Jilyana

En quittant Lune d'Argent, et en suivant le sillon sans vie qu'a tracé Arthas vers le sud, on arrive dans les Terres fantômes.

Jadis, ces terres formaient la proche province de Lune d'Argent, comprenant notemment les domaines de celles des grandes familles Quel'dorei qui appréciaient le calme de la campagne.

Parmi celles-ci, la famille Coursevent.

Le domaine était toujours debout. Mais possédé par des forestières déchues et des acolytes de Mortholme, la forteresse du traître, plus au sud.

Les forces du Fléau.

Entre deux gémissements, l'on pouvait sentir ce lieu comme hors du temps, ces rideaux un peu jaunis flottants encore au vent mauvais, des verres attendant leur thé, des narguilés qu'on pourrait croire encore chauds...presque fumants ?

Mais non, ce n'est que l'ombre émanant d'un spectre rôdeur, dévoré par son propre pouvoir.

Ici, tout sent comme le frisson glacé de la mort.

Soudain, un sorcier de Mortholme s'arrête net. Dans la noirceur de sa démence, il a détecté une trace de vie dans une dépendance.

Un vivant...

Fort de la prédominance du Fléau sur ces terres, le sorcier s'avance dans l'ombre du bâtiment, un rictus cruel sur les lèvres. Un aventurier en goguette ?

Il est un peu étonné d'entendre un son de bris de bouteille pleine, suivi d'une bordée de jurons en thalassien.

Qui viendrait boire ici ?

Il accroît sa vision nocturne. La corruption lui a donné des pouvoirs bien plus importants, mais celui-ci se révèle utile...

Une Quel'Doreï...

Ils se font rares, ceux des Hauts-elfes qui ne sont pas tombés dans le fanatisme en se complaisant dans l'addiction de magie.

"Celui-ci va mourir dans la frayeur", se dit le maléficieur.

Tout en préparant une incantation, il lance d'une voix forte :

- "Vous ne regagnerez jamais vos terres, elfe !"

La réaction ne se fait pas attendre... Bien qu'elle diffère de ce à quoi il s'attendait.

Une voix lasse et rouée répond :

- "Ch...hic !, la distraction du soir... hic !"

La suite est plus confuse pour le pauvre corrompu. En plus, rien ne se passe normalement.

D'abord, il lance son incantation, qui n'a pratiquement aucun effet; ensuite, la deuxième ne part jamais, car un méchant coup de genou à l'entrejambe l'emmène dans des abîmes de douleur, pire que sa première succube. Puis, il se sent soulevé de terre et envoyé voler contre le mur. Il n'a pas le temps de se retourner qu'il est saisi par les cheveux. Sa tête heurte violemment le mur d'albâtre, son nez craque au deuxième choc, un vilain coup de poing dans la moëlle épinière le paralyse au sol.

Terrorisé, pour le compte, il cherche son assaillant des yeux. Il n'a que le temps voir venir une botte fine, usée et crottée, qui vient lui démantibuler la mâchoire d'un large coup sauvage.

Dans la douleur, un voile rouge sur les yeux, il voit une forme frêle et féminine ramasser quelque chose, et se rapprocher. Il ne voit pas...

Il entend...

...Une corde d'arc qui se tend, tout prêt...



A l'extérieur, une âme d'elfe regarde la Lune en pleurant sur sa malédiction. Elle est interrompue par un hurlement, brusquement coupé par un bruit sec.

Et des mots en thalassien - cela fait si longtemps ! - qu'elle écoute avec avidité...

- "Je suis déjà chez moi, hic !...Connard!"