La druidesse paniquait, Nausicaâ la regarda droit dans les yeux, l'effet des Ombres encore visible sur son visage devenu sinistre :
« Partez maintenant, ou je vous achève »
La druidesse proféra dans un râle des menaces, mais recula, avant de s'enfuir, sur le même chemin que son compagnon.
Nausicaâ essaya de reprendre son souffle, le cur battant. L'homme était toujours à terre, et se penchant elle arracha la dague, avant de poser sa main sur la poitrine ensanglantée. Elle tremblait à la peur qu'il ne puisse revenir, qu'il soit trop tard. Mais seul la Lumière savait. Tout dépendrait de son désir de revenir à la vie. Elle ferma les yeux et alla chercher la Lumière dans son âme, y concentra toute sa volonté, et serra les dents sous le terrible effort mental. Elle n'avait presque jamais eu à faire cela, et ça avait toujours été une épreuve.
L'énergie qu'elle appelait se répandait dans le corps, et elle entendit le cur se remettre à battre. Deux yeux bleus sur ce visage buriné s'ouvrirent, et l'homme revint à lui.
Il y eu un bruit, Nausicaâ se tourna. L'elve druide était revenue, son visage arborait la colère.
Nausicaâ la regarda droit dans les yeux :
« Je vous avais prévenu, partez, avant que je ne change d'avis !
La druidesse reprit sa forme d'ours, et se jeta sur Nausicaâ. L'adolescente appela encore la Lumière, le même bouclier apparut. Mais l'effort devenait difficile, elle avait déjà trop tiré sur sa volonté pour tenir longtemps.
Elle se tourna vers l'homme à terre, tandis qu'elle essayait de ne pas chuter face aux coups de boutoir de l'ours contre le bouclier :
« Fuyez !!! Courez vers les gardes !! »
L'homme ne bougeait pas, elle répéta plusieurs fois son injonction, mais le bouclier cédait.
Elle se tourna vers la druidesse-ours, cria encore une fois un mot impie de terreur, et la défias s'enfuit enfin. Nausicaâ baissa la tête, épuisée, et affectée par ce qu'elle avait du employer pour arriver à ses fins. Il était trop facile d'user de l'Ombre, et elle y parvenait trop bien, un affreux malaise à chaque fois qu'elle avait à s'en servir.
Elle se tourna, en colère, vers l'homme. Il avait facilement trente ans, une allure de voyageur sans le sou, un sac poussiéreux, des habits sans grande valeur, et une modeste épée encore dans son fourreau.
« Pourquoi n'etes-vous pas parti ?! »
Il firent néanmoins connaissance sur le bord de la route. L'homme s'appelait Taleyran, et tenta d'expliquer difficilement ce qui l'avait amené à finir une dague dans le cur, et il demanda le nom de la jeune prêtresse, elle répondit par ce nom trouvé par un nain, quand elle était à Auberdine : Loredala. Un nom elfe, mais un nom parfait.
Ils s'écartèrent de la route, pour souffler. L'homme se remettait du choc, et nausicaâ n'avait pas encore digéré ce qu'elle venait de vivre, et essayait de cacher qu'elle mentait à cet inconnu.
Mais Taleyran n'était pas dupe. Il ne cessait de dévisager la femme-enfant, et lui tendit un livre. Son propre livre de chevet. Taleyran dit l'avoir reçu de la main de Maran Blackmeans, et regardait Nausicaâ avec insistance.
Il avait tout à fait deviné, et avait vu bien juste. Cette femme-enfant aux yeux pourpres était bel et bien Nausicaâ Blackmeans.
Ils s'isolèrent dans une ferme proche, où les fermiers acceptèrent volontiers d'offrir l'hospitalité à une prêtresse de la Lumière. Là, ils parlèrent longtemps après avoir pu se changer, et s'occuper des blessures qu'ils avaient hérités.
Taleyran se présenta, à la grande surprise de Nausicaâ. Il était écrivain, en fait il avait écrit le Chevalier de Gildas, ce livre de chevet lu et relu par la jeune fille. Il était celui qui avait bercé ses rêves romantiques. Mais la vie n'avait pas décidé de l'épargner, et il errait sur les routes, comme conteur. Il n'avait pas l'air de vouloir en parler, mais Nausicaâ fut émue de se trouver devant celui qui par ses mots avait offert à sa solitude et à la banalité de sa vie de petite bourgeoise de si beaux rêves.
Taleyran lui raconta qu'il avait été reçu par hospitalité dans la maison des Blackmeans, devenue la maison Shiredwins, à l'invitation de sa mère, et qu'il avait conté, en remerciement de cette générosité, une vieille légende elfique. Maran avait écouté, et avait parlé à Taleyran de sa fille adoptive, et de son étrange découverte, et bien sûr de l'épée.
Il évoqua alors devant Nausicaâ les doutes délirants qu'il avait formé quand à son origine. Maran lui avait confié ce petit livre, pour qu'il retrouve sa fille, et pour la mettre en confiance. Il demanda à voir l'épée, et c'est avec des gestes religieux que Nausicaâ retira les linges pour lui montrer la formidable lame.
Nausicaâ avait écouté sans rien dire, frémissant à l'évocation de cette légende, que pourtant Taleyran ne raconta pas. Il parla pourtant d'Ishara, et de cette femme ni humaine, ni elfe, qui serait vue depuis la nuit des temps portant l'épée en fardeau. Il voulait savoir si cela pouvait être vrai, et l'épée pourrait sans doutes le dire.
Il fut presque déçu de la voir. Elle ressemblait à une immense épée d'apparat, pas faite pour la guerre, même s'il admettait qu'il n'y connaissait rien. Elle vaudrait sûrement un grand prix si elle était vendue à un amateur de choses clinquantes, mais cela s'arrêtait là.
Pourtant, sur la lame, il y avait des mots, et même si il était impossible de comprendre ces signes, l'homme avait les moyens de les mémoriser, ce qu'il fit.
Nausicaâ était resté sans bouger, sans rien dire, calme, silencieuse. Elle ne cessait de se répéter ce mot : Ishara. Il lui fallait savoir qui cela était, qu'est-ce que cela avait à voir avec une épée, et avec elle.
Son désir de retrouver ses parents se rallumait, et ce poète écrivain en disgrâce pouvait être une chance pour elle de retrouver son passé, des racines, quelque part.
Une elfe trop curieuse et espiègle mit fin à la conversation, et ramena Nausicaâ à la réalité. Ici, elle n'était pas en sécurité, il était temps de partir. Elle cacha de nouveau l'épée, et garda le livre confié par Taleyran. Elle lui donna un message pour sa mère, à ne lui confier qu'en privé, et expliqua au poète qui n'en savait rien un peu de sa situation avec son mari. Nausicaâ se tut sur les autres raisons qui la faisaient préférer se cacher, elle n'aimait pas parler des Ménestrels, et cet homme n'avait pas besoin de savoir.
Elle lui donna juste une liste de nom, et de quelques lieux, où elle passait parfois, afin qu'il puisse la retrouver. Elle hésita, mais il fallait bien lui faire confiance, et il semblait si honnête et sincère à désirer l'aider. Elle se maudirait plus tard de sa naïveté si elle s'était trompé, mais elle ne pouvait pas ne pas faire confiance en son instinct.
Nausicaâ salua l'homme qui avait fait tourner en si peu de temps une page de sa vie, et avait allumé un espoir qui n'allait plus s'éteindre. Il la regarda enclencher sa pierre de foyer d'une manière qui troubla la jeune fille, comme on regarde un peu un mythe vivant ou un être qu'on vient de soudainement aimer. Elle ne préféra pas en savoir plus, et la vision se brouilla tandis que la pierre l'emportait loin de là.
Loin, un vieux fou, entouré de quelques badauds, achève de conter une histoire... Il ne rêve en fin de compte qu'à quelques piècettes. Il a raconté cette histoire dans les vieilles auberges de Stormwind, dans les bouges d'Ironforge, et cette fois, il la raconte à ces paysans et voyageurs de Goldshire. Son regard ne brille plus, que pour ces pièces, symbole d'un peu de pain, et de son vin qui reste son dernier plaisir à cette vie qui le déteste.Chroniques de l'Epée d'Ishara, III
Mais il a conté cela mille fois, et il sait si bien le faire...
Ainsi, il termine son récit. Ils pousseront des soupirs, leur esprit rêvera à des légendes perdues... Et il aura son écot.
"... L'épée-vampire forgée par Kerinos a été trempée dans le sang, la sève, l'eau sacrée et la lave maudite. Sans le sacrifice d'Ishara, il eut été dévoré, et serait devenu servant de la lame elle-même.
Les descendants de Vilasha ne surent jamais lire les mots gravés sur l'acier, emportés avec la peine de sa mère. Mais quand la lame fut prise par Néomus Hartnung, celui-ci trouva un homme à lire ces caractères maudits.
Ils disaient : « Le Sang des Thel Darsyl, dans le Cercle, à Jamais. »
La langue en était celle des démons eux-mêmes. Et le nom de Thel Darsyl, un nom encore plus impur que la langue prononcée. Ainsi était le nom des ancêtres de Kerinos, ainsi était le nom des forgeurs de la première lame qui donna à l'épée sa soif de sang et de vie. L'épée est un écrin pour un acier qui fut coulé dans les plus démoniaques des terres de la création.
Seul un amour pur, celui d'Ishara, et celui de Kerinos en retour, mirent fin à la voracité de l'épée. Mais elle vit toujours, attachée au sang des Thel Darsyl, à jamais.
Depuis la nuit des temps, une femme, jamais humaine, jamais elfe, est vue, portant une épée cachée par des linges, voyageant seule, loin de tous les foyers et de tous les curs.
Depuis la nuit des temps, la Lame d'Ishara est son fardeau.
Et à l'épée est lié le sang. Que l'on prenne l'épée, que l'on prenne le sang, et l'horreur assoiffée qui gît dans la lame sera libre, et à celui qui connaîtra les mots, elle révélera les mystères de la toute-puissance, elle fera de lui un dieu parmi les mortels. Et à celui qui ne connaîtra pas les mots, elle offrira mille enfers.
Mais on dit que la lame trempée dans le sang d'un amour pur a été bénie, et le sera si c'est d'un geste d'amour qu'elle est encore une fois gorgée du sang d'un Thel Darsyl.
Alors, la lame deviendra une arme de lumière et de paix, le mal vaincu et réduit par l'amour, et elle sera employé pour le défendre.
Mais
Tout ceci ne sont que des mythes, des songes, des légendes, des choses folles racontées par des mystiques nourris de folies, de rêves, et de drogues douteuses, des ascètes voués à tout les démons, loin de la Lumière et de sa clarté.
Mais si cela était vrai, même si c'en était qu'une once, qui ne voudrait pas trouver l'épée, et sa porteuse, ni elfe, ni humaine, et le sang qu'elle garde en elle ?..."
Nausicaâ dormait paisiblement, emmitouflée dans les draps, le ventre sous un épais bandage qui formait un corset protecteur.
Zénia était hors des draps, vêtue de quelque tenue légère, pieds nus. Elle était allongée contre l'adolescente, et la couvrait largement de toute sa longueur d'elfe. Elle ne dormait pas, et ne l'avait pas quitté des yeux, mais son regard, parfois, allait à la fenêtre où perçait le jour naissant, et vers la porte d'où montaient les bruits de l'Hospitalet.
Elle n'avait pas cessé un instant de veiller, et sa garde n'avait pas baissée une fois. Elle savait où elle avait posé ses armes, et d'un bond, elle aurait pu les sortir, et arracher le cur de toute personne qui aurait voulu attenter à la vie de la jeune humaine.
Elle soupira longuement. Nausicaâ dut entendre, et gémit doucement, se serrant contre l'elve qui l'attira un peu plus à elle.
Elle repensa à la veille. Finalement, elle avait été bien prête à arracher le cur de quelqu'un
Tout avait commencé après qu'elle ai vue la cicatrice qui barrait le flanc de la jeune humaine. Nausicaâ en souffrait. Elle buvait une sorte de drogue, retrouvé avec elle quand elle avait échoué sur les plages des racines de Teldrassil, mais cela la soulageait de moins en moins.
Et la guerrière était assez fine guérisseuse pour avoir noté les traces d'anémie, la faiblesse générale de la jeune prêtresse, pour savoir que ce n'était pas qu'une affaire de douleur d'une blessure mal cicatrisée. Cela allait mal, et l'humaine le cachait très mal.
Zénia n'avait pas eu de mal à convaincre Nausicaâ de trouver un médecin. Il y avait simplement eu à attendre une autre crise, qui avait fini par l'aliter. Zénia avait pu alors toucher et examiner la cicatrice. Une énorme déchirure de tout le flanc, une éventration. Recousue comme on l'aurait fait d'une outre de peau, avec du fil grossier et une énorme aiguille. D'une certaine manière, celui qui avait fait ça devait être un très bon herboriste, peut-être un alchimiste. Car sa patiente serait morte autrement d'un tel traitement. Zénia avait frissoné. Sous la peau, sous la cicatrice, les organes devaient eux aussi être en piteux état. Nausicaâ lui avait dit qu'elle avait été happée par un dragon. Son dernier souvenir avant son réveil au pied de Teldrassil. La blessure avait donc du être tout à fait critique, et elle avait été soignée par quelqu'un qui s'y était pris d'une manière tout à fait barbare. Il fallait trouver de vrais praticiens.
Il existait quelque part un ordre de médecins connus, les Hospitaliers. Nausicaâ en avait entendu parler bien avant sa fuite de Stormwind, et savait qu'ils seraient compétents. Le seul souci était de les trouver. Stormwind était grande, et elle n'en connaissait rien ou presque. Pas plus que Zénia. Il faudrait chercher, et Nausicaâ craignait d'être vue ou reconnue par quelque personne dans la ville.
Zénia la rassura, et l'aida à faire le voyage depuis leur auberge du Lakeshire. Nausicaâ semblait de nouveau vaillante et souriante, et riait, ne cachant pas sa tendresse envers Zénia.
Une fois dans Stormwind, les deux femmes se séparèrent. Nausicaâ devait, sous son nom d'emprunt de Loredala, envoyer des messagers recrutés parmi les garçons des rues, pour demander partout après les Hospitaliers, et Zénia abordait les voyageurs, les passants et les aventuriers.
Mais à leurs efforts répondit un silence complet. La cité des hommes est aussi la cité du silence, des mensonges, de l'empressement. Personne n'avait envie de répondre ou d'aider une elfe, et les garçons des rues revinrent bredouille eux aussi. Les gens de passage ne voulaient rien dire, préférant en rester à leurs affaires. Même en appelant à l'aide, personne ne viendrait. Et quand au peuple, il avait appris à se montrer sourd et muet pour ne pas s'attirer d'ennuis.
Zénia gémit plusieurs fois, pestant alors qu'elle courrait dans tout le quartier commerçant. Elle avait l'impression d'être à Darnassus, d'être dans la cité où elle était frappée d'ostracisme et où en conséquence son peuple faisait comme si elle n'existait pas. Elle trouva que visiblement, ici, rien n'avait changé. Les regards la dévisageaient avec mépris, ou crainte superstitieuse, mais on ne lui répondait pas.
Elle revint vers sa jeune humaine fatiguée et fourbue. Nausicaâ l'attendait, une capuche dissimulant ses traits. Elle parvint à trouver les mots pour calmer Zénia, grondante de colère, et les deux femmes passèrent un long moment dans un coin d'auberge, tandis que Zénia reprenait son souffle.
Nausicaâ lui souriait tout le temps. Une sorte d'habitude, visiblement, à vouloir se montrer rassurante, et chaleureuse. Zénia répondait par des sourires, ce qu'elle avait failli oublier de savoir faire à force de regrets, et sa main vint prendre et serrer la main de la petite humaine.
Il n'y avait qu'une journée qu'elle avait osé montrer ses sentiments à l'adolescente, et tout allait si vite. Cette jeune fille semblait si fragile et douce, que la guerrière ne pouvait s'empêcher de désirer plus que tout au monde simplement la protéger.
Zénia et Nausicaâ décidèrent de tenter leur chance dans Ironforge. Zénia ne connaissait la ville que de nom, et n'avait même jamais mis les pieds dans le métro qui reliait la cité naine à Stormwind. Nausicaâ la rassurait tendrement, mais la guerrière était nerveuse. L'idée de foncer à toute vitesse dans une machine diabolique profondément sous terre choquait tout ses sens et sa philosophie d'elfe, et elle serrait nerveusement la main de son amie.
Le choc fut encore plus terrible et merveilleux en arrivant dans la cité. L'allure prodigieuse et monumentale des lieux échappaient à ce qu'elle pouvait imaginer, et le bruit, les échos profonds et la foule lui donnaient le tournis, et affolaient ses sens de sentinelle.
Nausicaâ semblait plus à l'aise, même si elle gardait toujours son visage dissimulé par une capuche, et elle la guidait dans les immenses corridors, jusqu'à atteindre la place du marché, face aux portes monumentales.
Y régnait une activité fébrile et effrayante, un rassemblement de voyageurs, commerçants et aventuriers venus de tous les horizons. Zénia grimaça, et posa sa main sur son arme, tandis qu'elle serrait celle de Nausicaâ. La foule lui paraissait presque agressive, et revoir une telle concentrations d'elfes e la nuit alors qu'elle était paria à son peuple la rendait nerveuse.
Commença alors une longue suite de questions, de demande, toujours la même chose. Nausicaâ demandait si quelqu'un connaissait les Hospitaliers, et les gens ne répondait pas, ou par de vagues « non » et autres grognements, trop occupés à leurs affaires. Les deux femmes recommençaient plus loin, essayant d'attirer l'attention des groupes occupés, mais en vain.
