Edonne

(hrp : pour plus d'infos sur Edonne voir les récits de Clothilde, sa soeur )

Une fois de plus, Edonne s'assoit au bord du puits de lune. Elle se concentre, en écoutant la voix douce qui la guide. "Ferme les yeux. Tu as ton souvenir heureux en tête? entend-elle." Edonne fouille sa mémoire sans trop savoir quoi en déterrer. Elle songe à son enfance paisible avec sa soeur et ses parents. Avant le départ. Chienne de mère, pourquoi nous avoir laissées? Edonne repousse sa colère au fond de ses entrailles. Elle songe avec ironie que ce souvenir l'a énervée au lieu de l'apaiser. Mais la voix suave ne la laisse pas divaguer longtemps et la rappelle à sa tâche. "Visualise ton souvenir." Mais le souvenir ne vient pas. Edonne soupire. Edonne sent les deux mains de son guide qui saisissent les siennes lentement. La concentration est presque là. Se laisser faire, laisser la voix guider la pensée. "Concentre-toi sur le souvenir, dit la voix. Tu vois quelque chose?" Oh oui ! Edonne voit quelque chose ! Tout est beau, tout est calme, la voix l'enveloppe. On se sent bien. Un sourire fin se dessine sur ses lèvres. Elle ouvre les yeux et regarde intensément son interlocuteur. Elle a réussi. Une aura douce émane d'elle. Après quelques séances seulement. Son guide la félicite. Elle peut apaiser le mal et la colère. Mais elle est exténuée. L'apprentissage n'est pas terminé.

 

Une séance de plus. Le guide d'Edonne la regarde pendant qu'elle se concentre les yeux fermés, comme à son habitude. Elle est presque complètement maître de son nouveau pouvoir. Les mains dans ses mains, elle écoute la voix qui lui montre le chemin. L'aura de douceur se met petit à petit à calmer les douleurs et les tristesses autour d'elle. Mais ce travail de concentration la fatigue. Elle le ressent dans tout son corps. Peut-être plus encore que d'habitude. Soudain, la fatigue disparait pour laisser place à un mal insoutenable. Elle lâche les mains et tombe contre la pierre dure du puits de lune où elle s'était installée. Inconsciente pendant de longues minutes, elle ne voit pas les nombreuses tentatives de son guide et des témoins pour la ramener à la vie. Car c'est un soufle de vie qui lui manque. Elle est souillée par la non-vie qui s'infiltre dans ses veines, partout dans son corps. Quand elle revient enfin à elle, plus d'une heure s'est écoulée. Elle est faible et son guide est paniqué. Elle a compris, car elle sent sa peur. Elle ressent trop d'émotions à la fois pour s'exprimer dans l'instant. Mais peu à peu, elle recouvre ses sens. La blessure infecte que son guide porte, infligée il y a longtemps par un souilleur, et qui pourrit sa main gauche, s'est fait sentir dans le corps d'Edonne à l'identique. Du moins, elle a senti la douleur qui y est liée. Et elle ressent mille choses à la fois, la panique, le soulagement, la surprise, même, quelque part, des bribes de gaité se cachent. C'est simple. C'est un don d'empathie impromptu qui s'est développé en même temps que celui d'apaiser les âmes. Reste à le maîtriser. Resentir toutes les émotions des personnes alentour semble bien trop épuisant. Il faut canaliser tout cela. Mais Edonne est déterminée. Comme toujours...