Joué par :
Lae Joué par :
[ Information masquée ] Age : Inconnu
Lieu de naisance : Inconnu
Sexe : Femme
Race : Humain
Faction : Alliance
Formation : Voleur
Niveau : 48
Guilde : Nature Rédemptrice (la) Artisanat 1 : Dépeceur
Artisanat 2 : Herboriste
Cinquième Ère [3]
Lune de la Force
Décade du Panda
Décade du Gorille
Décade de l'Ours
Lune d'Agilité
Décade du Tigre
Décade du Singe
Décade du Faucon
Lune de l'Esprit [3]
Décade de la Chouette
Décade de la Baleine [2]
L'oracle, la relique et les ténèbres.
Nue.
Au dessus d'elle, le vacarme de l'auberge couvre jusqu'au bruit de son souffle. Sa respiration est lente, tranquille, celle d'un dormeur. Mais Daenn ne dort pas, elle veille. Autour d'elle, les ombres et les ténèbres dansent, virevoltent, et seuls quelques repères lui permettent de s'orienter. Le craquement d'une bûche dans l'âtre. Le bruissement du vent sous la porte. Le feulement des draps défaits, lorsqu'elle les effleure.
L'homme est parti. Leurs deux corps épuisés d'une valse ardente, fébrile et violente, la sueur sur leurs fronts, leurs bras, leurs jambes, l'ensemble de leurs êtres... Les mots et les promesses murmurés, sa voix guidant ses gestes dans le brouillard de leur étreinte, ses doigts frôlant, glissant, caressant langoureusement le corps de celui qui était son amant et qui en cet instant était devenu son complice, son mentor, son alter ego...
"Ton maître..."
"Esclave ! Esclave !"
"Il t'a asservie !"
Taisez-vous.
Daenn presse ses mains sur ses tempes, puis appuie ses poings sur ses paupières. Au premier chuchotement, elle s'est redressée sur sa couche, interdite et suffoquée. Son répit avait été de courte durée. A nouveau, les Ténèbres menaçaient d'emporter sa raison, obstruant son esprit, frémissant dans son crâne, murmurant, lui susurrant leurs effroyables mensonges et leurs triomphantes vérités.
"La relique..."
"Maintenant, maintenant..."
"Tu as promis. La paix contre la relique..."
J'ai donné ma parole, vous le savez.
La jeune femme tatonne à la recherche de ses vêtements. Sur sa peau, les tatouages autrefois discrets recommencent à se mouvoir, petites marques étranges et mystérieuses. Sur la peau, sous la chair... Il est difficile de cerner où elles commencent et où elle terminent. L'impression obscène d'un grouillement frénétique. D'une main, Daenn rajuste sa robe et repousse ses cheveux pour couvrir leur bouillonnement hypnotique et fascinant.
"L'homme... Le démon..."
"Il aime les Ténèbres..."
"Non, non ! Il nous déteste, il doit mourir !"
Donnez-moi plus de temps.
L'aubergiste lance un regard curieux à la femme aux cheveux d'ébène qui quitte son auberge. Elancée, de jolies hanches voluptueuses et une démarche chaloupée. Mais quelque chose le chagrine dans son attitude. Bien sûr, ce sont ses yeux blancs... Mais autre chose aussi. La façon dont ses lèvres semblent toujours former des mots inaudibles ou énigmatiques, d'un langage venu d'une contrée lointaine, ou depuis longtemps oublié. Le nain secoue la tête lorsqu'elle sort, et retourne à ses marmittes en chantonnant. Daenn voyage longtemps, et ce n'est qu'à la nuit tombée qu'elle franchit le seuil de la grotte.
"Elle est là ! Nous la sentons !"
"Tu as tenu ta promesse !"
"Reprends la, elle est à nous !"
Laissez-moi me concentrer.
Le corps ployé sous l'appréhension, elle disparaît dans les ombres qui lui sont si chères et la terrifient désormais tant. A quelques pas, elle sent elle-même les pulsations de la relique, souvenir archaïque et primitif d'un temps qu'elle pensait avoir noyé dans les affres de sa mémoire. Autour d'elle, la nuit referme son étreinte, et la Berce-Ténèbres plonge dans la moiteur étouffante de la crypte.
L'oracle, la relique et les ténèbres. [2]
Lan'Ctu'La était Ombre et Maen'dan'lor était Lumière.
Longtemps le conte fut chanté, de mère en fille, telle que le voulait la tradition du peuple. Les Varlin'ia, femmes-troubadours, arpentaient les contrées les plus reculées du territoire des Ctudan, pour parler de la création de leur monde et de sa déchéance.