Un nain vint quand même leur dire qu'il connaissait l'ordre et que Gwendollyn en était le maître, mais qu'il pensait qu'elle était absente, on la disait même malade, ou blessée. Il ne sut pas en dire plus, et semblait désolée devant la tête éplorée et lasse des deux femmes.
Leurs pas finirent par les mener dans le hall des enchères. Zénia s'inquiétait, sa jeune compagne semblait de plus en plus lasse et fatiguée, et grimaçait régulièrement, cachant sa douleur comme elle pouvait. Mais Zénia n'était pas dupe, et même si elle ne préférait rien dire, elle ne quittait plus Nausicaâ des yeux.
Nausicaâ reprit ses demandes, allant de groupe en groupe, mais personne ne répondait, jusqu'à être femme à une très belle humaine, richement vêtue, à l'allure noble, assurée, et fière. Elle répondit qu'elle connaissait de nom ces Hospitaliers, et regarda Nausicaâ avec intérêt et un peu d'inquiétude. La jeune fille était de toute évidence malade, pâle, les yeux fiévreux.
Elle se nommait Liira, et demanda à en savoir un peu plus ; Zénia lui expliqua qu'elles cherchaient un très bon médecin, pour une blessure mal guérie. Nausicaâ, dans la chaleur étouffante du hall, au milieu des bruits et des cris des enchérisseurs, commençait à faire un malaise, et ne parlait plus, à demi absente, et très lasse.
Liira dit à Zénia de guider Nausicaâ dehors, et, face à l'air frais, Nausicaâ reprit quelques couleurs, quand, soudainement, passa une grande elve qui criait partout « quelqu'un cherche un médecin ? », «qui demande après des médecins ? ».
Zénia héla l'elve, tandis que Liira observait, surprise, mais d'un calme olympien. L'elve se présenta comme Teiana, médecin de l'ordre du Red Cross. Elle travaillait dans l'hospitalet de Stormwind, et avait apprit que quelqu'un cherchait partout un médecin. Elle semblait inquiète, presque affolée, et pressa Nausicaâ de questions. La jeune humaine répondit que ce n'était pas urgent, qu'elle allait bien, qu'il s'agissait juste de jeter un il sur une vieille blessure.
Teiana se décida de prendre en charge la jeune humaine. Elle regarda Zénia, et lui demanda d'aider son amie à marcher. Zénia n'hésita pas, mais Nausicaâ protestait qu'elle savait encore marcher seule. Zénia souria, et d'autorité saisit l'adolescente par l'épaule pour la soutenir avec tendresse.
Toutes suivirent Teiana, mais Liira et Zénia se rendirent compte qu'un elfe massif semblait décidé à les suivre. Teiana semblait le connaître, mais était pressée de s'occuper de sa nouvelle patiente. Malgré des efforts de la noble humaine, l'elfe les suivit jusque dans Stormwind, visiblement attiré par le médecin qui semblait elle-même inquiète.
Zénia n'arrivait plus à suivre le cours des événements. Des gens arrivaient, visiblement d'ordres de médecins, et semblaient avoir été mis au courant. La noble Liira alla chercher son cheval et tandis que reste du groupe se dispersait pour semer leur poursuivant, prenait Nausicaâ en croupe. Elle la guida jusqu'à un manoir où elle l'installa dans une chambre avant de repartir.
Zénia était nerveuse. L'elfe avait fini par les lâcher, mais l'histoire était compliquée, et cela attirait déjà des curiosités, même alors que la nuit s'avançait. Elle soupira d'aise quand elle pu retrouver Nausicaâ, assise sur un lit, dans le manoir de la Dame Liira, décidément clairement noble, même si elle ne s'était pas plus présenté.
Tout le monde appelait Nausicaâ Loredala. Il n'était pas question, ici, de révéler son identité, et Zénia avait compris l'étendue des craintes de sa jeune aimée. Et elle prit le temps de faire comprendre qu'il ne fallait pas en demander plus. Teiana, visiblement, comprenait très bien et ne posa pas de questions.
Liira aussi n'en posa pas. Mais elle avait remarqué l'étonnante épée, cachée par des linges, qu'avait porté Nausicaâ à Ironforge, et l'avait visiblement noté à l'esprit.
Teiana, dans la chambre du manoir, fit sortir tout le monde, pour ausculter la jeune malade. Zénia protesta, et refusa, jusqu'à ce que Nausicaâ, essayant d'être rassurante, ce qui paraissait difficile vu la peur lisible sur son visage, puisse la convaincre de veiller à la porte. Pendant ce temps Liira se retrouvait réduite à jeter hors de chez elle un membre de la garde de Stormwind qui les avait suivi et avait forcé l'entrée, dans le but d'en apprendre plus et de demander des comptes sur ce qui se passait ici. Même si c'était louable, Zénia se mit en colère, et Liira finit par chasser le garde trop curieux. Nausicaâ était bien assez affolée, et Zénia n'avait pas envie en plus de lui imposer une présence masculine dans un tel état. Elle avait depuis longtemps compris que sa chère humaine avait peur des hommes, et serra les dents de colère en se remémorant comment elle l'avait découvert, et pourquoi.
Teiana fit déshabiller la jeune humaine, et frémit en voyant tout d'abord son dos, labouré de cicatrices. Des traits longs, droits, enchevêtrés. Des coups de fouet. C'était évident. Mais le pire était la cicatrice au flanc. Teiana la toucha, nettoya la peau et palpa la plaie, l'air de plus en plus inquiète. Elle avait une idée de l'état de la blessure, et des dégâts internes, et réalisa qu'elle n'avait pas d'autre choix que d'opérer cette jeune femme pour intervenir, sans quoi elle finirait par déceder.
Zénia était inquiète, Elle commença à l'être de plus en plus quand Teiana demanda à sa collègue venue les accompagner un brancard et des porteurs, disant qu'il fallait l'emmener d'urgence dans l'Hôpital de Stormwind. Zénia demanda ce qui se passait, mais le médecin elfe ne lui répondit pas, occupée à prendre en charge Nausicaâ. La jeune humaine demanda elle-même, mais n'eut pas non plus de réponses.
Teiana s'activait, Liira regardait ce qui se passait, avec l'assistante du médecin, Zénia rassurait Nausicaâ et essayait de se rassurer elle-même, et c'est sur un brancard, en protestant encore qu'elle pouvait marcher, que l'adolescente fut emmenée dans les bâtiments de l'Ordre des Hospitaliers. Il y régnait une grande activité. Zénia ne vit pas grand-chose, l'attention tournée vers sa chère humaine, mais la chef de l'Ordre, Gwendolline, était là, couvertes de bandages sur des blessures diverses.
Nausicaâ fut menée dans une chambre, tandis que la chef de l'Ordre prenait état de ce qui se passait. Il y avait beaucoup de monde, et Nausicaâ paniquait. Zénia n'en menait pas plus large. Il y avait trop de monde pour elle, un lieu trop étranger, des discussions et des débats auquelle elle n'entendait rien. Elle n'avait compris qu'une chose, et cela l'épouvantait : on allait opérer la petite humaine qui était si soudainement devenu tout pour elle. Et on ne lui disait pas pourquoi.
Teiana fit déshabiller complètement Nausicaâ sur le lit tendu de draps blanc où elle l'avait allongée. Avec beaucoup de douceur, elle l'aida à retirer ses vêtements, puis ausculta encore la plaie, et demanda à la jeune fille d'où elle avait gagné une telle cicatrice.
Nausicaâ n'avait que peu à en dire. Elle raconta juste que c'était les crocs d'un dragon, et qu'elle n'en savait pas plus. Que parfois, un visage hideux penché sur elle lui revenait, elle évoqua un troll, mais elle ignorait qui et comment elle avait été soignée. Teiana marmonna qu'il n'y avait bien qu'un troll pour faire ça, et commença à préparer tous les instruments en vue d'une opération. Puis elle se pencha sur la jeune humaine, lui murmura de ne pas avoir peur, et pressa un linge imbibé de drogue contre son nez. Nausicaâ sombra dans l'inconscience en quelques instants.
Zénia observait cela en silence. Elle était appuyée à la porte de la chambre, et ne quittait pas le médecin et sa jeune compagne des yeux. Son cur battait, mais la guerrière était si concentrée qu'elle était devenue impassible. Elle portait toujours ses armes, et n'avait pas lâché une fois le sac de Nausicaâ, et l'épée qui y était accrochée.
Quand Nausicaâ perdit conscience, elle frémit. Le médecin la regarda, rassurante. « Tout va bien ». Mais Zénia avait du mal à le croire, jetant un il sur la bassine où se trouvaient entassés les instruments qui allait servir à opérer sa bien-aimée.
Quelqu'un tapa à la porte. C'était un homme, que Teiana présenta comme un collègue, et son assistant pour l'opération. Au loin, Zénia entendait la voix de Liira, parlant avec Gwendolline et d'autres personnes présentes dans l'hôpital, mais elle n'y prêtait plus attention. Elle hésita à laisser entrer cet homme dans la chambre où sa compagne reposait, nue. Mais Nausicaâ ne s'en rendrait pas compte, et Teiana semblait catégorique.
Zénia se réinstalla contre la porte, et observa. Les deux médecins commencèrent leur uvre, et Zénia serra les dents quand le bistouri découpa lentement les chairs, détournant un instant le regard, avant de se reprendre. Elle voulait tout voir, assister à ça et les tuer si jamais cela se passerait mal.
Le sang coulait. L'assistant épongeait le flot rouge, et les compresses s'accumulaient dans les bassines, tandis que les draps devenaient pourpres. Teiana semblait se maîtriser avec toute l'habilité d'une professionnelle complète, mais elle ne retenait pas des réflexions et des commentaires partagés par son assistant et qui n'auguraient rien de bon. Zénia écoutait, livide, mais impassible. Ils disaient ce qu'elle avait quelque peu deviné. Et un peu plus. Il manquait le rein de ce coté, arraché par les crocs, et les intestins étaient couverts de kystes dues aux hématomes et à des débris jamais nettoyés. Elle ne pouvait sans doutes plus manger normalement, et dépérissait, son corps luttant en permanence contre des lésions vieilles de plusieurs mois.
Teiana découpait les chairs, et retirait les kystes, son assistant cautérisait les plaies derrière elle. Cela saignait de plus en plus, et Zénia avait de plus en plus peur.
Quelque chose attira son attention. Tandis que l'opération avançait, la lourde épée de Nausicaâ semblait s'être mise à vibrer. Zénia ne l'avait tout d'abord qu'à peine senti sans y prêter attention, mais maintenant, la lame vibrait réellement. Elle posa le sac, et saisit l'arme à travers ses linges, sans quitter Nausicaâ des yeux.
L'épée vibrait bel et bien Zénia la tint contre elle, tandis qu'elle reportait son attention inquiète sur sa compagne.
Teiana se débattait avec les hémorragies, son assistant semblait commencer à s'inquiéter réellement : « on va la perdre ». Nausicaâ saignait beaucoup trop, et Teiana travaillait à toute vitesse à nettoyer les plaies, retirer les kystes, et les cautériser. Et tandis que la vie semblait quitter le corps de la petite humaine, l'épée semblait se mettre maintenant à chanter, un son ténu, sifflant, cristallin, et que Zénia trouva lugubre. Elle serra la lame entourée de chiffons comme pour la faire taire, et en sentit les vibrations qui semblait la rendre tout à fait vivante.
Teiana était épuisée, son assistant essayait de garder tout son calme, et l'hémorragie semblait se calmer. Mais le médecin savait qu'elle devait refermer au plus vite la blessure, même sans avoir pu achever son travail, à moins de vouloir finir avec un cadavre devant elle.
Son assistant commença de lentes prières, et la magie curative flua à travers son corps pour rejoindre celui de la jeune fille inconsciente. Cela la maintenait en vie, tandis que Teiana refermait la longue cicatrice le plus proprement possible. Zénia serrait la lame de l'épée qui chanta longuement, jusqu'à ce que Nausicaâ cesse de saigner, et que la plaie soit refermée.
Quand le thaumaturge qui avait assisté Teiana émit l'éventualité que la jeune patiente pourrait ne pas survivre, Zénia gronda, et sans se contenir les menaça de mort si sa chère Nausicaâ décédait. Teiana la fît sortir de force, et Zénia se retrouva dehors pendant un long moment, tremblant d'angoisse et de craintes. L'épée s'était tue, mais ce présage l'avait glacé.
Le temps passa interminablement, dans une angoisse mortelle, avant que Teiana ne rouvre la porte de la chambre. Nausicaâ était allongée, le visage couvert de draps propres, le lit refait, le ventre couvert d'un grand bandage. Elle commençait doucement à revenir à elle, tandis que Teiana et son assistant discutaient des conséquences de l'opération.
Zénia jeta l'homme dehors alors que sa chère humaine se réveillait. Il n'était pas question qu'elle voit un homme près d'elle dans une telle situation, et Teiana laissa faire, même si elle protesta. Elle vérifia que la jeune humaine réagisse à ses paroles, puis quitta la pièce, laissant Zénia veiller sur elle.
Zénia soupira encore son regard se porta vers le sac, dans un coin de la pièce, et cette épée qui avait chanté en même temps que coulait le sang de son amie. Elle se demanda bien dans quelle histoire elle s'était embarquée. La petite humaine dans ses bras avait plus de secrets qu'elle n'en avait avoué, ou qu'elle en savait elle-même.
Elle huma encore une fois son parfum. Une fragrance étonnante, elfique, derrière l'odeur du savon, et les restes de relents de sang. Même son sang avait l'odeur de celui des elfes. Cette femme-enfant aux traits si étranges, aux yeux pourpres, ignorait d'où et de qui elle était née, mais cette épée qu'elle gardait comme son seul héritage, apparaissait aux yeux de l'elve comme soudain menaçante.
Elle serra un peu plus la jeune fille endormie, et ferma les yeux. Désormais, pour la toucher, il faudrait avant passer sur son corps, et elle ferait payer cher cette idée à celui qui essayerait.
Non loin de là, un homme glissa un papier sous une porte richement ouvragée du Quartier des Mages et disparut dans la nuit. Une lueur s'alluma un peu plus tard derrière la porte, et une main soignée ramassa le mot, et le lut tranquillement.
L'homme n'eut aucunes expressions en lisant ce mot, et le rangea soigneusement dans sa poche.
Il alla chercher son serviteur et lui tendit le mot, le laissant lire, puis lui tendit une bourse.
« Va, tu sais quoi faire. Surtout aucuns bruits ou esclandres ne doit arriver jusqu'ici. Si elle leur échappe, ne t'en mêle pas. »
Le serviteur salua, et se glissa dans l'aube frémissante.
A l'intérieur, Jarod Shiredwin soupira. Il n'avertirait pas son frère, pas encore. Une sorte d'instinct lui soufflait que son frère serait bien capable de tout faire échouer, alors qu'elle était peut-être à portée de main. Il voyait bien comment la mettre en sécurité et la garder en vie, et trouva amusant d'imaginer son frère cherchant anxieusement sa femme en y laissant sa fortune.
Il referma doucement la porte derrière le bureau. « Il » attendait ses ordres, et il savait quoi lui dire.
[HRP]: merci à Teiana, Liira, Zénia, et Gwendolline pour ce moment étonnant et tout à fait improvisé, et pour votre imaginaire et votre incroyable complicité: pardon d'avoir oublié le nom des autres protagonistes, mais je vous remercie tous!![/HRP]
La forêt enneigée laissait passer le couple qui traversait en courant ses sous-bois, dans l'écho de leurs pas et de leur panique. Seul leur répondait ce silence opaque et sourd que l'hiver et le froid font tomber sur le monde.Chronique de l'Epée d'Ishara, IV
L'homme tenait la femme par la main, tandis que l'autre était occupée par une lame ensanglantée. Il était humain, sans aucun doute, un remarquable spécimen de son espèce, noble et batî comme un colosse aux formes helléniques. La femme qui le suivait aurait été sans hésitations une haute-elfe, un être au port noble et fier, si la flamme de ses yeux, la couleur de sa peau, et sa stature ne trahissait pas une métis dont le sang était marqué par les kaldorei. Elle était aussi affolée que son compagnon, tenant contre elle un étrange colis, un couffin, et une épée immense et incroyablement ouvragée dans son fourreau.
Ils fuyaient dans la neige, faisant tomber des pans de la masse blanche tandis qu'ils secouaient les branches basses et les arbustes. Ils étaient couverts de boue, et de sang, la femme, si noble, si fière, était à cet instant marquée par la panique et la lassitude. Quoi qui les poursuivent, ils savaient déjà qu'ils n'y échapperaient pas.
Dans un flot de neige sale, ils débouchèrent sur une clairière. Le petit être dans le couffin se mit à hurler, un élan de peur panique en écho à celui de ses parents. Derrière eux, au loin, dans ce silence oppressant d'un soir d'hiver, ils pouvaient entendre ce qu'une oreille humaine n'eut pu percevoir. Leurs poursuivants seraient bientôt là.
« Itarillë, on ne peut pas les semer »
L'homme s'était adressé à la femme dans la langue des elfes, aussi naturelle pour lui qu'elle devait l'être pour cette créature magnifique qu'il accompagnait.
« Je le sais, mon amour. » La voix d'Itarillë était brisée par le constat affreux d'une évidence si simple.
