Les quelques capes kaldoreïs présentes claquaient .
Il était en arrière , dans son armure noire aux enluminures argentés.
Sur ses gants l'on pouvait voir une licorne blanche dans un sombre bleu impérial. Sa patrie.
Son épaulette droite , elle , représentait une noble tête de dragon . Dans les yeux incrustés , on pouvait voir une expression de vengeance. Les traits du béhémoth semblaient crispés. Sa famille.
Un apprenti guerrier en tenue noire approcha , un heaume travaillé mais solide orné d'un léger plumet noir sous le coude . Il le remit avec respect à son mentor avant de lui donner des encouragements dans un language ressemblant sur quelques points au Darnassien.
L'écuyer reparti après avoir reçu les bénédictions de l'homme armuré.
Celui-ci mit son heaume d'une main nerveuse et déterminée. Son armure sombre et sobre malgré l'ouvrage appliqué contrastait avec les armures dorées et incrustées de pierreries, aux plumets rouges et crêtes vertes de ses compagnons d'armes.
Ce n'est pas que le guerrier ne pouvait s'acheter une armure comme celle-ci mais il n'aimait pas être remarqué , autant par désir que par nécessité.
Il s'avança dans la ligne de tigres , il les entendait ... non maintenant tous les elfes présents les entendirent arriver . On sentait l'agitation soudaine dans les armures. Deux fantassins fuirent ... L'armée ennemie était bien plus entrainée et bien plus nombreuse que les éclaireurs l'avaient prévus ... Elle avait dû se rengorger à Bois-Brisé.
Astranaar , malgré sa situation de presqu'île n'avait pas de points principaux de défense .
Les défenseurs étaient donc de plein pied dans la rue.
Ils entendirent la charge arriver de tous côtés , des kodos et des loups ...
les premières victimes furent deux elfes , égorgés par des assassins mort-vivants.
Les jeunes recrues furent dégoutées de ce spectacle glauque mais les ordres d'un maréchal leur fit reprendre courage et ils s'occupèrent des deux assassins.
Le gros des troupes étaient là , de l'autre côté du pont. Les gradés du lot donnèrent l'ordre de charge mais une partie des Kaldoreïs attendèrent l'ordre de Clemanas.
Ce dernier leur dit de suivre les médaillés ayant plus d'expérience avec un ton de léger dépit.
Malgré cela , une troupe de cinq guerriers et de 8 archers le suivirent. Le sombre guerrier décida alors de contourner le front par un chemin bien précis , passant dans les fossés marécageux.
En route , ils croisèrent des groupes de guetteurs. Ils les évitèrent le plus possible , réduisant à néant ceux qu'ils ne pouvaient contourner.
Arrivés au poste de Bois-Brisé , Clemanas fit brûler les bâtiments par quelques flèches enflammées et diverses torches. L'effet fut quasi-immédiat , plusieurs cors retentirent dans la forêt luxuriante.
Le fracas des armes se fit entendre à la troupe. Celle-ci rejoignit l'armée qui s'était formée sur le chemin.
Après extermination ou fuite des rangs ennemis , une druide fine au regard sévère arriva , accompagnées de deux autres elfes moins impressionantes.
Celle qui semblait être la dirigeante d'Astranaar donna des ordres aux Kaldoreïs qui poursuivirent les fuyards. La grande elfe jeta un regard à Clemanas et lui brailla dessus comme quoi il ne l'avait pas attendu. Clemanas y porta peu d'attention mais suivi la Kaldoreï dans sa chasse , voulant voir comment se débrouillait-elle depuis qu'ils s'étaient séparés.
La suite moins glorieuse étaient mêlées de massacres sans pitié que le Quel'doreï quitta rapidement , de peur d'y prendre goût
Il se battait , malgré le mécontentement de sa femme.
Il avançait , à coups de lance pour repousser ses ennemis ou au coutelas pour les tuer.
Ils étaient tous là. Tous ceux qu'il aurait aimé tuer.
Il en tua autant qu'il le pouvait , presque rieur.
Tous ces fantômes qui le rongeaient depuis des années.
Il y en avait énormément , à perte de vue.
Il tua , il tua sans s'arrêter , son corps se recouvrant peu à peu de sang.
Le ciel était gris , le sol rouge.
Il brûlait d'une flamme vive , la rage au coeur , ses mains guidées par l'instinct.
Alors il regarda.
Et il vit que de tous les cadavres qu?il avait fait , tous étaient des amis et des connaissances.
Il tomba alors à genoux , la pluie et le sang coulant le long de son torse , les cheveux lui cachant la vue.
Ils l'envoppèrent.
Lorsqu'il fut bientôt recouvert d'ombre , il se sentit vivre.
Alors il ouvrit les yeux , la nuit était noire , les draps détrempés par sa sueur , collant à son torse.