Lan'Ctu'La, femme-offrande aux Ténèbres, dirigeait la moitié de la Cité d'Origine. A travers sa voix, on écoutait, on obéissait, on satisfaisait les Ombres. On venait chercher conseil, pour chaque choix difficile de la vie, et de la mort également. Trônant, la femme-offrande dictait les volontés, et quiconque la consultait se savait obligé de suivre les décisions qu'elle murmurait d'une voix feutrée, légère, étrangement enfantine. Ses cheveux ébène étaient tirés en arrière, retenus par plusieurs rubans noirs enroulés autour des mèches sombres. Un foulard de lin, souillé par le sang, recouvrait ses yeux, et un collier poli d'obsidienne enserrait son cou. Sa peau hâlée était couverte en de multiples endroits de plaies étranges, aux nombreux dessins semblables, parsemés de tâches ombrageuses. Le temple était plongé dans une semi-obscurité, et la nuit environnante n'était percée par endroits que par la flamme vacillante de quelques cierges qui brûlaient jour et nuit.
Maen'dan'lor, fils-époux de la Lumière, régnait sur la seconde partie de la Cité d'Origine. Auprès de lui, le peuple trouvait courage et compassion. Le temple brillamment ouvragé regorgeait de vitraux aux mille éclats flamboyants. L'architecture même du bâtiment, soigneusement étudiée, permettait à la clarté du soleil et à la blancheur de la lune de pénétrer à chaque heure le moindre recoin du sanctuaire. Les mots limpides et cristallins du fils-époux apaisaient et soulageaint les maux de la cité. A ses pieds, on trouvait refuge, apaisement et remède. La chevelure claire était libre sur les épaules du jeune homme, ornée d'un casque étincelant aux deux ailes finement ciselées. Le tissu de soie qui dissimulait son regard était d'un blanc immaculé. Et son corps dénudé, simplement voilé d'une étoffe diaphane, resplendissait des tatouages opalins ancestraux précieusement peints sur l'épiderme.
Longtemps la Cité d'Origine partagea ses faveurs et sa vie autour des deux augures. Chacun était libre de choisir son oracle, de lui demander conseil ou pardon, de s'accorder l'appui de l'un ou de l'autre. Symétrique et harmonieuse, la ville se fractionnait autour des deux temples. La Vie et la Mort suivirent ainsi leur cours pendant des décennies.
Personne ne connaissait l'origine de la femme-offrande et du fils-époux. Chacun régentait sans que le peuple des Ctudan n'y voit malice.
L'Etranger, le Trunda'ralr, apparu dans la Cité d'Origine une nuit comme toutes les autres. Errant dans les ruelles poussiéreuses, ses pieds nus et usés raclant les pavés des galleries traversant la ville, il n'attira jamais l'attention.
Sa première visite fut pour le fils-époux.
Alors qu'à toute heure le lieu de culte regorgeait d'activité, personne ne le vit s'adresser à Maen'dan'lor. Les mots gutturaux et rauques de l'Etranger caressèrent les oreilles du jeune homme longtemps, imprégnant son esprit et son corps profane. Un verbe d'un âge révolu, ensorcelant. Sur son siège, les mains du fils-époux s'étaient crispées longuement, aggripant la pierre, ses ongles raclant contre le marbre.
Sa seconde visite fut pour la femme-offrande.
Les Ténèbres lui avaient depuis toujours soufflé la visite du Trunda'ralr, et Lan'Ctu'La avait demandé à ses fidèles de la laisser seule, malgré les protestations de ses suivantes. La voix rocailleuse et éraillée lui avait abondamment narré son histoire, et le visage caché dans ses mains, elle avait écouté, subissant, endurant le vocable enchanteur et obscène. Des heures après son départ, la femme-offrande pleurait toujours des larmes de sang.
Personne, ni même les Varlin'ia, ne savent où se retrouvèrent Maen'dan'lor et Lan'Ctu'La. Seule la crypte que l'on érigea à leur mémoire, y déposant le collier et le casque retrouvés dans chacun des temples, permit de se recueillir à leur souvenir. La Cité d'Origine, privée de ses oracles, finit par agoniser et succomber, et les rues désertes, abandonnées aux chants du sable, furent peu à peu recouvertes par les dunes.
Les Varlin'ia contèrent jadis l'histoire de Lan'Ctu'La, qui était Ombre et de Maen'dan'lor, qui était Lumière.
Mais aucune ne savait que des siècles plus tard, le Secret serait découvert.
Décade du Lapin [1]
L'oracle, la relique et les ténèbres. [3]
Le visage de l'homme reste impassible alors que de sa voix résonnent les mots :
"Dorénavant, ma volonté est ta volonté..."