« Nous allons sauver Elenmírë, reprit-elle. Puis enfin nous savons ce qui nous attend, Ingwë. »
L'homme acquiesça de la tête, en silence, et soutint sa femme, tandis qu'elle posait le couffin sur el sol, face à un grand chêne millénaire.
Tandis que l'homme restait derrière elle, ses yeux allant des deux êtres les plus précieux à sa vie, aux buissons d'où surgirait leur destin, la femme dégaina l'immense épée ouvragé, dont la lame se mit à luire, bleue, lumineuse, comme chantant de joie, ou d'allégresse. Sans lâcher l'épée chantante, elle prit dans ses bras la petite fille âgée de quelques mois, et se redressa.
Elle entonna alors une mélopée douce, et étrange, qui résonna dans la forêt, longuement :
« Sur le sang des descendants du Cercle, sur l'amour des élus jamais séparés, je dédie au destin la dernière-née où coule le sang d'Ishara et Kerinos. Puisse la lame impie qui fut sacrée guider son âme, puisse son âme guider le fil de la lame, puisse le sang des descendants du Cercle garder intact son pouvoir et son amour, puisse la nouvelle descendante de notre lignée porter notre héritage. »
Itarillë leva alors l'épée, et vint blesser son enfant au poignet du fil de la lame. Une larme de sang coula, que l'épée avala avidement, comme si le métal eut été assoiffé et poreux. La petite fille hurla, plus de peur et de contrariété que de souffrance, et Itarillë lâcha l'arme, serrant sa fille contre elle en pleurant de longs sanglots.
Ingwë se pencha vers sa femme et sa fille et de ses bras les serra toutes les deux, des larmes dans les yeux.
« Il faut faire vite, mon aimée, ils arrivent »
Itarillë se redressa en hochant la tête. Elle posa le couffin, et l'épée avec lui, dans un creux du chêne, et, reculant prononça des mots doux et chantants, des choses anciennes qui donnèrent à l'arbre une vie qui lui fit cacher son précieux fardeau aux yeux de tous.
Puis elle se retourna. Ingwë lui adressa un dernier regard, un « je t'aime » entre leurs pensées si intimes pendant les longues années de leur amour.
Et ils se préparèrent à recevoir l'Ennemi.
La jeune fille ouvrit un instant les yeux. Près d'elle, un regard empli de tendresse, se tenait assise une elfe de la nuit millénaire. Les deux regards se croisèrent, celui de la fille, celui de la mère. Un instant d'éternité arraché au présent.
Près du lit, un tabouret encombré d'un grand plateau. Du lait, du pain, un bol de confiture, du beurre, des fruits. Et le sourire de la kaldorei en réponse à la surprise de la jeune fille.
Le premier déjeuner offert à une fille par sa mère.
Elle se nommait Duvnarel, elle regardait se réveiller une jeune humaine au sang des Quel'Dorei, et son nom était devenu pour elle symbole d'une raison de vivre.
Nausicaâ.
La jeune fille ferma les yeux un instant ; le réflexe qui consiste à essayer de vérifier si elle dormait encore ou si elle était éveillé. Si le présent est bien un réel, ou un affreux tour de ses vux et de ses rêves venus la hanter. Elle rouvrit les yeux.
Duvnarel souria, maternelle et aimante, complice des doutes qui assaillaient l'adolescente. Et Nausicaâ ne put retenir ces larmes de joie qui ne cessait de venir depuis ce dernier jour entier.
Elle avait croisé Duvnarel par hasard. Malgré sa peur, elle se rendait régulièrement à la cathédrale de la Lumière de Stormwind. Elle ignorait si elle avait jamais eu l'idée de mettre sa foi en question, mais près de dix ans de sa vie au sein d'une abbaye, éduquée à être prêtresse, avait éteint en elle toute idée de questionnement ou de révolte.
Comme pour beaucoup d'autres choses, et d'autres moments, elle était docile et prévisible, d'aucuns auraient dit simplement stupide.
Marcher dans Stormwind était dangereux. Elle ne le faisait qu'à l'aube, ou après le crépuscule, aux heures où les braves gens dînent et où les seigneurs et les voyageurs vident des choppes. Mais elle se sentait obligée de venir voir prier dans la cathédrale, et se confesser, sans jamais donner son identité. Qu'un prêtre eut désiré parler un peu de ces visites rares mais régulières, et son mari aurait pu la cueillir comme une fleur. Mais elle n'en avait sans doutes pas complètement conscience. L'obéissance peut être un réflexe plus fortement ancré que l'instinct de survie, et la méfiance. Surtout quand on a juste seize ans.
Elle sortait d'une chapelle, quand elle la vit. On remarque sans coup férir une elfe de la nuit dans une cathédrale de la Lumière où seuls les humains, et à la rigueur les nains, viennent prier. Celle-ci était grande, plus déjà que les membres de sa race, déjà si imposants, et il y avait encore plus de noblesse et de fierté dans son allure qu'il était possible en voyant une kaldorei visiblement perdue.
Nausicaâ a un grand défaut, un de plus. Elle pourrait se jeter dans la gueule d'un dragon en voulant rendre service à un inconnu, eut-il l'air d'un assassin couvert du sang de sa victime. Elle s'approcha donc de cette elfe qui cherchait visiblement quelque chose, et lui proposa son aide.
De plus près, voir cette elfe appela encore chez elle cette sensation étrange qu'elle avait en compagnie des kaldorei. Cette attirance terrible, presque dévorante, qu'elle attribuait à toutes les rêveries d'enfant qu'elle avait eu, dans l'ennui de son lit au pensionnat, les livres de Taleyran posés à son chevet. Oui, elle aimait les elfes, et trouvait si injuste d'être née humaine, élevée dans un monde si clos, gris, et monotone.
Et même après avoir vécu avec eux, même après avoir vu la réalité derrière les rêveries, quand elle rencontrait une elfe, un sentiment profond l'envahissait. Elle n'avait pas d'autre que de se dire avoir le cur gros. Gros de quoi, elle n'avait pas le moyen de le savoir.
L'elfe se tenait donc devant elle, et demanda d'une voix riche, puissante, et trahissant un âge que son visage n'exprimait que par le regard, où se trouvaient des spécialistes de la médecine. Nausicaâ guida la kaldorei jusqu'aux locaux de la maîtresse de médecine de la cathédrale, et laissa l'elfe à ses affaires. Elle était devenue nerveuse. L'elfe l'avait dévisagé, et face à elle, sa capuche ne cachait pas son visage, et surtout, avait regardé ses yeux. Elle avait alors commencé à poser des questions inquisitrices, demandant les origines de l'adolescente, humant l'air, comme pour s'assurer que ses doutes étaient fondés.
Nausicaâ savait parfaitement ce que l'elfe avait deviné, et sa peur, ses hésitations, la trahissaient encore plus. Lumière, comme elle détestait sa timidité qui la faisait détourner les yeux, hésiter à ses mots, et rougir, se trahissant plus que n'importe quel aveu.
Elle planta là l'elfe, et sortit du bâtiment, venant s'appuyer contre une colonne pour reprendre ses esprits et laisser son cur se calmer.
L'elfe réapparut, juste derrière elle. Nausicaâ l'écouta. La kaldorei avait deviné bien des choses, et proposa à la jeune adolescente qu'elle lui explique tout.
Pourquoi était-elle venue, Nausicaâ n'en savait rien, mais ce qui lui échappa est qu'elle accepta de suivre cette inconnue. Il y avait ce regard. Ou cette façon de regarder. Un mélange de méfiance, de compassion, de curiosité. Mais Nausicaâ la suivait pour autre chose, autre chose qu'elle n'avait aucun moyen de deviner alors, comme on ne peut pas deviner un petit signe du destin tant qu'il ne veut pas vous montrer l'évidence.
Ironforge.
Une auberge dans la terrasse des guerriers. A l'étage, les bruits d'une conversation animée en darnassien, au comptoir, deux nains en goguette, et de temps en temps des tables qui se vident et se remplissent. L'elfe se nommait Duvnarel, Nausicaâ dit qu'elle se nommait Loredala. Oui, elle avait du sang elfe dans les veines. Non, elle ne savait pas d'où elle venait. Oui, elle se cachait, son mari la recherchant depuis plus de six mois. Non, elle n'avait pas beaucoup d'amis, elle en avait eu, la plupart avaient disparus ou étaient morts. Lui restait juste sa chère Zénia, Néfèriane, une guerrière torturée qui venait la voir de temps en temps, et Kerla, une démoniste du même âge qu'elle, ou presque.
Nausicaâ raconta donc sa vie. Simplement. S'étaler aurait encore fait naître des larmes, et elles naquirent quand même quand Duvnarel la poussa à expliquer pourquoi elle avait fuit son mari. Et l'elfe devina, d'elle-même, ses propos confirmés par les sanglots étouffés de l'adolescente.
Vint alors les questions sur l'épée. Duvnarel fut choquée d'apprendre que la jeune fille avait comme amie une démoniste, et encore plus de savoir que c'était dans cette langue qu'était écrit une phrase sibylline sur la lame de l'épée. Nausicaâ avait pourtant un nom : Thel'Darsyl, et Duvnarel comprenait, et partageait le désir de cette jeune fille blessée et perdue de retrouver ses origines, et le sang elfe qui courrait dans ses veines.
L'elfe avait des moyens, et elle prit contact, sans quitter sa place dans cette auberge enfumée, avec l'une des membres des Archivistes, pour tenter d'en savoir plus sur ce nom et cette épée.
L'homme qui vint se nommait Thorgen, et était un grand guerrier massif. Nausicaâ frémit, mais les suivit sans rien dire. L'homme ressemblait par trop à ce qu'elle craignait Ce n'était pas difficile, il suffisait de ressembler à un grand mâle humain. En parlant, il la pressa de questions sans ménagements, tandis que Duvnarel restait silencieuse. Nausicaâ finit par craquer sous les coups des mots trop durs, trop froids, des questions trop autoritaires, et s'effondra en sanglots.
Zénia, qui la cherchait depuis plusieurs heures, la trouva à ce moment là, et Duvnarel les laissa partir, la jeune Sentinelle consolant l'adolescente, tandis que le guerrier humain avait disparu, vexé ou fâché.
Duvnarel avait dit qu'elle ferait au mieux pour aider Nausicaâ. Elle revint quelques jours plus tard, au lakeshire.
Zénia et Nausicaâ s'y étaient installés depuis quelques temps. Il fallait bien choisir un lieu où vivre, et pour payer l'auberge, les deux jeunes filles rendaient service à la région, en guerre contre les orcs et les gnolls.
Elle retrouva les deux filles dans leur chambre. Et Nausicaâ ne put pas lui cacher ce qu'elle n'avait pas montré quelques jours avant, les séquelles de sa blessure. Duvnarel prit alors l'initiative de les quitter pour revenir avec des cicatrisants de sa composition, qui firent effet plutôt vite. Duvnarel repartit alors.
Mais quelque chose devait la retenir quelque chose pareil à ce qui donnait à Nausicaâ tellement confiance en cette druidesse qu'elle désirait toujours revoir. Elle était restait à Lakeshire, avec son énorme tigre de monte. Et la vieille druidesse à l'age impossible à estimer accepta d'aider les deux adolescentes. Nausicaâ ne put retenir ses sourires, et sa joie ET Duvnarel ne les quitta plus, pendant des jours.
Les Carmines, Dun Morogh, et les Paluns. Duvnarel accompagna et guida partout les deux jeunes amantes, ne les quittant plus. Elle semblait vouloir les protéger, les connaître, les aimer, et Nausicaâ irradiait de son bonheur d'adolescente aux sentiments si exacerbés, à sa compagnie. Même Zénia, si méfiante, si silencieuse, devenait plus sereine et souriante.
Duvnarel présenta aux deux jeunes filles Tyranael, une autre elfe, Archiviste, qui nota consciencieusement tout le récit de la courte de vie de Nausicaâ, mais aussi le nom de Taleyran, d'Ishara et de Thel'Darsyl. Elle promit de rechercher une réponse, et repartit.
Duvnarel quitta après ces quelques jours les deux jeunes filles, installées dans le Darkshire pour un temps, et Zénia partit prendre des cours de forge, laissant Nausicaâ seule.
La jeune adolescente avait un passe-temps, hérité de sa famille adoptive, la couture. Elle voyagea donc jusqu'à Ironforge, pour y trouver matières premières, et, cherchant de la soie, prit rendez-vous avec une fournisseuse de soie d'araignée. Mais elle devait retourner à la banque de Stormwind. Un peu trop sûr d'elle, elle osa retourner dans la ville qui lui était si hostile, et attendit sa cliente, une étrange elfe qui, elle le sut de suite, ne fut pas dupe de l'apparence de la demi-elfe, et sentit de suite ce que cachait cette jeune fille. Elle lui fit don, plutôt réellement que lui vendre d'une quantité énorme de cette soie rare, et parti, visiblement satisfaite, laissant Nausicaâ étonnée, un paquet énorme représentant plusieurs pièces d'or dans les mains. Elle avait payé tout cela une seule pièce d'argent. Passé l'étonnement de ce cadeau, elle décida d'aller offrir à l'hôpital de Stormwind la pièce d'or qu'elle s'était préparée à payer.
Elle put revoir Teiana, et la remercier, sans rien lui révéler de détails. L'elfe n'en demanda pas, heureuse de voir sa patiente remise. L'étrange fournisseuse de Nausicaâ était là, elle-même, visiblement occupée avec une des patientes des lieux, et Nausicaa n'en demanda pas davantage, s'en retournant vers les griffons pour rejoindre sa chère Zénia.
Elle avait fait quelques pas dans la ruelle qui rejoignait la place du quartier commerçant qu'elle fut agressée par une elfe, une voleuse, qui la plaqua au mur. Elle en voulait aux richesses qu'elle avait vue sur la jeune fille, et à l'épée elle-même. Nausicaâ cria, et teiana et l'étrange elfe, surgirent de l'hopital pour se ruer sur l'assaillante.
Nausicaâ ne sut pas la suite. Il y avait deux voleuses, mais elle n'avait pas vue la seconde, et elle recula jusqu'à la place pour appeler à l'aide.
Teiana et l'étrange elfe la rejoignirent alors que ses cris semaient la panique sur la place. Nausicaâ était bouleversée et paniquée, et Teiana lui proposa de l'escorter jusqu'à son domicile.
C'est ainsi que Nausicaâ apprit à connaître Teiana, le médecin des Red Cross, femme au dévouement exemplaire aux malheureux et aux blessés de Stormwind. Devant un verre, à l'abri de soir dans l'auberge de Darkshire, elles apprirent à se connaître. Zénia n'était toujours pas rentrée, et Nausicaâ raconta une fois de plus sa vie, et écouta celle de Teiana. Des vies aussi tristes que belles.
Duvnarel les retrouva. Nausicaâ se demanda bien comment elle faisait, mais elle ne se demanda pas pourquoi. La grande druidesse kaldorei était toujours aussi impressionnante, et magique, toujours aussi attrayante et rassurante. Duvnarel s'inquiéta quand Teiana raconta ce qui était arrivé, et regarda l'épée avec de plus en plus de suspicion Nausicaâ essaya vainement de résister à la proposition impérieuse de Duvnarel : cacher l'épée, pour rendre la vie de la jeune fille précieuse si des gens venaient à chercher l'arme.
Nausicaâ céda, presque docilement, après une résistance de principe. Elle se sentait incapable de refuser, mais l'idée l'effrayait. Jamais on ne l'avait séparé de l'épée de plus de quelques kilomètres. Mais elle n'était pas non plus en mesure de refuser, et comment résister de toute façon à une décision simplement sage ?
Duvnarel saisit le précieux paquet, et activa sa pierre de foyer, l'envoyant à un continent de là.
Teiana avait vu la peine et la peur de la jeune fille à l'idée de voir si loin d'elle son lien à ses origines. Mais ce qui terassa Nausicaâ dépassait la peine, ou la tristesse. Nausicaâ elle-même ne comprit pas, c'était comme si on lui imposait tout le fardeau du monde, comme si vivre même était une tristesse infinie, un poids trop lourd destiné uniquement à l'écraser. Elle s'effondra en sanglots, le corps secoué de tremblements et de spasmes, un froid terrible s'insinuant dans ses veines.
Loin de là, l'épée se mit à vibrer, puis chanter, et enfin émettre un son qui ne pouvait être autre chose qu'une plainte de souffrance déchirante.
Nausicaâ s'effondrait, anéantie par une peine qui n'était pas la sienne et qui glaçait son corps. Teiana essayait de la retenir, de la réchauffer, se demandant bien quelles méthodes médicales appliquer, mais l'adolescente fuyait vers le néant et rien ne la retenait. Elle finit par perdre connaissances, pour s'enfoncer dans ce qui ressemblait à un coma profond, le corps glacé et la respiration devenue à peine un souffle.
Dans les mains de Duvnarel, qui entendait à travers le Rêve les appels de détresse de Teiana, et qui se préparait à cacher l'épée dans la Mer Voilée, l'épée se tut, devenant lourde, comme morte.
Duvnarel revint par les moyens les plus rapides possibles, à la fin de la nuit. Nausicaâ était alitée, toujours glacée, toujours inconsciente. Teiana faisait son possible pour lui venir en aide, en vain. Et Zénia, loin de là, ne savait rien de ce qui arrivait à son amante.
La druidesse posa devant Teiana une fiole remplie d'un liquide lumineux. Teiana sut de suite ce que c'était : de l'eau d'un Puit de Lune. Duvnarel esperait que, cette épée étant de manière évidente magique, et liée à la jeune adolescente, une autre source de magie la délivrerait de la dépendance à cet objet.