Une main l'aggripa.
Dans un sursaut , il bascula sur le corps allongé à ses côtés , prêt à tuer.
Il regarda alors sa femme qui le dévisageait avec des yeux étonnés et emplis de peur, elle lui dit alors , le souffle coupé :
<< Amour ? T...tu vas bien ? >>
Il répondit oui , comme il en avait l?habitude et lui demanda de se rendormir.
Elle n'était pas dûpe mais fatiguée.
Elle se rendormit donc sous les yeux de son amant qui lui ne gouta pas au repos , comme toutes les autres nuits , tourmenté par un rêve dont il ne comprenait pas le sens.
Nous sommes trop peu...
Oui, cette jeune recrue avait raison, mais devait-on vraiment l'avouer ?
Si nous savions cette bataille perdue, s'en convaincre n'aurait été qu'une manière de plus de perdre. Alors nous nous préparions. Certains aiguisaient inutilement leurs lames qui étaient déjà bien trop fines. Oui, nous étions trop peu. Notre ennemi, une trentaine d'hommes bien armés... et experimentés. Plus que la quinzaine que nous étions. Ils nous avait fallu trois éclaireurs pour savoir ça, les deux premiers n'ont pas redonné signe de vie. Se sont-ils enfuis ? Sont-ils morts ? Personne ne s'en soucie, personne sauf leurs mères. Mais elles ne sont pas là pour pleurer.
Les lèvres du prêtre remuent à une vitesse folle. Ces prières seront-elles efficaces ? Du pied, je foule cette herbe tendre ; comme j'aurais aimé la fouler quelques jours plus tôt, aux côtés de ma femme probablement. Mais l'herbe s'écrase en un son imperceptible. Comme si j'attendais quelque chose de ce geste... Déjà, le goût métallique du sang emplit ma bouche. Je dévore ma joue.
Soudain, un mouvement sourd, des pas. Nous ne sommes pas prêts, l'attente a fait de nous des vacanciers plus que des soldats. La peur nous fait trembler. Nombre de sangles se brisent, arrachant un juron à leur manipulateur. Un clou tordu les retiendra le temps du combat... peut-être. Nous nous déplacons dans l'herbe verte des Hautes Terres, tels les serpents qui peuplent cette région. La plupart sont vêtu d'armures de cuir vertes ou brunes. J'ai bêtement gardé ma cuirasse, mes gants et mes épaulettes mais j'ai échangé mes lourdes jambières de plaques contre de simples chausses de mailles. Pas de heaume.
Je me hisse vers l'arbre qui nous domine et y monte prudemment.
Ma lance m'encombre... Je les observe, ces quelques bandits qui paraissent si peu et qui seront pourtant si imposants quand leurs lames nous abattront. L'un de mes camarades, un ami, me fait signe. Alors ma lance siffle dans l'air tel un oiseau apportant mauvais présages. Le premier mort n'est pas des nôtres...
Le second, si. Une jeune recrue se relève trop tôt et déjà deux flèches à hampes noires le traverse de part en part. Mais nous n'avons pas le temps de le prier, à part peut-être le prêtre qui a déjà cité un verset pour lui. Je bondis de mon perchoir, devenant à mon tour un oiseau de proie. Le combat fait déjà rage, ma lame goutte déjà d'un sang rouge sombre. La corruption ronge leurs chairs. Nombre des notres sont déjà morts. Nous ne sommes plus qu'une dizaine.
Il neige...
Attrapant un flocon du bout du doigt, je l'écrase dans ma main... de la neige noire.
Je bondis soudain à couvert, derrière un rocher. Alors une immense boule de feu verte percute un des éclaireurs et le déchire. La fumée se dispersant, j'aperçois probablement un de ses amis qui larmoie en ma direction. D'un hochement de tête , j'essaye tant bien que mal de lui faire retrouver raison... trop tard, déjà son coutelas lui traverse le ventre. Cruellement, je pense en moi-même Il ne pouvait pas attendre quelques minutes pour mourir...
En deux minutes, nous arrivons à nous défaire de l'infernal qui tombe en morceaux... au prix de trois des nôtres. Le combat est loin d'être fini, je dégaine mon épée longue et mon coutelas. Il ne reste plus qu'une quinzaine de ces bandits.
Je crie, chargeant. Mon cri de guerre en Thalassien étonne autant les miens que nos ennemis. Pourtant, mes... les hommes me suivent et commence un combat sans merci. J'engage une lutte acharnée contre une femme se battant à l'aide de deux dagues... je peux apercevoir sous son masque un visage fin. Dire que quelques semaines plus tôt, peut-être lui aurais-je fait du charme en lui offrant un porto. Peut-être... Sa féminité me troublant, je reçois un violent coup au poitrail.
Ma tête heurte le sol.
Il fait noir...