La femme répète à voix basse :
"Dorénavant, votre volonté est ma volonté..."
"Tu m'appartiens, entière, tu es à moi corps et âme..."
"Dois-je en faire le serment et vous promettre mon âme... Maître ?"
"Répète après moi : "Ma volonté n'est plus..." "
***
D'abord, il y a la cage.
D'un doigt chétif elle en trace les barreaux, s'attardant un instant sur la lourde chaîne qui en ferme l'ouverture, pour laisser retomber sa main fragile sur le sol. L'enfant ouvre les yeux, et observe. Les barres de métal sont grossières, assemblées à la va-vite en une prison de fortune. La rouille en dévore déjà quelques-unes, les rougissant par endroit, gangrenant l'abri, mais l'épuisement qui s'est emparé de la fillette lui permet à peine de soulever ses paupières.
Trois jours d'attente, et trois longues nuits. Assise à même la pierre, elle a attendu fébrilement que l'on vienne la chercher. Seule ou presque. Le cachot était sombre, aucune fenêtre, aucun interstice ne menait à la lumière qu'hier encore elle croyait acquise. Le soleil sur sa peau hâlée était un lointain souvenir. L'humidité, le froid, étaient désormais ses compagnons. Au fin fond des boyaux de cette grotte antique, bercée par le bruit de l'eau qui s'infiltrait dans les murs, le sol, Daenn avait patienté.
Les journées passaient lentement, égrenées par la rumeur distante de la cité, écho indistinct, irréel. Mais lorsque venaient les nuits, la gamine se recroquevillait sur sa couche de paille aux relents de moisissure. Les ténèbres devenaient opaques, autour d'elle, et c'est alors qu'elle semblait les entendre. Complices d'infortune, hallucinations, spectres de l'ancien temps ? Il lui semblait les percevoir, murmurant à son oreille, balbutiant, susurrant
Les barreaux s'ouvrent dans un grincement maladif, et une silhouette encapuchonnée lui attrape le bras d'une main puissante et sans douceur. Elle se relève péniblement, flageolante, et tente de suivre la cadence imposée par l'entité masquée. Ses yeux fouillent la salle où elle se trouve désormais. Une longue allée pavée de pierres sombres aux dessins mystiques, entourée de deux gigantesques alcôves de part et d'autre. A nouveau, elle entend les chuchotis, les promesses, les gémissements et les frissons qui agitent l'ombre. Plissant le nez, elle les discerne enfin, dizaines, centaines de formes voilées, coiffée de la même capuche angoissante que son ravisseur.
A longues enjambées, celui-ci lui fait traverser le couloir dallé, et ils émergent dans la pièce suivante, tel un couple extravagant et insolite, gigantesque colosse camouflé et minuscule bambin apeuré.
Les bruits distants n'étaient point ceux de la ville, mais ceux de la bacchanale qui semble se tenir dans l'antichambre qu'ils viennent d'atteindre. Hommes et femmes sont nus, leurs corps dévastés par les affres de la débauche qu'ils subissent depuis des nuits, vautrés dans la nourriture et la fange. L'enfant se met à pleurer devant le spectacle de dépravation, les êtres entassés lubriquement dans l'orgie, l'odeur du vice agressant ses narines, les cris et les râles érotiques assaillant ses oreilles.
Mais à nouveau, le géant se met en route, traînant désormais Daenn par le bras, tandis qu'elle sanglote et se cache désespérément le visage de sa main libre, barbouillée de larmes et de poussière.
Ils pénètrent finalement à pas lents dans un gigantesque amphithéâtre taillé à même la pierre. De lourdes tentures écarlates couvrent les murs, et une myriade de cierges constelle l'assemblée. Toujours ces juges dissimulés qui paraissent vouloir décider de son sort. Au centre, un monstrueux brasier dont les flammes s'échappent à grandes lampées, disparaissant dans l'obscurité de la voûte.
Daenn reste hypnotisée par le feu, les larmes asséchées sur ses joues par la chaleur étouffante. A présent libérée, elle fait un pas, puis un autre, vers le brasero. Puis encore un autre
***
A genoux sur le sol de pierre, la femme prononce le nom de son amant.
« Da Daenn ? »
Une ombre passe sur le visage de l'homme, et celui-ci cligne un instant des yeux, regardant celle qu'il aime comme s'il la redécouvrait. Lentement, il l'aide à se relever, recouvrant son corps d'une étoffe de soie, ses gestes attendris guidés par mille précautions.
D'une main qui se veut rassurante, il la berce et caresse son visage. Mais la fébrilité cette nuit-là mettra des heures à le quitter.