Teiana injecta un quart de la fiole, pour voir Nausicaâ commencer à gémir, et se réveiller, prise de fièvre, ses yeux poupres devenus soudainement flamboyant, comme illuminés par la même clarté que celle des Kaldorei. Elle souffrait, était à demi-assomée, ignorait ce qui lui arrive, et serrait les dents, essayant d'avoir assez de conscience pour entendre et comprendre ce qu'on lui disait. La lassitude était toujours là, une sorte d'eau rampante au fond de son être, combattu par cette chose dans son sang qui lui donnait une fièvre terrible.
Elle fut incapable de décrire le chemin qu'elle fit, ensuite. Teiana la soutenait, ou lui tenait la main, Duvnarel avait pris toutes ses affaires, et les deux femmes l'emmenaient loin de là. Nausicaâ se laissa guider, et faire. Elle tenait debout, elle pouvait marcher, elle pouvait chevaucher un griffon, mais n'avait du monde qu'une conscience floue dans un demi-sommeil léthargique et qui l'appelait sans cesse, et de ses pensées que des échos lointains et lents comme des éternités retardés. Zénia avait été prévenu par le biais des Pierres Jumelles que Duvnarel avait offert aux deux amantes, et les attendait à Auberdine.
Nausicaâ ne put pas se souvenir de la durée du voyage, ou de son contenu. Zénia prit soin de son amante dès son arrivée, et le groupe marcha jusqu'aux Monts Stonetalon. Nausicaâ suivait, tirée par Zénia, surveillée par Teiana, tandis que Duvnarel était parti chercher l'épée si vitale à la jeune fille.
Arrivés aux monts, Duvnarel était là, et les guida jusqu'au sanctuaire elfe. Arrivées au bout de cette course, Zénia portait Nausicaâ, épuisée et vaincue dans ses bras. La Sentinelle n'avait posé aucunes questions, ni le moindre commentaire. Pas encore. Mais son regard trahissait sans équivoques sa colère et sa peur, et son désir de savoir, dès qu'elle aurait mis sa compagne à l'abri.
Nausicaâ ne sut pas la suite On laissa l'épée près d'elle, et elle resta alitée, dormant, Zénia la serrant contre elle. Duvnarel partit dire qu'elle s'enfuit aurait été plus juste, après avoir expliqué à Zénia ce qui était arrivé.
Teiana resta près des deux femmes. Nausicaâ avait été sa patiente, et elle était attachée aux deux femmes, mais elles devenaient surtout des amies. Nausicaâ se réveilla de longues heures plus tard, faible et fatiguée, déboussolée, incapable de se souvenir en détail du voyage. L'absence de Duvnarel la frappa C'était la druidesse qui l'avait conduite là, c'était elle qui avait des réponses, et plus encore elle lui manquait. L'impression qu'elle avait été toujours en sécurité, toujours protégée, et aimée revint à ses émotions. Duvnarel lui manquait, d'une manière qu'elle ne savait pas décrire, ou alors qu'elle n'avait pas envie de formuler.
La druidesse revint au soir. Quand elle arriva, Teiana démontait devant les yeux de Zénia et Nausicaâ les décorations de l'arme, révélant une épée parfaitement utilisable par une main elfe, une redoutable lame Bien-Née. Duvnarel frémit, reconnaissant les glyphes, reconnaissant aussi sans le dire qu'elle savait les lire, et reconnaissait parfaitement l'origine de cette épée.
Elle proposa alors de détruire l'arme. Là encore, la décision la plus sage. Nausicaâ ne dit rien. A quoi bon. Le regard de Duvnarel montrait son amertume, sa détresse, elle était aussi déboussolée que la jeune fille, effrayée, épuisée et lasse devant une épreuve de plus, devant quelque chose contre lequel elle ne pouvait rien. Zénia protesta. Détruire l'arme, c'était tuer Nausicaâ.
Duvnarel sortit en disant que ce n'était pas son problème. Nausicaâ écouta, mais les trois femmes s'éloignèrent, et, regardant cette épée, cette étrange compagne qui semblait capable de la faire souffrir, elle se rendormit.
Quand elle se leva, un moment après, encore lasse, pour retrouver Zénia, elle vit les trois elfes parler, assises sur un banc. Duvnarel, de sa voix chaude et puissante, douce en ancienne, racontait quelque chose de long, en darnassien, et Teiana répondait dans la même langue, tandis que Zénia écoutait, sans rien dire.
Nausicaâ s'approcha, timidement. L'impression de ne pas être à sa place se faisait plus forte, avec l'usage de cette langue qu'elle ne pourrait jamais apprendre. Elle chercha le regard de Duvnarel. Les mots ne voulaient rien dire, mais la voix trahissait la solitude, la lassitude, un appel au secours informulé. Nausicaâ n'y pouvait rien, sauf dire « je suis là » et elle n'avait que son regard pour ça.
Duvnarel la fixa, plongeant ses yeux noirs dans le regard de pourpre de l'adolescente, qui s'était rapproché de sa compagne, n'osant déranger par un mot les trois kaldorei.
La druidesse dit alors : « j'aurai tellement voulu avoir une fille ».
Nausicaâ essaya de s'excuser, pour tous les ennuis qu'elle avait crée, mais elle laissait son regard dans celui de l'elfe millénaire. Elle quitta les bras de Zénia, pour s'approcher de Duvnarel, et fit un geste en réponse à cette phrase prononcée par la druidesse Elle lui tendit sa main. A cette seconde, Nausicaâ venait d'entendre tout ce qu'elle n'avait pu exprimer ou comprendre, ce qui avait refusé de naître à sa conscience. Duvnarel avait signifié un rêve inavoué pour elle, un rêve impossible à exprimer jusque là Elle tendit la main, que Duvnarel prit doucement, prise par le doute, prise par la même évidence, et par la peur d'un instant devenu éternel et si fragile. Nausicaâ eut les larmes aux yeux, ce quelle voulait dire, elle ne le pouvait pas, juste et seulement sourire, dire à Duvnarel, du regard « je suis là » lui dire qu'elle attendait, elle, cette mère que Duvnarel voulait tant être pour une fille.
La druidesse serra la petite adolescente de toutes ses forces, tandis que la jeune fille murmurait « vous pouvez être ma mère ». Etait-ce jamais ce que Duvnarel aurait voulu entendre, mais elle versa des larmes sur l'adolescente, tandis que Nausicaâ pleurait.
Un moment éternel, mais surtout le droit à jamais d'être fragile ou faible ou dépendante, le premier instant de tendresse maternelle qu'elle n'aurait jamais eu. Duvnarel ne la lâcha pas avant longtemps, mais le temps avait si peu d'importance, à ce moment, là. Zénia souriait, Teiana en pleura d'émotion. Nausicaâ avait du sang elfe, elle aurait pu être sa fille, elle pouvait l'être Etre une fille avoir une mère. Plus que celle qui l'avait simplement élevée petite fille, puis confiée à l'abbaye pour en faire une idéale fille à marier. Une mère qui dise et montre son amour Une mère qui protège et apprend
Elle l'avait trouvé, et les perles des larmes de Duvnarel glissèrent sur ses cheveux d'argent.
Nausicaa Blackmeans, la Porteuse de l'Epée.Chroniques de l'Epée d'Ishara, V
Liandra, la Première Sentinelle
Zénia, la Seconde Sentinelle
L'Epée d'Ishara
L'épée dans les mains de Nausicaâ
Duvnarel, la Seconde Mère
(en réponse à la lettre publiée dans "Une Folie de Plus" de Duvnarel, écrit à quatre mains avec Zénia, que je remercie pour cet effort, et cet exercice ce style)Chroniques de l'Epée d'Ishara, VI
Nausicaâ déplia la lettre qui avait voyagé depuis loin pour arriver jusqu'à sa cachette de la Combe de Nijel. Elle n'avait jamais fais attention à son odorat, jusqu'à ces derniers jours. Mais les leçons de Duvnarel, et l'aide de Zénia lui avaient fait comprendre qu'elle pouvait faire et ressentir certaines choses, communes aux elfes, mais qu'elle ignorait. Et avant qu'elle n'ouvre la lettre, elle réalisa qu'elle savait de qui elle venait. Elle n'aurait pas su dire comment, elle savait, c'est tout
<>
Elle lut, lentement
Ses yeux s'embuèrent, tandis qu'elle la parcourait, et des sanglots naquirent qu'elle ne put retenir. Elle du essuyer ses larmes pour essayer de lire le texte entre ses pleurs. Elle ne sut pas si elle lisait réellement ce que ce mot portait vers elle, ou si elle l'imaginait Mais elle fondait dans des sentiments qu'elle ne pouvait pas décrire. Quels mots pouvaient exprimer toute la gratitude, tout le bonheur qu'elle ressentait à lire ça ? Quels mots pouvaient lui dire à quel point elle réalisait ce que son esprit tellement habitué à renoncer et perdre n'avait toujours pas accepté comme évident et éternel ? Comment pourrait-elle jamais lui dire, en retour, tout ce qu'elle ressentait, tout ce qui à cet instant précis brisait avec une force tranquille et inéluctable le manteau de crainte, de défaitisme et de désillusions qui couvrait la jeune adolescente depuis l'aube de sa vie. <>
Nausicaâ pleurait, debout devant l'auberge, la lettre à la main, tête baissée, les larmes coulaient de ses joues pour nourrir le sol aride de Désolace. Elle resta ainsi longtemps jusqu'à ce que Zénia ne vienne
La jeune elve prit alors doucement la lettre des mains de sa compagne, l'attira contre elle, et tandis qu'elle laissait la jeune demi-humaine pleurer dans ses bras, elle lisait l'aveu de Duvnarel. Tandis qu'elle parcourait la lettre, sa main tremblait, et elle serra un peu plus Nausicaâ contre elle. Son visage n'exprimait rien, et qui aurait pu lire ce que ses yeux disaient ? Peut-être de la joie, tandis qu'elle lisait, peut-être aussi de la mélancolie ou de la douleur pour ce qu'elle n'a jamais eu, et n'aurait jamais elle-même. Sa main qui tremblait trahissait juste ce qui torturait à cet instant ses souvenirs et son âme, et qu'elle ne dirait jamais.
Alors, elle fit ce que lui permettait cette jeune fille qu'elle aimait plus que sa vie même : elle se délecta de son bonheur, et de ces larmes de joie qu'elle répondait contre son épaule. Elle laissa naître un sourire, tandis qu'elle repliait d'une seule main la lettre si précieuse, et la glissait dans celle de Nausicaâ. Puis elle saisit doucement son menton, et leva son visage en larmes vers elle, pour plonger son regard d'obsidienne dans le regard de rubis de la jeune prêtresse. Elle ne parla pas Elle savait bien que Nausicaâ désormais pouvait entendre sans qu'il n'est besoin d'employer des mots. Elle laissa juste ses yeux dire ce qu'aucuns de ses mots ne pourraient exprimer. Et elle souria encore, en voyant ces yeux de pourpre et ce visage, noyé de larmes et d'étonnement, incapable de pouvoir exprimer tout le bonheur qu'il vivait. Il n'y eu pas besoin de mots, et Nausicaâ n'en employa aucuns
Elle se laissa juste enlacer contre Zénia, se serrant contre elle, respirant son parfum, l'esprit vaincu par une évidence merveilleuse et magique : celle d'être aimée.
La Maison Formepierre
La jeune femme entra doucement dans la grande pièce, éclairée uniquement par le foyer d'une cheminée colossale, qui dardait ses feux sur des meubles de bois et de cuir. Un salon complet, entouré d'une imposante bibliothèque, mais conservé dans la pénombre par les deux hommes qui y discutaient, autour d'une pipe fumante et de deux bières dorées.
Un nain et un humain, que la jeune femme connaissait bien tout les deux.
Ils se tournèrent à son arrivée. C'était une elfe. La plus belle elfe que leurs yeux avaient jamais eu l'occasion d'admirer. Le nain souria, et soupirant, cracha sa fumée en un long volute dans le salon.
« Bonjour, chère lumière de toutes les aubes. »
L'elfe souria. Oui, elle était radieuse, pareille à une aube, et l'humain, son mari, ne pouvait s'empécher, même après toutes ces années de l'admirer. Un joyau parmi les hommes, aux cheveux d'or, les yeux couleur de rubis flamboyants, la peau d'albâtre, elle avait dans ses sourires et son regard une grâce qu'il était impossible d'imiter, ou même d'approcher. Même les nains du château de Formepierre avaient toutes les peines du monde à cacher leur émoi devant cette grâce incarnée, et même leur seigneur, Dagor, faisait de la poésie quand il la voyait. Il avait coutume de dire que devant tant de beauté, même un troll serait poète.
A cet instant, il reprenait une bouffée de sa pipe, et souria à l'humain en face, jovial et satisfait de sa jolie phrase.
L'humain souria à son tour à l'apparition, et se leva pour aller à sa rencontre.
« Bonjour ma chérie, comment vas-tu ? »
L'elfe souria encore une fois, baissant les yeux vers le petit fardeau qu'elle tenait dans ses bras. Le bébé n'avait pas plus d'un mois, une petite chose fragile et émouvante, qui à cet instant avait des yeux ouverts à essayer de deviner le monde, son grand regard de pourpre posé sur l'humain, son père, l'air étonnée et curieuse. Rien n'aurait permit de deviner son sang elfe, si ce n'est ce regard si étrange, mais dans les bras de sa mère, on ne pouvait nier leur ressemblance. L'efle répondit, une voix chaude et suave, douce comme du sucre, et amoureuse comme un poème.
« Je vais bien, et elle va bien, mon amour. Je crois que je vous ai dérangé en pleine discussion, n'est-ce pas ? »
« Ce n'est rien, Itarillë. Mais Dagor a appris certains choses, et nous devons aller au plus vite à Stormwind, y trouver Uther Lightbringer. Le clan Formepierre a la preuve que des forces sombres gravitent autour du roi Magni, et surtout, il a entendu quelqu'un prononcer le nom d'Ishara. « Ils » nous ont retrouvés. »
L'elfe blémit, serrant un peu plus sa fille contre elle. Derrière eux, toujours assis Dagor, le puissant nain Maître de la Maison Formepierre, avait perdu son sourire, et avala une grande lampée de bière, avant de reprendre, l'air grave.
« On ne sait rien de tout ça, dame elfe, mais il y a des gens étranges, des forces étranges, autour du trône du Roi. Une certaine Séléné, surtout, dont on ne sait rien, mais dont je suis sûr qu'elle est un pion de Ner'zhul, ou pire encore. Nous devons aller au trône d'Ironforge puis rencontrer les autres membres du Vif-Argent. Mais nous avons besoin qu'on aille prévenir Uther lui-même. Je vous fournirai une escorte complète, des compagnons fiers et sûr, et même un mage. Mais il est trop risquer de rester ici avec l'Epée. Elle a commencé à appeler, de nouveau, n'est-ce pas ? »
« Oui, répondit la jeune elfe, tandis que son mari restait silencieux, elle ressent et sait tout ce qui se passe au loin. Elle entend les Légions qui s'agitent, et veulent entrer dans notre monde, et ne pouvant les rejoindre, tente de les appeler, de se faire connaître. »
L'elfe marqua un temps d'arrêt, observant le vieux et fier nain qui tirait sur sa pipe.
« Votre instinct à ressentir ces choses m'impressionne. En général, seuls les elfes et vos utilisateurs de magie profane et impie peuvent entendre l'Epée. Elle reste silencieuse à tout autres. »
« Je préfèrerais ne pas l'entendre. Je sais qu'elle est liée à votre sang, et qu'elle sert aussi bien la cause du bien, que celle du Mal dont elle tient son pouvoir. Mais c'est un démon qui gémit dans son acier, et ce démon m'effraie. »
« Mais nous ne pouvons pas ni la détruire, ni nous en défaire. »
L'humain resté jusque là silencieux, parla à son tour.
« En fait, Itarillë, et sa mère, Inilasha, m'ont expliqué que l'on ne pouvait détruire l'arme sans détruire leur lignée. C'est par l'amour de leurs ancêtres que la force qui réside dans l'épée est contenue, et cet amour est relayé depuis dix mille ans par leur famille. Si on détruisait l'Epée, ma femme et ma fille mourraient dans l'instant. Ainsi que toute personne portant le sang d'Ishara où qu'il soit dans Azeroth. »
Le nain grogna :
« Une preuve de plus du mal que fait la magie profane, même pour un peuple éternel. Voilà une famille entière liée par une épée nourrie par le sang et les âmes de milliers d'être depuis dix mille ans. Vous savez bien que vous êtes recherchés Combien rêvent d'avoir cette arme dans les mains et votre sang !! Je n'ose penser à ce que trouverait celui qui vous aurait à sa merci. Quel pouvoir, et quelle corruption, il en tirerait. »
« Nous l'avons toujours su, Maître Nain, répondit Itarillë. Et ma mère fut bien prête de se donner la mort pour mettre fin à cette malédiction. Son trop fort amour de la vie l'en a empêché, et j'ai ce même amour, commun à tous les elfes, qui nous interdit, ou presque, le suicide, ou le sacrifice. »
« Je me demande que fera votre petite, quand elle sera la nouvelle Porteuse Elle n'est qu'à demi elfe, désormais. Votre sang aura-t-il les mêmes effets, porté par une demi-humaine ? Et saura-t-elle résister aux chants de l'Epée, si celle-ci appelle de nouveau ? »
L'humain se rembrunit, mais il ne sut pas quoi ajouter. Ingwë, et il ne se rappelait même plus de son nom humain, après une vie entière vécue chez les elfes, n'avait jamais songé à la malédiction qui pesait sur l'élue de son cur, et ni l'un ni l'autre n'avaient hésité au désir d'avoir cette enfant que sa femme tenait tendrement dans ses bras. Mais jamais ne s'était posé la question essentielle : une demi-elfe saurait-elle être la dépositaire de l'Epée, en résistant à la tentation de s'en servir ? Déjà, dans le passé, Itarillë lui avait raconté que plusieurs porteuses, même alors qu'on n'avait jamais lié l'Epée à un mâle, avaient cédés, souvent pour se sauver la vie, et avaient nourries l'épée en âmes, en l'employant pour se battre. Et à chaque fois, les récits convergeaient à dire que l'elfe avait été souillée, enivrée par ce que l'arme lui donnait en échange de ces âmes volées. Et même si elles avaient finalement résistés, et transmis l'arme, quelle corruption avait pu suivre la lignée, et comment une fille qui n'aurait qu'une moitié de sang elfe y résisterait ?
Il regarda sa femme, et sa fille ; Son inquiétude était évidente, et plus encore, Itarillë pouvait entendre ses pensées et ses craintes, comme tous les elfes le faisaient entre eux.
Itarillë souriait comme pour le rassurer.
« Elenmírë aura le meilleur de nos deux races, mon amour, je n'ai pas de craintes quand à ce qu'elle sera capable de faire pour résister à l'appel de l'Epée. Nous n'aurons qu'à le lui enseigner, comme l'a fait ma mère pour moi, et sa mère avant elle. »
Itarillë souria une fois de plus, rassurante. Dagor grommela, mais invita l'elfe à s'asseoir pour poursuivre la discussion, et Ingwë tira une chaise et installa sa femme confortablement devant le feu. Aucun d'eux ne savait qu'ils allaient tous mourir dans un mois.
Chroniques de l'Epée d'Ishara VIII: Moonglade
Zénia achevait de construire la petite cabane dans le bosquet surplombant le lac. Elle fixait avec de la corde, sur les montants de bois, des branches feuillues, que Nausicaâ lui aidait à tresser et entrecroiser comme elle pouvait. L'abri serait haut, et solide, l'elfe avait visiblement un certain talent à construire une hutte, talent dont était bien démunie sa jeune amie, qui le plus souvent s'était contenté de l'aider maladroitement.
L'espace n'était pas bien grand. Elles se trouvaient sur une butte, surplombant les lacs de Moonglade, à l'abri de tout les regards, mais dans une situation bien peu confortable.
Nausicaâ n'avait à vrai dire que peu campé ou dormi à la belle étoile dans sa vie. L'immense majorité de son existence avait été d'être enfermée entre quatre murs, et même si elle avait erré pendant une année, elle avait toujours eu un toit sur la tête, et un feu de cheminée à proximité.
Elle était mal à l'aise, maintenant. La cabane ferait quatre mètres sur deux environ, Zénia devrait un peu se baisser pour y rentrer, de quoi cacher leurs affaires, et dormir. Il était plus ou moins signé qu'il ne pourrait y avoir de feu, pour n'alerter personne, et que les deux jeunes filles ne pourraient pas quitter la petite terrasse.
Zénia avait d'ors et déjà décidé qu'elle visiterait Reflet de Lune avec sa belle aimée, en évitant les zones habitées ; mais Nausicaâ avait du mal à sourire, ou se détendre, et regardait les lacs avec amertume.
Il avait fallu payer cher pour mettre un pied dans ce qui son esprit d'enfant nourri de contes de fées et de livres de romances était un paradis pour découvrir qu'elle devrait y rester cachée, encore plus qu'elle ne l'avait été, à la manière d'une bête sauvage.
Zénia et elle avaient fait des sauts à Auberdine pour y trouver le nécessaire pour rendre leur hutte plus confortable, mais à chaque fois, le risque était grand qu'elles y furent vues, et Zénia partait seule, pour aller chercher les affaires restantes à la Combe de Nijel, et de quoi meubler leur refuge, ainsi que des nouvelles et le courrier, laissant l'adolescente cachée au milieu du Bosquet.
Et Nausicaâ attendait que le temps défile, que le soleil embrase le ciel, le parcourt, suive sa trace journalière, et retombe, pour laisser un crépuscule au goût amer de défaite. L'Epée posée dans la hutte semblait trôner comme une maîtresse cruelle et jalouse sur sa vie de petite humaine, et parfois, parfois, depuis qu'elle avait traversé les terres dévastées et corrompues de Gangrebois, après le massacre des furbolgs Deadwood que sa mère avait imposé pour qu'elle et Zénia puissent franchir le couloir des Timbermaw, après ce bain de sang et ce carnage auquelle elle avait été contrainte des heures durant, pour ne laisser derrière elle qu'un champ de cadavres déchiquetés par les griffes d'une Duvnarel éprise de massacre, parfois, l'épée semblait murmurer.
Mais si elle écoutait, si elle cherchait à entendre, le murmure volait loin d'elle, comme emporté par le vent, et seul restait la vision de l'arme, si funeste dans sa complète neutralité d'assemblage de métaux.
Tout ce qu'elle savait, c'est que même ici, au sein du sanctuaire sacré des druides, Duvnarel avait assez peur pour la cacher aux yeux de tous, qu'elle sombrait dans une colère et une haine sans bornes qui la rendait méfiante même de ses frères, et que l'Epée devenait lentement un fardeau maudit qui attirait de partout de terribles ennuis, dont Zénia et sa mère faisaient les frais. Elle voulait fuir, elle voulait se cacher, elle aurait voulu être seule, loin de tout le monde, arrêter de faire souffrir et effrayer les gens qu'elle aimait, elle aurait voulu qu'on l'oublie dans un coin, que la nuit tombe et que son existence s'efface, et ne reparaisse jamais. Mais elle était incapable de même envisager l'idée de fuir Zénia ou Duvnarel, et encore moins capable de leur désobéir.
Elle n'avait d'autre choix que de laisser sa vie entre les mains de Zénia et de Duvnarel, et de les suivre, où qu'elles voudraient l'emmener. Le monde n'était plus désormais qu'une menace floue et monstrueuse, et les deux femmes représentaient son seul refuge. Et même si elle souffrait de ne cesser de se torturer et se culpabiliser de cette situation et des soucis terribles que vivaient Zénia et Duvnarel, elle n'aurait aucune autre alternative.
Le toit fut bientôt fini, et Nausicaâ vint quémander un baiser à Zénia, avant de s'installer à l'entrée de la cabane, pour ouvrir son courrier. Elle n'avait plus de nouvelles de Kerla, et avait écrit à Sonate, le chef de l'Equipage de la Maraude, pour avoir des nouvelles de celle qu'elle considérait comme une grande sur.
La lettre ne faisait que quelques lignes :
« Bonjour, Nausicaâ, Kerla est morte, je suis désolé. Sonate »
Nausicaâ tint la lettre devant elle, immobile, paralysée et foudroyée par ces quelques mots.
« Kerla est morte »
Elle resta immobile, tenant la lettre, paralysée, très longtemps, avant que Zénia ne vienne, étonnée que son aimée ne réponde plus. L'elfe prit la lettre qu'elle parcourut rapidement, et Nausicaâ la regarda, silencieuse. Les larmes ne vinrent pas, pas avant longtemps, les mots ne vinrent pas non plus, pas avant des heures plus tard. Kerla l'enfant perdue que Nausicaâ avait accueillie et rassurée comme elle avait pu, si longtemps avant, été morte Quelle que soit la manière dont elle l'avait été, il n'y avait que ce constat affreux : elle était morte.
Nausicaâ mit des heures à comprendre, des heures à pleurer, des heures à dormir, se réveiller pour sombrer en larmes, se rendormir, bercée par Zénia qui cacha ses propres larmes comme elle pu.
Juste à coté, posée au sol, entourée de linges, une épée frissonna, laissant dans l'air un écho à peine palpable que seul un arcaniste eut senti. Elle appelait, appelait doucement, cherchant une faille dans sa Porteuse ou ses proches, pour trouver, dans ce combat qu'elle mène depuis des millénaires, une porte de sortie, un moyen de se libérer. Et dans l'âme fracassée et vaincue de la jeune adolescente héritière de la lame maudite, s'infiltrait doucement la faille, la petite blessure devenue assez large, assez profonde, pour y glisser le pire des poisons : le Doute.
Chroniques de l'Epée d'Ishara XI: désespoirInterlude: dix jours de paix
Le sommeil, parfois, repose, et parfois, il guide. Parfois il apporte de lointains messages, et parfois offre de lointains rêves. Il peut aussi apporter terreur ou désespoir. Et de temps en temps, il se contente de veiller les pensées et les doutes de l'être endormi.
Elle dormait, plus profondément que cela lui était rarement arrivé. Sa mère, veillante, observait les pensées vacantes de la jeune fille, lui interdisant l'accès au Rêve. Elle frôlait souvent, trop, même, le monde spirituel des druides, comme si la découverte d'un nouveau champ de l'existence l'attirait à s'y perdre.
Qui avait commencé ?... Duvnarel, ou Sybil ? Quoi qu'il en soit, c'était trop tard, la jeune fille savait désormais entendre et parler à travers le Rêve et son esprit sans entraînement y accédait de manière chaotique et sans préparation. Un papillon cherchant la lumière qui lui brûlerait les ailes. Et elle avait bien failli s'y brûler, refusant de revenir, attirée par le néant, par le gouffre, la facilité à se perdre dans les brumes pour trouver un repose si aisé et si accessible.
Duvnarek frémit. Et désormais, sa fille avait entendu et senti la présence de sa mère naturelle, Itallirë, qui avait pu joindre les druides, et surtout sa propre fille, à travers le rêve. Il s'était passé trop de choses, trop de choses à gérer, trop de choses qui dépassaient cette enfant qui dormait
Les druides savaient désormais ce que la demi-humaine pouvait faire, et pour ceux encore qui n'avaient pas été mis au courant, le rapport entre elle et certaines légendes.
Et après l'appel lancé avec l'aide de Sybil, sa voix, et son fantôme, avaient été vu, ou rêvé, dans de nombreux lieux Rien n'aurait pu être pire, qu'elle ai voulu bien faire ou pas
Nausicaâ dormait. Ses songes allaient du rêve au cauchemar, parfois, un léger tremblement la prenait, que Zénia calmait d'un geste tendre. Ses pensées dans le songe cherchaient à savoir si ses actes avaient servit à quelque chose, si elle avait pu au moins être utile.
Chacun de ses choix n'avait mené qu'à plus de peur et de terreur, et de colère de Duvnarel, chacun de ses choix sonnait comme un échec et une erreur flagrante. Comment pouvaient-elles encore l'aimer après tout ça ?
En fin de compte, il ne restait rien, elle ne pourrait jamais aider les druides, elle ne pourrait être d'aucunes causes, condamnée à attendre qu'on la délivre du poids de sa malédiction, dépendant des autres. Tout effort pour essayer d'être utile était réduit à néant, voué à l'échec. Elle était piégée sans espoir de s'échapper de ses propres doutes.
Elle entrainait dans ses échecs les échecs des gens qu'elle aimait, et désormais, elle n'avait aucune échappatoire. Vivre, pour elles, simplement vivre, mais cela avait-il un sens ?... Voir le jour se lever, le soir se coucher. Elle fut submergée par les échos des merveilleux moments passés avec sa mère et son aimée, les moments de tendresse, ceux d'amour, mais pourquoi tellement d'amertume, pourquoi, enfin, se dire qu'elle ne pourrait jamais vivre ce bonheur là, que ces deux femmes voulaient tant lui offrir ?
Parce que derrière elle ne cessait de flotter l'ombre d'une malédiction vouée à dévorer tout ce qu'elle touchait, parce qu'en fin de compte, elle ne pouvait rien construire, juste détruire.
Elle appela dans son sommeil, et Zénia la calma doucement.
Le gouffre avait été un choix si simple, tellement simple, et à son retour, elle n'avait vu en fin de compte que la folie foudroyer Duvnarel et la douleur submerger Zénia. Le monde était trop compliqué et mauvais pour elle, elle voulait tellement, tellement fuir, essayer d'être finalement, oubliée de tous. Si elle avait eu un souhait, c'est celui-ci qu'elle aurait fait : disparaître oubliée de tous, pour les laisser en paix.
Elle frôla encore le Rêve, mais Duvnarel veillait. Elle pleura en elle-même, elle rêva y retourner et s'y perdre pour ne pas revenir. Il faudrait affronter le jour, affronter la vie, affronter leur amour et leur compassion.
Elle aurait tellement préféré qu'elles la haïssent
Interlude: dix jours de paixAcharnemenr
Reflet de Lune ne connaît jamais le jour réel. Reflet de Lune ne connaît jamais la nuit réelle. Baignée dans l'aura de l'immense Puit de Lune qu'il abrite, reflété par le lac Elun'ara, il y fait toujours doux, la pluie s'y fait discrète, la nuit à peine fraîche, la lune presque invisible, l'orage toujours lointain.
Le bois semble aussi pur qu'une forêt où nulle main n'aurait pu en altérer l'essence. Aucuns prédateurs, aucunes maladies ne semblent régner ici, une forme d'ordre naturel discret et invisible, seulement perturbée par des constructions antiques, celles du refuge multi-millénaire des druides.
Et dans un coin, une petit cabane qui a fini par prendre une allure de petite masure de bois modeste d'où sort parfois un peu de fumée.
Il y a dix jours que Nausicaâ, Zénia, et Duvnarel vivent là. Une vie simple, voir presque primitive. Les lacs pour bains, l'eau à y chercher, le temps qui passe. Une sorte de bonheur simple, auquel Duvnarel se laisse prendre, parfois, comme ses deux filles, enivrée par la simplicité de n'avoir rien à gérer ou penser. Un mensonge, bien sûr, mais un beau mensonge, doux et agréable.
A part quelques voyages à Auberdine pour s'approvisionner, elles ne quittent pas les lieux. Elles dorment dans la cabane, serrées les une contre les autres. Le jour, Duvnarel profite de ses filles et de nouveau rôle de mère, et rit souvent. Quelle maladresse chez ces deux adolescentes qui ne connaissent rien à la vie sauvage. Elle leur a apprit à cuisiner un peu, mais aussi à trouver herbes et épices. Le nom des oiseaux, des petits mammifères, des plantes, la façon dont tout ce monde se coordonne dans un immense cycle de vie qu'elle-même ressent fans son être.
Nausicaâ n'est pas une elfe. Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai. Quelle surprise pour Duvnarel de voir que sa fille peut lui parler à travers le Rêve, même maladroitement. Elle aurait tellement de choses à apprendre à la jeune fille. Celle-ci a, un temps, semblé souffrir de perdre ses repères, surtout spirituels. Elle est loin de tout autel de la Lumière. Elle a parfois émis l'envie d'aller prier près du Puit de Lune, mais Duvnarel s'y est opposée. Puis elle n'a plus demandé.
Elle cesse doucement, trop doucement peut-être, d'être un être faible et soumis de nature. Elle rit souvent, joue souvent, semble vouloir rattraper le plus possible des jeux et des bonheurs d'enfant qu'elle a perdu et qu'elle ne connaît pas. Son admiration et son amour pour les animaux en est touchant. Parfois gênant aussi. Elle ne mange pas de viande, et a rechigné au dernier degré quand on l'a forcé à le faire, se rendant visiblement malade.
Zénia semble elle aussi réapprendre à parler et à sourire. Elles aiment à être seules, toutes les deux, allongés au bord de l'eau. Elles découvrent l'amour, et leur cur et leur corps meurtri semble enfin vouloir les laisser en paix. Elles essayent de se promettre des futurs, et elle esssayent d'y croire.
Sybil, la druidesse, veille toujours, jamais très loin, toujours silencieuse, et invisible, sur les trois femmes. Parfois, elle vient parler, partager un dîner, puis repart, seule. Et parfois elle parle un peu, à Zénia surtout, ou à Duvnarel.
Elle laisse à la mère et ses deux filles des moments de paix qui ne sont que trop fragiles.
Et elles en profitent du mieux qu'elles peuvent.
Peut-on être une famille, en dix jours de vie commune ?... la question ne se pose ici même pas, elles ne se la posent pas, ce sont dix jours de tendresses, où les voiles de peur, d'angoisse et de tristesse sont masqués ou oubliés pour céder la place au plaisir de vivre.
Demain, peut-être, tout sera fini, la mort viendra, ou le cauchemars. Derrière les barrières montagneuses de Reflet-de-Lune, l'horreur, elle, n'a ni frontières, ni limites.
Il n'importe qu'une chose pour Duvnarel : son enfant a cessé de cauchemarder, et malgré les derniers événements, elle a appris à dormir, et ne pas se réveiller avant l'aube en criant et demandant pitié. Elle renait à la vie, et Zénia quand à elle réapprend la confiance.
Cela ne durera peut-etre pas, mais quand il le faudra, peut-être aura-t-elle le courage d'apprendre à ses filles à affronter l'horreur et la mort avec dignité.
Jusque là elle est une mère.
AcharnementChroniques de l'Epée d'Ishara XII: renaissances
Nausicaâ est dans un coma profond et seul le don de vie d'Edelween semble avoir empêcher la jeune fille de sombrer encore plus vers la mort. Zénia est blessée, il a fallu beaucoup de soin pour qu'elle puisse enfin se reposer, et les deux femmes sont hors de combat pour longtemps.
Cette femme a donné des noms, comme on s'amuse à se moquer du monde, elle est venue comme si de rien n'était brisant un moment de tendresse, elle a menacé, elle a rit, elle s'est moqué, elle a refusé de parler. Elle ne semblait être venu que pour provoquer les deux adolescentes qui était tellement en paix à cet instant.
Tout cela s'est fini en lutte, elle a refusé de partir et de laisser les deux jeunes femmes seules ; nausicaâ, effrayé, a essayé de lui montrer qu'elle se défendrait, et cela a fini en bataille, zénia a pris un premier mauvais coup en s'interposant, et essaya encore de faire partir cette femme venue pour les harceler, quand Nausicaâ, les nerfs à vif, s'est mise à courir et fuir droit devant elle.
Zénia l'a retrouvé dans le coma, elle est allé trop loin de l'épée, Zénia a pleure, Zénia a maudit le sort et le destin et cette arme, puis elle a pris son aimée dans ses bras, et a commencé à reprendre le chemin du retour. Et cette femme l'a attaqué, de dos, surgissant de nulle part, le corps sans vie de nausicaâ a chue au sol, Zénia ne s'est même pas défendue, des lames ont perforés son ventre. Il n'y a pas eu d'explication, laquelle aurait pu y avoir : la femme refusa de dire pourquoi elle faisait ça, et laissa Zénia se relever, et ramasser le corps sans vie de son amour.
L'elfe laissa une piste de sang jusqu'à Moonglade, et Edelween, avertie par le lien offert aux deux enfants, vint l'aider et les soigner.
Zénia, sans soin, mettra des jours à se remettre réellement. Nausicaâ semble enfermée dans son coma.
Avant que tout ne commence, Nausicaà avait ouvert la main, regardant Zénia de tout son amour, et dans cette main, y brillait une alliance parfaite de mariage.
Chroniques de l'Epée d'Ishara XII: renaissancesLe destin de la Porteuse
La petite maison avait le don merveilleux d'attirer les oiseaux. Mais le geste de Zénia, aller chercher quelques fruits et les découper en petits morceaux sur une coupelle au rebord de la fenêtre ne devait pas être innocent dans ce doux vacarme.
Pourtant il ne réveilla pas Nausicaâ. Elle dormait blottie dans les draps, serrant le polochon qui avait servi de coussin aux deux filles, en lieu et place de sa chère guerrière qui avait quitté le lit depuis une heure.
Zénia, dehors, faisait des passes d'armes, à demi-nue, son corps alerte et fin faisant jouer des muscles étonnants de vigueur et de force. Sous sa peau fine et lisse glissaient les muscles jouant entre eux en des nuds d'une tension qui trahissait la concentration et la volonté que la jeune guerrière mettait à réveiller son corps.
Sans un cri, sans un bruit, elle faisait courir son immense sabre autour d'elle, danse d'acier savamment contrôlée, dans un seul et unique but : être la première à tuer.
Et sa raison de tuer, aussi précieuse que sa raison de vivre, dormait dans la petite maison derrière elle, et plus jamais elle ne faillirait.
Elle n'est qu'une enfant, ses parents. Non, ce ne sont pas ses parents mais Une autre vie, elle partage une autre vie. C'est ce qui la retînt dans l'eau glacée. L'enfance malheureuse d'une princesse de sang destinée à être une mage parfait, avec pour seuls amis des professeurs à demi réels lui enseignant une magie dépassant toute idée connue des Arcanes.
Et un ciel à trois lunes.
Edelween ne lui a pas fait cadeau qu'un peu de vie, ou qu'une étincelle de magie, mais d'un lien, d'une essence, elle lui avait offert une part d'elle-même, comme on offre un héritage pour dire : « tu ne pourra jamais plus mourir sans m'entraîner avec toi ».
Un cadeau brûlant au cur de l'âme et du cur et qui allait y rester.
L'enfant n'avait pas la force de courir trois cent mètres, mais elle aurait pu soulever une montagne par la force de sa magie. Elle était la magie pure, et puis
Mais ce n'était pas l'heure de le savoir. Pas encore ; Edelween fermait ces secrets, ou était-ce Nausicaâ qui ne voulait aller plus loin ?
La cravache déchira la chair une fois de plus dans un hurlement. La douleur lui fit tirer sur les chaines qui lui coupèrent la peau et rougirent le métal. Les coups étaient lents, à peine plus de deux par minute, mairs depuis des heures.
De temps en temps, il prenait le temps d'un verre, et, pour voir les lacération, renversait une eau ajoutée d'un léger tonique, afin que la séance dure plus longtemps.
Entre chaque coup, elle devait le remercier, lui dire, « merci, Maître », et hocher la tête. Elle avait essayé de refuser, de refuser, protestant qu'elle n'avait rien fait, que c'était inhumain. Mais il avait attendu, après l'avoir enchaîné à genoux, les bras contre le mur, et était venue fouetter et fouetter encore. Il avait profité de la belle position pour la violer quelques fois.
Depuis, elle répétait tout ce qu'il demandait sans hésiter.
Ce n'était que le début. Il en était fière, elle serait bientôt parfait, il pourrait la livrer à ses quelques amis, montrer à ses quelques connaissances adeptes des mêmes jeux comme elle était bien dressée, comme sa femme serait un parfait jouet sexuel, et comme il était doué à ce dressage.
Il tourna la cravache, l'autre coté allait servir à bien autre chose, et il s'approcha de sa croupe
Elle est au dessus de la cataracte. Il y a moins de 24 heures, l'épée a failli tuer, elle a vu des elfes prêts à se battre contre des elfes, ceux voulant la tuer, de crainte, fondée, que la légende soit vraie et que retirer la vie de la Porteuse sauverait tout le monde, et ceux, druides, qui veulent veiller sur sa vie.
Zénia était prête à se jeter sur ces gens, parmi les plus puissants combattants d'Astraanar, les druides étaient prêts à se battre, Edelween et Sybil à donner leur vie. Pour cette maudite épée et la mort et la haine qu'elle porte.
Elle sait quelle lettre elle a écrit, une lettre simple : elle doit mourir, elle doit mourir, et disparaître avec l'épée si elle veut que ceux qu'elle aime vivent.
Ils vivront, ils se souviendront du plus beau.
Si peu de choses, pour une si petite vie, mais elle aura connu l'amour, elle n'aurait pas demandé autre chose.
Elle jette l'épée, le flot l'avale et l'emporte, et elle reste debout, à attendre. Le froid va venir, le désespoir commence, l'épée dans les flots pleure, qu'elle pleure donc. Des larmes, des larmes tellement de larme, en pensant à Zénia, leurs deux corps découvrant le plaisir dans leur petite maison qui allait, qui aurait pu devenir leur havre, quelle cruauté, pourquoi devoir tout arrêter, la lame s'éloigne, si mal, si froid, maman, protège ma chère aimée. Nausicaâ voit le monde se couvrir d'ombres gelées. Les oiseaux autour du refuge, les petits animaux, le petit bassin, la chapelle à Elune.
La chaleur du baiser de Zénia, la douceur des bras de Duvnarel, et si froid si froid.
Elle chute à son tour dans la cataracte qui l'écrase au fond de l'eau, elle se noie, elle le sait, elle le sent, elle essaye de ne pas appeler, Sybil l'appelle, Duvnarel, Zénia, elle leur dit adieu, ses larmes et son désespoir se noient dans l'eau qui s'engouffre dans ses poumons qu'elle ne veut plus faire respirer, son âme fond dans les limbes, il fait noir, ça y est, c'est la nuit.
Une longue discussion, une voix dans les songes, dans le Rêve, une âme qui lui refuse l'accès au Néant Distordu. La sagesse d'une mère qui ne veut pas imposer mais demander. Une lutte, la peur contre la raison.
« Détruire l'épée et empêcher les gens d'en souffrir, mais en retour détruire les gens qui aiment la porteuse : leur sauver la vie, mais la leur condamner. Avoir le courage d'aller jusqu'au bout, mais renier l'espoir et l'amour de ceux que l'on aime justement.
Faire un choix : mais ne pas laisser le choix aux autres. »
« Il existe le choix de se battre et d'accepter le choix des autres, chacun doit mourir un jour, laisse-leur le droit de mourir quand ils le voudront, pour qui ils le voudront, et laisse-toi le droit de croire qu'ils peuvent rester en vie et t'emmener jusqu'au bout du cauchemar, jusqu'au rêve, et que tout se finira bien. »
Une dernière fois, une dernière voix, l'onde de la Lumière vive et pure une main qui guide hors du Songe, loin du Néant.
« Vient pour nous. Laisse-nous le choix de t'aimer. »
Nausicaâ se réveille, et vient s'approche des oiseaux. Elle regarde sans oser la déranger Zénia qui s'entraîne sans relâche. Sybil n'est pas loin, sûrement.
Nausicaâ se retourne, et rallume le foyer, puis commence à cuisiner. Zénia aime les ufs, et le bacon, et même si nausicaâ ne peut pas manger de viande, elle commence à savoir faire à manger. Elle se contentera de sa salade et de ses fruits.
Sybil viendra peut-être partager leur repas, ou alors, sous sa forme préférée ira-t-elle égorger une biche qu'elle dévorera dans un coin.
Nausicaâ sourit, et, les yeux fermés, elle murmure « merci, maman ». Ses yeux flamboient une seconde, et loin de là, elle a été entendue.
Zénia chassait. Sybil, non loin de la, observait.Interlude II: Tyranael
Duvnarel reviendrait bientôt.
Nausicaâ se tenant devant la petite maison de ses rêves, la maison qui serait celle où elle vivrait, et celle où elle mourrait.
Elle commença, d'un geste lent, à défaire les linges qui entouraient l'Epée. Un à uns, les langes elfiques passés par le temps tombaient autour de l'arme, qu'elle tenait résolument par le pommeau.
Le dernier linge tomba, révélant l'arme dans toute sa magnificence. Le soleil lui arrachait des éclats de rubis et d'or, et la lame avalait la lumière pour en faire des poussières de diamant coulant le long du fil acéré.
Arme d'acier et de mort. Vêtue de parures d'ors et de pierreries pour en cacher l'horreur.
Lame translucide où le soleil hésite à laisser ses rayons frapper.
Elle leva la lame.
Aussitôt celle-ci chanta comme si le soleil l'éblouissait, et la lame hurla sa liberté et sa rage, et chanta son amour et sa passion.
L'adolescente ferma les yeux, et vinrent à son esprit tout l'amour de deux êtres, tout l'amour de deux passions enfermant en leur sein la meute d'un esprit dévorant.
Un éclat de soleil, un peu plus haut vers le ciel, et la lame entonna un chant qui parcourut les nuées pour aller affronter le ciel même et les enfers, traversa le Néant comme pour un pied-de nez divin, frôla le Rêve comme pour une grimace élyséenne.
« Je suis au-delà de ce qui est connu, je suis au-delà de ce qui est permis, perversion et amour, mort et vie, Porteuse de tous les espoirs, Graal des uns, Néant distordu des Autres, je suis la soif, la faim, le sang, la cigue et l'ambroisie, le sang, et l'âme, je suis tout, je peux tout, il suffit de me vouloir, vous me voulez, je vous appellen je vous appelle et elle seule me retient, elle seule, qui, seule, peut décider de mon sort Appelez-moi à vos âmes car je vous dévore déjà avant que ma lame ne devienne votre tombeau, venez me trouver que je vous dévore, ou que tel l'ange de Lethé, je vous délivre de toutes vos fautes et que je fasse de vos vies des méandres des délices de Sysiphe, mais je suis la Liberté, la LIBERTE !!!!! »
Le chant percuta le réel, et alla rebondir sur les champs magiques où il causa bien des malheurs à bien des expériences ùagiques, où les liquides actifs tournèrent, où le sang bouillia, où les fluides gelèrent. Combien d'ivrognes encore virent le même ange tenant une épée divine leur sourire et dire que la fin de toute souffrance était proche, combien d'assassins se confessèrent avoir vu sur eux la haine aveugle de la justice les regarder dans les yeux et leur faire expier du regard tant de monstruosités.
Mais toutes ces rumeurs ne restèrent que rumeurs, seulement rumeurs.
Nausicaa leva l'épée vers les cieux, et sa pensée devint un cri qui frappa les frontières du Rêve et que le Vent emporta tandis que les cieux s'ouvraient pour accueillir sa voix :
« Toi, mon Ennemie, tu es mon Fardeau, Jamais, Jamais je ne t'abandonnerai, je ne suis plus liée à Toi, tu es liée à Moi, et tu deviendra ce que JE ferais de Toi, Arme Impie, car tu Porte en Toi autant d'Amour que de Haine Et c'est l'Amour que je choisis, Aujourdhui !!!! »
Le ciel écouta, et souria les vents transmirent les pensées devenus murmures, le monde redevint un petit coin de paradis.
Nausicaâ souriait : elle tenait l'épée par le pommeau, comme on aurait tenu une dague, aussi légère et douce désormais, elle était son Destin.
invitation libre à tout ceux qui veulent réagir!!!))
http://epee.ishara.free.fr/forum/viewtopic_p=1097#1097
Zénia nettoyait délicatement la plaie profonde, qui saignait encore, et barrait la paume et les doigts de la jeune fille, et Nausicaâ, se laissant faire, se perdait dans le regard de sa si douce guerrière.
Derrière les deux jeunes filles, Duvnarel, leur mère, préparait une formule, mélangeant savamment des herbes dans un petit chaudron sur le feu de l'âtre, et regardait l'eau frémir avec attention.
Elle prit doucement la place de Zénia d'un geste doux, et posa devant la main de Nausicaâ la décoction. A l'aide d'une petite compresse, elle fit glisser du liquide chaud sur les coupures profondes, et les saignements cessèrent très vite, tandis que Nausicaâ faisait une petite grimace de douleur sous la chaleur de la mixture.
« Tu as été courageuse, mon chaton. Courageuse et sûr de toi. »
« Oui, maman... » Nausicaâ rougit légèrement.
« Pourquoi as-tu agi ainsi envers Tyranael ?" »
« Je ne sais pas, maman. Je ne faisais que deviner ce que l'Epée pouvait faire. L'Epée ne peut pas être que mauvaise. Elle vole la vie, et la donne. Il y a de l'amour d'Ishara dans cette épée, pas que du mal. Si je lui donnais de mon sang, puisque c'est mon sang qui est si précieux pour l'Epée, elle soignerait Tyranael, si celle-ci tenait l'Epée.
Mais toi, pourquoi m'as-tu laissé faire ? »
Duvnarel sourit, elle était confiante, si calme, si paisible.
«C'est ainsi que cela devait se passer. Tout comme je savais que Tyranael se présenterait sur le ponton et qu'elle repartirait guérie. Cela ne pouvait pas se passer autrement.»
Nausicaâ ne dit plus rien. Un bandage délicat, quelques ondes curatives, et la blessure disparaîtrait, même si Nausicaâ s'était laissé longuement saigné pendant ces instants critiques.
Duvnarel attira à elle ses deux filles, et regarda, dans le second chaudron, cuire le dîner. Elle les garda sans rien dire contre elle, et la soirée ne fut que sourires, rires, contes, et moments de paix.
Cette paix si fragile.
Réveil.crépuscule
D'abord la douleur. Le corps en miette, des cicatrices et des points de suture partout, une odeur de sang, un goût de fer et de bile dans la bouche.
Puis la souffrance. La vraie, celle de l'âme, celle de la culpabilité, des remords et de l'échec. Finalement, malgré les coups de la lame de Kerla, malgré les coupures profondes et cuisantes qui laisseront des marques sans de longs et très bon soin, la douleur n'est rien, en comparaison.
« je me déteste, je me déteste tellement »
Ouvrir les yeux, un effort difficile, mais surtout celui d'accepter de revenir à la conscience. Elle tourne la tête, une douce chaleur, l'odeur qui la rassure tant près d'elle.
« je me déteste, mais elle m'aime »
Zénia est là, les yeux ouverts, le regard fatigué, une marque à chaque pupille noire, comme une fente dans les billes d'obsidienne d'habitude si vivantes. Les marques de la souffrance, creusées à jamais dans ses yeux Un aveu horrible de faute, une marque à vie.
Rester éveillée, ne pas fermer les yeux non pas pour fuir les cauchemars qui hantent désormais son esprit mais pour regarder celle qu'elle aime. Ses doigts lui caresse la joue, ses lèvres lui sourient tendrement malgré ses yeux éteints.
Le bout de son doigt suit le contour de ses lèvres, remonte sur l'arrête de son nez, souligne ses yeux si tristes. Elle lui sourit silencieuse.
L'adolescente déglutit, les larmes viennent d'elles-mêmes, brûler ses yeux, elle se sent impuissante, paralysée de peur. Qui a-telle devant elle. Ets-ce sa Zénia, ou l'ombre qu'elle en a fait, comment savoir, tandis qu'elle essaye de lire dans ce regard la lumière qu'elle connaît, celle qu'elle lit à chaque réveil, à chaque moment où elle croise son regard, et s'y perd. Elle n'ose parler, elle n'ose dire un mot...
Son doigt revient se poser sur les lèvres de son aimée alors que son sourire s'élargit, les yeux brillant d'amour pour son ange.
Elle murmure doucement : Bonjour mon amour...
Elle n'ose toujours répondre, ses yeux la brulent, les larmes coulent, d'émotion, d'entendre cette voix, de voir ces yeux revivre, de sentir la promesse, au moins la promesse, d'une seconde chance. Elle pleure, déchirée par sa faute et sa culpabilité, mais elle ne détache pas ses yeux couverts de larmes du regard de son aimée.
Et dans ses sanglots, arrive à dire: Je t'aime... je t'aime....!!!
Retire doucement son doigt de ces lèvres qu'elle aime goûter à s'y perdre. Elle vient effacer les larmes d'un geste doux, effacer ce passé qui ronge celle qu'elle aime. Elle murmure avec douceur : Je t'aime mon amour...
La douleur revient, mais celle des points de suture et des plaies qui n'ont pas encore commencé à cicatriser, quand elle bouge, quand, dans son inconscience, dans sa joie, dans son espoir, elle vient s'accrocher au cou de son amour, de sa vie, de son âme, qu'elle entend parler, qui est là, toujours, et qui le sera toujours, quand elle comprend qu'on lui a accordé une seconde chance.
Il n'y a pas de faute ou de peine mon ange... il n'y a que l'amour, notre amour... Elle goûte les larmes de son aimée, son sourire peint sur ses lèvres et son regard aimant plongé dans la tristesse et l'espoir.
Elle serre les dents et gémit de ses blessures, mais s'accroche de toute ses forces, murmurant encore et encore: je t'aime, dans ses larmes.
Effleure du bout de ses lèvres le sel des larmes en murmurant : Aucune ne larmes mon coeur... aucune tristesse désormais... simplement être heureuse Dépose ses lèvres sur celles de son aimée lui offrant tout son amour. Le jour se lève et les raies de l'astre solaire illumine la maison annonciateur d'une belle journée.
Nausicaâ a un dernier regard, un sourire, elle se laisse essuyer ses larmes. Des plaies se sont rouvertes quand elle a bougé, mais elle n'en a cure, ce n'est pas au corps qu'elle souffrait, mais à l'âme, et elle est enfin en paix... pour un moment, juste en paix. Elle ferme les yeux, et s'endort, ou s'évanouit, qui sait, dans les bras de Zénia, pour un long moment de paix....
Le nez dans la chevelure de son aimée, elle regarde au dehors en souriant de voir le monde s'éveiller sous ses yeux.
Elle m'appelle je le sais où es-tu?Fragrance, un instant d'innocence
Destinée.
Le jour tombe, enflammant le firmament d'un crépuscule de plus.
Chaque jour qui passe rapproche un peu plus le moment où elles vont être réunies. J'ai déjà senti l'appel de Châtiment, celui qui la possède a déjà tué, la lame a déjà donné son fatal verdict, et moi, j'ai quatre âmes dont l'essence est devenue la rédemption de quatre victimes.
Déesse, porter un tel poids, je ne peux pas, ce n'est pas de mon ressort. Mais personne d'autre ne peut. Je ne peux pas la donner, celui qui la porterait ne comprendrait pas. Tellement de puissance dans une arme, dans la main, là, tellement de pouvoir.
Je n'ai pas le choix, et je dois trouver les deux autres, accomplir le destin.
Le soleil disparaît, le ciel n'est que feu, et Rédemption chante, un murmure de paix et de compassion, tandis qu'elle attend son heure.
Je sais qu'elle appelle, je sais qu'elle cherche. Quelque part, un autre porte une autre arme, le même pouvoir, la même puissance. Nul ne peut le tuer, pas tant qu'il la portera, pas tant qu'il la tiendra. Châtiment n'attend que le moment de dévorer d'autres âmes et de les envoyer en enfer.
Je regarde le ciel, Rédemption dans mes mains. Disparaître serait encore la meilleure solution, mais elle seule peut tuer mon père, elle seule peut tuer ce que la Mort ne peut prendre. J'ai échappé à son emprise pour accomplir la prédiction, et elle doit arriver à son terme, je ne peux vivre et me battre que pour cela.
La route attend.. Là, quelque part, elles attendent, elles appellent. Elles veulent être réunies, et je dois les réunir, moi, avant que d'autres ne le fassent.
Destinée doit achever son destin.
Je dois achever le mien.
Ce monde ne peut pas revivre deux fois le même cauchemars, et je suis seule pour l'en empêcher.
Rédemption montre-moi où elles sont guide-moi aide-moi, toi, ma malédiction, et ma seule amie l'heure est proche, et je dois être prête à l'affronter.
Nausicaâ ouvrit les yeux.
Trois jours avaient passés. Trois jours de convalescence, où Teianâ avait veillés les deux jeunes filles de toute son affection et de son amour de médecin. Nausicaâ guérissait vite. Malgré plusieurs graves blessures fait par une lame terriblement acérée et gorgée de magie, elle se remettait avec une facilité étonnante.
C'était moins évident pour son esprit, et les blessures morales qu'elle avait vécue, et en même temps infligée à son amante, et celle qui était désormais dans son cur sa grande sur, Sybil. Zénia y avait mis tout son amour et sa tendresse, Teianâ toute sa présence et sa gentillesse, et le sourire était revenu, en fin de compte, le sourire, et l'oubli, ou plutôt la négation des souffrances qu'elle avait emportée avec elle, et qu'elle avait pris pour elle, des souffrances qu'elle avait fait vivre à Zénia et Sybil.
Zénia ne dormait plus paisiblement. A l'instar de son amante, son sommeil était envahi par les échos de ces douleurs et de ces souffrances qui ne lui appartenait pas, mais étaient siennes désormais.
Jamais plus elle ne pourrait trouver le sommeil sans que ne reviennent les terribles tortures vécues par Sybil, et l'âme d'ange torturé de Nausicaâ. Et Nausicaâ partageait cette torture permanente, que le jour venait dissiper. Il fallait sourire, il fallait vivre, il faudrait en guérir, mais cela prendrait longtemps, très longtemps, et Nausicaâ ignorait complètement comment faire pour réussir à soigner les êtres qu'elle aimait de la blessure vénéneuse qu'elle leur avait infligée en cadeau mortel, et qui resterait gravé dans leur esprit à jamais
Au troisième jouir, elle était enfin sortie, et avait voyagé jusqu'à Auberdine, revoir la mer dont elle portait le nom : Loredala, la Mer Voilée. C'est là qu'elle avait rencontré l'innocence même, un être qui ne pouvait être humain, ou elfe, comme elle en avait l'apparence. Une enfant à l'âme sans tâches, et sans marques, une âme de pureté, dont l'odeur florale l'avait envoûtée, et que ses amies et protectrices appelaient Fragrance.
Fragrance pouvait lire dans les âmes avec la même facilité qu'elle était pureté et innocence elle-même. Elle avait pu approcher et toucher le cur de Sybil, si froide et sans émotions depuis le drame qu'elles avaient toutes les trois vécues, et elle avait frappé Nausicaâ directement à l'âme, devinant toute sa douleur, la happant, même, la faisant ressortir en larmes et en sanglots, tandis qu'elle s'étonnait de la bonté de la demi-humaine, paradoxale à l'aura malfaisante de l'épée qu'elle portait avec elle.
Nausicaâ avait trouvé en un être vivant, quasi magique, presque irréel, la totale et complète innocence qu'elle pleurait d'avoir perdu, qui la brûlait autant, de désir et d'envie de revenir à cet état d'enfant où le monde n'est que simplicité, et les sentiments diamants brillants et parfaits. Et elle avait vu cet être si merveilleux, cette jeune fille si unique, pleurer pour elle, pleurer les larmes qu'elle-même retenait en permanence, pleurer de sentir tout les regrets et les amertumes coupables de son innocence arrachée à coup de fouets et de chaînes. Lui dire au revoir, la quitter, avait été un déchirement, mais Fragrance avait ses amies, et avec simplicité et pureté leur exprimait toute son affection, tout son amour, d'une manière telle que Nausicaâ s'etait sentie de trop, en fin de compte De trop devant une telle relation si magique, et si pure.
Zénia à son retour, qui avait sans doutes été prendre encore des cours de forge et vendre le résultat de son travail à Ironforge reviendrait bientôt. Elle ne voulait plus inquiéter son aimée, et la laisser seule.
Sybil la suivit, comme toujours. Sybil qui encore une fois avait été là près d'elle, et avait accueillie ses larmes en réponses aux larmes de Fragrance. Sybil dont les yeux ne brillaient plus de la moindre émotion, mais pourtant en montrait dans ses gestes plus qu'elle n'en avait jamais eu dans une vie
Nausicaâ rentra, et se changea, pour attendre sa chère Zénia
Désormais, c'est ce qu'elle ferait de sa vie : attendre son aimée, et toujours être à ses cotés. Ne jamais la laisser seule, ne jamais l'oublier, ni en pensées, ni en actes jamais
Légende de l'Epée d'Ishara XIV: Eternité.
Il est des mots qui deviennent éternels.
« Mon amour, tu ne cesses de faire briller ma vie par tes sourires, tes joies, ton amour pour moi. »
Il est des instants qui deviennent éternels.
« Nous avons vécus beaucoup de merveilleuses choses ensemble, tu m'as donné la force quand j'en manquais, de la joie quand j'en manquais.
J'ai parcouru beaucoup de lieux et d'endroits avant de te connaître... »
Il est des promesses que l'ont fait pour l'éternité.
« Mais désormais, je ne veux plus qu'une chose, parcourir le chemin qui me mène vers toi mon amour. »
Zénia, en un instant, eut ces mots, ces moments et cette promesse, quand elle posa un genou au sol devant Nausicaâ, devant son amour, pour lui demander ce que jamais l'adolescente n'aurait osé rêver:
« Nausicaâ Lidakdel, mon amour veux-tu devenir mon épouse? »
Zénia se tourna alors vers sa soeur aînée, tandis que Nausicaâ la regardait, foudroyée, des larmes naissantes venant creuser un sillon brillant sur ses joues, le regard envahi de bonheur, un sourire troublé par les tremblements de l'assaut d'émotions qu'elle vivait sans contrôle.
« Sybil Lidakdel, ma soeur, veux-tu que je devienne l'épouse de Nausicaâ ta soeur? »
Sybil regarda longuement sa soeur, qui serrait maintenant les mains de son aimée. Nausicaâ essayait de balbutier, mais pleurait sans pouvoir se contenir, les yeux rivés sur l'elfe pour qui elle offrirait sa vie en souriant.
Sybil rompit le silence, calmement:
« Ai-je besoin de répondre à cette question? »
Zénia lui adressa un sourire, détournant un instant les yeux de sa chère demi-humaine.
« Elle est importante à mes yeux, grande soeur. Je ne lui apporterai que l'amour et la joie et je me ferai le bras pour la protéger et la chérir.»
Sybil répondit, un sourire aux lèvres, malgré le pincement de regrets et le flots de souvenirs qui à cet instant la brûlait amèrement:
« Oui, si c'est ce que vos deux coeurs souhaitent. J'en serais heureuse... Maman aussi probablement... »
Sybil ne dirait jamais la tristesse qui l'assaillait alors, repensant à deux êtres qui s'aiment, repensant à celui qu'elle aima de toute ses forces, et à qui elle ôta pourtant la vie... Elle savait que Nausicaâ le sentirait, elle ne devait au moins rien montrer, au moins pour cet instant, au moins pour Zénia.
Mais l'adolescente ne réalisa pas, à peine senti-elle cette tristesse, submergé par l'émotion, par le bonheur, par les larmes.
Nausicaâ bredouillait, essayant de parler, de répondre, incapable de formuler un seul mot. Zénia se tourna vers son aimée, souriant toujours, les yeux brillants:
« Nausicaä, mon amour tu n'es pas obligée d'y répondre tout de suite... »
Nausicaâ fit un effort terrible pour enfin arriver à prononcer quelques mots:
« Je... oui, oui!!! Je t'aime, je t'aime!!! »
La jeune demi-humaine tomba à genoux, serrant Zénia de toutes ses forces contre elle. Les larmes devinrent des sanglots, des hoquets, elle pleurait de toutes ses forces sans même essayer de retenir le flot de ses larmes, le flot de la joie qu'elle ressentait en cette seconde, et, qui, elle le savait, ne serait que la première des fois où elle pleurerait ainsi pour elle, pour Zénia, de bonheur.
« Je.. je t'aime, je t'aime, Zénia!!! »
« Je t'aime, Nausicaâ Lidakdel »
Zénia dégagea l'un de ses bras, qu'elle tendit vers Sybil. Doucement la druidesse prit la main tendue, et doucement, Zénia attira sa soeur aînée à elle, doucement, elle réunit les trois soeurs dans le même instant. Sybil se laissa faire, sans rien montrer à la jeune elve de sa tristesse, lui offrant un doux sourire en retour.
Nausicaâ pleurait toujours, le visage caché dans le cou de sa compagne. Il lui fallut un effort énorme pour arriver à murmurer, enfin, ce qu'elle voulait dire, les seuls mots qu'elle pouvait arriver à dire:
« Je veux être ton épouse... »
Zénia serra un peu plus l'adolescente contre elle, tandis que Sybil entourait de ses bras ses deux soeurs.
« Je te chérirai mon amour et te protégerai. »
Zénia tourna doucement la tête vers Sybil, les larmes aux yeux, un sourire de bonheur éclatant au visage. Puis elle retint un peu plus Nausicaâ contre elle, et murmura doucement...
« Je demanderai ta main à maman... »
Il est des moments magiques. Des moments éternels. Il ne faut parfois pas de légende pour écrire un conte, juste un instant de bonheur, un instant qui ne se vit jamais qu'une fois dans une vie entière. Nausicaâ venait de gagner sa liberté, l'Epée ne chantait plus, ne murmurait plus, et Sybil l'avait emporté au loin après bien des réticences. Nausicaâ n'avait rien ressenti, elle n'avait pas eu mal, elle n'était pas tombée dans le coma, l'Epée ne s'était pas mise à gémir. La rune bleue la faisait bel et bien dormir.
Sybil ne lui avait pas rendue l'Epée... Nausicaâ s'était douté que cela arriverait si elle était bel et bien libre. Sa soeur aînée ne souhaitait que prendre un peu sur elle ce fardeau, la porter ou la cacher, pour sa jeune et nouvelle soeur. Nausicaâ ne la réclama pas, elle ne fit que poser la question par un regard. Sybil la garderait sur elle ou toujours près d'elle, l'épée ne serait jamais seule.
Il est des jours qui sont à jamais éternels.
Pour la troisième fois, Nausicaâ l'apprenait... jamais elle n'avait à ce point compris que cela était vrai...
Chronique de l'épée d'Ishara XVI: coma
Blottie sur elle-même, pâle figure fragile et frêle. Elle gît, flottant au centre d'un lieu isolée de tout, une bulle de paix et d'abandon où le temps n'a plus cours. Son âge n'est plus estimable ce corps pourrait avoir 12 ans comme 16, et les ailes d'ange gisent étendue autour d'elle, d'où perlent goutte à goutte des larmes de sang qui maculent les plumes blanches. Elle tient contre elle une poupée de porcelaine dont la tête a été arrachée du corps, une poupée qui ressemble bien trop à ce qu'elle paraît quand elle a les yeux ouverts dans le réel. Elle berce la poupée en chantonnant, loin, loin d'ici
Zénia, ange de lumière semblant si pur dans cet univers onirique, la serre doucement, dos à elle, la retenant de tout son amour, les yeux clos. Elle semble dormir, peut-être dort-elle en effet. Elle patiente et attend, protégeant le cur et l'âme de son amour, lui interdisant le droit de sombrer, murmurant les yeux clos des mots simples, des pensées et des images, devenant ange gardien et salvatrice d'un esprit blessé qui ne peut se résoudre à retourner dans le réel, un esprit brisé par la mort d'une part de soi entière.
Nausicaâ est réfugiée dans l'un des greniers du couvent de Northshire. Dans l'obscurité de la nuit et le silence d'un lieu oublié du monde qui l'entoure, elle pleure, serrant sa poupée dont la tête a été arrachée d'un geste sûr et cruel. Elle a douze ans. Son père vient de mourir.
Il a fallu des mois pour l'apprendre, des mois d'espoir. Jusqu'à cet officier de l'armée, venu l'annoncer ce soir.
Elle pleure d'une solitude trop dure à surmonter, d'une détresse qu'elle ne pouvait imaginer connaître. Une jeune adolescente, encore enfant, aux cheveux blancs et aux yeux rouges, au corps trop frêle, aux larmes trop faciles. La risée et la proie si facile des moqueries de ces consurs, élèves du couvent. Ses souvenirs volent à ce père si tendre et si fier de sa fille adoptive, de son petit ange qu'il aimait encore à gâter et faire sauter dans ses bras. Un univers entier qui se meurt et s'effondre, le dernier rempart entre elle et la solitude, le doute, les regards de sa famille, et de ses camarades sur cet étrange être qui n'est pas de leur sang ou de leur monde.
Elle pleure d'être seule, elle pleure d'une perte immense, d'un père qu'elle a si peu vu, d'un bonheur réduit à néant.
Elle a toujours été seule, et cet homme était son petit droit au bonheur, il lui achetait les livres qu'elle lisait en secret dans la nuit du couvent, ses yeux capables de déchiffrer ces romans de cape et d'épée à la lueur de la seule lune. Ces romans et son pères étaient sa liberté et son rêve. Il n'y aura plus jamais ni l'un, ni l'autre.
Elle serre sa poupée, autre cadeau précieux, déchiré dans le seul but de lui faire du mal, dans le seul jeu cruel que les enfants réservent aux leurs par une méchanceté souvent presque innocente, sans objet, et sans conscience des conséquences.
Son monde s'est brisé, son espoir de vivre heureuse devient un fil de soie qui s'effiloche dans une folie qu'elle ne sait plus combattre. Sa mère est devenue un monstre et a laissé mourir cette jumelle qu'elle voyait comme une rédemption à ses propres souffrances. Elle est réduite à redevenir ce que cet être qui était son miroir représentait, et qui l'a tuée. Mourir, pour échapper à l'enfer d'exister était si facile, cette voie que sa jumelle a prise, et auquelle elle a assisté jusqu'à la dernière seconde, devant sa mère refusant toute aide, alors qu'elle en avait le pouvoir.
La seule chose qui reste est son amour pour Zénia. Le reste de son monde s'est effondrée dans la souffrance des êtres qu'elle aime, et la mort d'un ange innocent qui ne demandait qu'à vivre. Elle ne sait plus qui elle est et où elle est, vivre dans un monde si cruel est devenue une charge trop lourde pour elle. Pour échapper à la folie, elle s'y est enfoncée, protégeant le peu qui reste de son esprit brisé, refusant de retourner au monde réel. Refusant de se réveiller.
Zénia est auprès d'elle, ne reste que cet ange qui la veille et qui l'aime, elle ne veut plus rien d'autre, que ce souvenir et ce contact, se perdant dans ses souffrances, et se berçant dans ses rêves.
Dans la petite maison isolée de Winterspring, deux jeunes femmes semblent dormir. Insensibles au monde, elles sont plongées dans un coma d'où elles refusent de sortir. Autour d'elle s'agite un monde de guerre et de folie, mais elles ne réagissent plus à rien.
Chronique de l'Epée d'Ishara XVII: Mort... une chance de vie.
Depuis des nuits Zénia combat l'Ombre. Depuis des jours, elle gît dans le coma, tandis que son amour, éveillé, n'a de souvenirs que de son enfance.
Depuis des nuits Zénia se bat contre l'essence de toutes les blessures infligés à celle pour qui elle sacrifierait tout en souriant, pour qui elle a déjà offert vie et âme.
Depuis des jours ses amis et sa famille la veillent, impuissants à l'aider, réduits à attendre dans l'angoisse le réveil de la jeune guerrière elfe.
Se joue dans un monde lointain né de l'esprit des deux amantes et de leur douleur, un duel entre amour et haine, compassion et rage aveuglée. Un combat dont l'issue est l'âme de Nausicaâ, qui, éveillée, ne sait d'elle que ses douez premières années, et ne comprend plus rien.
Tout ce qu'elle est se trouve enfouie dans l'âme de Zénia, qui l'a retenue pour la sauver de la folie. Et le duel est inégale.
Tuer l'Ombre, c'est détruire la mémoire de son aimée. La combattre, c'est combattre ce qu'elle aime le plus. Elle ne peut gagner, l'amour, elle le possède déjà, la passion, la compassion, tout ce qui a fait Nausicaâ, elle l'a gardé et protégée. Ce quelle affronte est tout ce que son aimée a passé sa vie à rejeter, frustrations, humiliations, souffrances, tortures du corps et de l'âme. Une somme de puissance encore grandie par la rage de l'Epée qui a modelé cette âme dix-sept années durant pour la servir.
Et que Zénia ne peut tuer, sans tuer son amour, et sans se tuer elle-même.
Dans cette Ombre, il y a tout les souvenirs qui ont crée son ange, sa moitié, son âme même.
Elle ne peut que perdre
Dehors, le monde tourne. Artanas et deux assassins des Chasseurs de Prime s'attaquent aux gardiens de Nausicaâ et réussissent presque à l'enlever, la laissant empoisonnée. Il faut encore fuir, il faut encore protéger la Porteuse de l'Epée.
L'Ombre grandit, sa frustration de ne pouvoir détruire ses ennemis, de ne trouver aucune cible pour assouvir sa rage et sa colère lui font s'acharner encore sur cette âme qui la tient en échec. Et Zénia ne peut que se défendre, sachant qu'elle ne peut que perdre.
Ne reste qu'une seule chose qui puisse sauver l'une des deux. La Nausicaâ que protège Zénia le sait bien, elle a fait son choix. Sa vie pour elle. Rien d'autre ne comptera jamais. Elle vivra à travers elle, si elle ne peut vivre pour elle. Elle vivra en elle, il ne restera qu'une seule chose, leur Amour Immortel, elles qui se sont offerts leurs âmes à jamais.
Dans ce monde onirique où depuis des jours se livre une bataille éperdue, elle se jette sur son Ombre, elle se jette sur elle-même, et dans des larmes, détruit un à un ses propres souvenirs, chaque coup porté effaçant un peu plus ce qu'elle a été. Zénia hurle, tentant de la protéger, mais la protéger revient à détruire l'Ombre et revient à la détruire.
Son essence se perd, une mort plus certaine encore qu'un coup de dague en plein cur, plus définitive qu'une âme volée. L'oubli pur et simple de tout ce qu'elle a été. Elle hurle son amour, sa passion, elle appelle dans un dernier adieu tout les êtres qu'elle a aimé. Zénia Sybil Duvnarel, sa mère, Tabrïs, Moondash, Talah, Teiana, tant de gens qui ont forgés en elle ce qu'elle a appris à être et toute la beauté de sa volonté.
Il n'y a pas de larmes qui puissent jamais êtres comprises dans le monde du Rêve, car toutes les souffrances y sont si grandes qu'aucunes larmes ne peut les dire. Un dernier cri : « je t'aime, Zénia !! » et ce qui fit l'essence de la jeune prêtresse demi-humaine Nausicaâ Blackmeans, fille adoptive de Duvnarel Lidakdel n'est plus
Dans le Rêve, une vie s'eteind, il n'en reste rien que des filaments d'espoirs et d'amours éparpillés, que viennent dissiper des vents oniriques. Il ne restera rien. Une vie contre une vie, aimée. Dans le cur de Zénia, au fond de son âme, reste un Amour Immortel, qui jamais ne mourra, la seule trace que jamais Nausicaâ, la Porteuse de l'Epée d'Ishara ait existé.
Fin
Et recommencement
PS: la Légende de l'Epée d'Ishara ne s'arrète pas, la Légende est loin d'être finie, et un amour est éternel.)
Un hurlement, premier cri de vie, sans pouvoir rendre pourtant le moindre son, et la terreur qui saisit un être qui était mort, et qui le savait, qui l'avait souhaité. Dans des yeux embués de larmes et collant de sang, au milieu d'une mare écarlate répandue autour d'une petite vasque, quelque part, mais un quelque part inconnu, elle voit un elfe et une elfe. Un chasseur qu'elle a déjà vu, le chasseur au lion, le gardien et protecteur de sa « jumelle ». Et Duvnarel, la terrible druidesse qui l'a condamné, qui lui a tout révélé de sa nature de simple copie d'une originale, qui lui révéla tout de ce qu'elle était, et n'était pas : une vie copiée sur une autre, des années de souffrances et de solitudes qui en fait n'ont jamais existées, un outil pour la Lumière sait quel crime.
Ella avait souhaité la mort, et la mort était venue. Elle avait appelé de toute son âme Velassia dans un dernier espoir que la douce elfe vienne la chercher, et l'aime, mais jamais elle n'était venue : tout ce que sa jumelle aurait, elle ne l'aurait jamais. Elle n'avait souhaité que le Néant, et tout oublier.
Et elle était vivante, en sang, le corps hurlant de souffrance, lacérée, percluse de douleur, épuisée. Et Duvnarel se pencha vers elle, avec une tendresse et une douceur maternelle irrésistible, la soignant de sa douce magie.
Pourquoi était-elle revenue ?! Pourquoi devait-elle vivre ?! Elle avait trop mal pour comprendre, elle était trop épuisée pour réaliser. Moondash la porta avec tendresse, tandis que Duvnarel partait, sur une dernière phrase si terrible : « et maintenant, je suis maudite à jamais ». Ils disaient tout les deux que la vraie Nausicaâ était morte, mais pourquoi, elle était-elle là ?
Elle s'endormit sur le trajet, pour se réveiller dans une tente. Elle ne comprit que lentement la suite, expliquée par Moondash, et une petite enfant gnome aux yeux sans anges, nommée Ielou. Celle-là même qui lui avait sauvé la vie, là-bas, à Westfall, alors que Duvnarel l'avait déjà condamnée. Et la vérité la terrifia. La vraie Nausicaâ était morte sans que personne ne sache réellement pourquoi, ni comment, à l'instant même du réveil de Zénia. Si son corps était resté en vie, c'était de toute la volonté de Moondash qui avait usé de tout ses talents pour la sauver, mais son âme n'était plus Elle lui avait laissé sa place, mais pourquoi, pourquoi avait-elle accepté de perdre tout ce qu'elle avait, tellement de bonheur et d'amour autour d'elle, pour la laisser à une vulgaire copie qui n'aurait jamais du survivre ?!
Ielou et une autre sorcières ne parvinrent qu'à conclure qu'il ne restait rien nulle part de la vraie Nausicaâ, que celle présente, en vie, était une sorte de recombination, de re-création. Nausicaâ pleura de toute ses forces. Velassia n'était pas là, savait-elle même qu'elle était en vie, s'en souciait-elle même ?
Le pire à venir fut d'être face à Zénia, quand celle-ci arriva avec ses sieurs, Sybil et Tabrïs. En pleure, Nausicaâ ne put que demander pardon, elle ne pouvait rien faire d'autre, rien à part se désoler et souffrir de ce qui semblait si injuste. Pourquoi cela arrivait ainsi, pourquoi un tel sacrifice, pour quelle raison, en quel nom ?
Pourtant, Zénia la soigna, refaisant ses bandages, passant un onguent sur ses plaies, avec dans ce regard son amour toujours vivant pour la Nausicaâ qu'elle regardait, SA Nausicaâ à elle. Situation tellement cruelle que d'être sujet à l'attention et l'amour de tous, mais à la place d'une autre qui ne reviendra pas. Restait l'espoir que Ielou ai raison, que la vrai Nausicaâ soit quelque part et revienne d'elle-même. Quand à elle, elle repartirait alors, d'une manière ou d'un autre. Elle ne souhaitait rien d'autre. Tellement de gens si gentils, si doux, si attentionnés, tout ce qu'elle avait jamais rêvé avoir était autour d'elle. Peut-être que pendant quelques jours, elle vivrait, elle, ce qu'elle pensait ne jamais avoir,c e qui l'avait conduit à la mort. Cette simple idée était un tel bonheur, une telle joie, que de partager un peu avec sa jumelle ce qu'on lui avait interdit. Elle refusa ce que Kerla proposait, un moyend e peut-être ramener la vraie Nausicaâ, dont elle disait pouvoir assurer le retour, et remette sa propre âme dans un autre corps. Mais pourquoi faire, car cela voudrait dire être seule au final, perdre tout ce qu'elle voyait.
Il y avait un espoir pour sa jumelle, mais aucun pour elle qu'elle veuille jouer. Elle refusa, simplement. Si cela devait arriver, Kerla ferait le nécessaire, et elle, elle repartirait. Ou Nausicaâ reviendrait seule, pour finalement le même résultat. Cela ne l'effrayait même pas. Il vaut mieux vivre quelques jours heureuses, que rester une vie entière seule. Il n'y aura jamais de Velassia, même si y penser la faisait affreusement souffrir. Mais elle pourrait être près de Zénia, même si jamais elle ne sera la vraie Nausicaâ. Elle pourra vivre, et sourire, le temps passera, et quand elle partira, ce sera sans regrets. Jusque là, elle avait fait son choix. Rester pour vivre cette vie un peu volée dont elle révait
Pluie de cendres sous un ciel de tempête hurlante.
Ange solitaire aux ailes de sang, au regard de flammes, immobile dans un vent de fin des âges.
Une épée plantée au sol, qui cache sous son sommeil et sa paix toute une fureur jamais exprimée ou vécue.
En reflet, deux autres lames, surs cadettes nées du génie qui forgea la première, tentatives pour comprendre un pouvoir qui ne fut jamais maîtrisé.
A elles trois, elle forment un triangle, dont le cur est un ange, reflet d'une simple vie, image idéalisée aux yeux de celle qui regarde, et de ceux qui l'aiment.
Dans le hurlement des vents volent le fil de leurs existences englouties. La tempête dévore tout ce qui la touche, et emporte chaque destin vers son seul est unique but.
La fin.
Quelle qu'elle soit, toute tragédie doit s'achever. Même quand elle a été écrite dix mille ans plus tôt.
Et ceux que la tempête emporte, désormais, mèneront la tragédie à son dernier acte. Amis, ennemis, il n'y a plus de différences, quand chaque âme se bat contre le chaos, pour vivre, pour survivre, à ce qui l'emporte et le malmène.
Il y a deux jours que Nausicaâ vit. Difficile de dire si elle revit, ou si elle a toujours vécue, elle ne le sait plus elle-même. Qu'est-on quand on est la somme de deux vies qui furent persuadés chacune d'avoir vu leur fin arriver, la mort les prendre, quand même elles ont provoqués cette mort elles-mêmes ?
Mais elle vit et cette simple pensée balaye chaque question. Prendre conscience d'exister, enfin, est une magie. Quoi qu'il soit arrivé, là-bas dans cette zone de Rêve Emeraude forgée par sa mère, en désespoir de cause, pour la sauver, et se servir de tout les êtres qui l'ont aimés pour puiser en eux ce que fut sa fille, et ce que fut cette jumelle crée nul ne sait comment, elle ne sait qu'une chose : elle est désormais vivante.
Et malgré tout les changements que les autres lui renvoient d'elle-même, plus vivante qu'elle ne l'a jamais été.
Le ciel au dessus de Stormwind est magnifique, et bientôt, elle retrouvera Zénia, qu'elle redécouvre, comme elle redécouvre le reste. C'est à dire en sachant tout ce qu'elle a vécu, et en le réapprenant à la fois. Que ce monde peut être beau quand on cesse d'en avoir peur. Que ce monde si cruel et si mortel a de beauté à dévoiler quand on peut enfin les voir.
Elle soupire, fermant ses yeux rubis, retrouvant contre son corps les sensations de la passion et des caresses de son amante et promise. Un goût de doute vient à chaque fois, tout aussi vite balayé. A la fois Nausicaâ et Nausikaâ, son cur aime deux femmes, sans qu'elle ne puisse choisir ou décider entre l'une et l'autre. Elles seules pourront faire ce choix, et lui montrer comment le faire. Elle ne pourrait se décider, et à vrai dire, elle ne le veut pas.
Elle marche contre les canaux, suivie par une immense tigresse tacheté, cadeau de Moondash, qui a prié pour son retour, qui a tellement espéré qu'il a dressé l'animal à aimer une humaine, se forgeant ainsi son espoir de voir revenir ce petit bout de jeune femme qu'il couve de ses yeux comme un grand frère transi. La tigresse, que la jeune fille a appelé Elianwë, Arc-en-ciel, en Darnassien, ronronne, soufflant de son museau sur l'eau, avant de s'abreuver. Son bonheur est simple, et sa maîtresse le partage désormais, malgré ses visions de Tempête. Malgré qu'elle soit si consciente que le futur s'achèvera en tragédie, et que seul l'espoir subsiste. Celui de tout faire pour que tout les gens pris dans la tempête y survivent.
Elle se met à compter, lentement, les tâches dont elle est désormais responsable. Sa mère a pu se délivrer un instant de l'étreinte terrible de Nozdurmu, assez pour avoir le temps et la force de monter cet incroyable plan pour sauver sa fille. La reforger de tout ce qu'il en restait en Nausikaâ, et dans l'esprit des gens qui l' ont connue, et chérie, ou même traquée. Là-bas, dans le Rêve, s'est joué un instant de douleur, un instant où il leur fut demandé de se souvenir d'une défunte que tous pensaient morte sans espoir. Et Duvnarel a réussit. La druidesse est plongée dans le coma, soignée par des médecins, à Darnassus.
Ni Nausicaâ, ni ses deux autres filles ne peuvent l'y rejoindre, la cité elfe leur est interdite, mais la jeune femme ne doute pas que sa mère reviendra, ne doute ni de sa force, ni de sa volonté. Mais désormais, elle sauvera sa mère du pacte qu'elle a conclu, elle ne la laissera pas redevenir le jouet d'une puissance qui a, dans un dessein impossible à suivre, poussé la druidesse à des actes qui ont finalement détruit tout ce qu'elle chérissait elle-même.
L'épée n'est plus, enlevée par une force mystérieuse, des gens assez retors, et puissants pour avoir pris l'épée sans coup férir ni laisser de trace. Mais il y a les deux autres. Elle en ignorait même l'existence, jusqu'ici, et ignorait qu'elle put les sentir et les ressentir. Mais elles existent, et elle sait qu'il lui faudra les retrouver, et qu'elles-mêmes peuvent retrouver l'épée d'Ishara. Peut-être. Mais c'est à elle de les retrouver, avec l'aide de ces gens qui l'aiment tant qu'ils ont reforgés en elle tout leurs rêves. Elle est le centre de la tempête. Et elle ne le subira plus.
Le temps passe. Le ciel s'éclaire du soleil de midi. Chaque jour va passer, l'un derrière l'autre. La tempête grandit, sans qu'elle sache qui est emporté. Chaque heure rapproche du moment où tout sera fini. Tous essayent d'écrire, chacun à la manière, le dénouement de ce qui arrivera. Mais nul ne peut prévoir comment se finira la Légende, que désormais ils écrivent, cette Légende qu'elle aurait voulu ne jamais connaître ou croiser. Mais elle est la cinquième Ishara à porter l'Epée, et elle sera la dernière. D'une manière ou d'une autre, chaque heure s'approche de la fin.
Mais rien n'est écrit.
Le jour avance, elle imagine le sourire de Zénia, elle rêve, éveillée, sachant qu'elle vit, que tout est réel, et qu'elle peut enfin le comprendre.
Il est si beau de vivre