Alriendul

Le bruit des feuilles mouvant en tourbillons se faisait entendre alors que le vent agitait au caprice de son souffle branches et feuillages. La Lune en spectatrice éclairait de sa lumière bienfaisante la vision d'un cavalier descendant d'un hyppogriffe.

"Peut être qu'à Teldrassil tu trouveras une solution à ton problème."
Le cavalier porta sa main vers sa tête, comme prit de douloureux souvenirs. Il s'était rendu à Teldrassil et y avait mené une longue convalescence, puis avait fini par reprendre les armes. Mais aucun résultat ne s'était fait ressentir, et il rentrait aujourd'hui à Reflet-de-Lune où il sentait que sa place était dès lors. La seule possibilité qu'il lui restait aujourd'hui était d'entamer sa retraite et de mener une vie paisible ici, le Kaldorei abandonna donc sa lourde armure pour un hanbok traditionnel qu'il enfila rapidement mais non sans amertume.


Deux Kaldorei, l'un habillé de tête en cape en cuir et le second portant un long hanbok, menaient une paisible conversation assis sur la terrasse de l'une des auberges de l'ancienne capitale Kaldorei Havrenuit. De nombreux plats recouvraient la table: brochettes kaldorei, gâteaux de riz, shinsollo, quelques poires célestes et bien d'autres encore
-Tu t'es donc finalement décidé à revenir ici?
-Oui. Je n'ai trouvé aucune solution, je me suis donc résolu à arrêter de courir et à déposer les armes, lui répondit le plus jeune en buvant une gorgée d'un nectar limpide et clair comme de l'eau de roche.
-Puff. Ne soit pas ridicule, tu as gardé tes bottes et ta ceinture en plates! rétorqua le plus vieux d'un ton railleurs.
-Il faut bien que je marche! Je ne vais pas vagabonder pieds nus!
Le ton était courroucé et l'elfe plus agé reprit son sérieux.

Quelque part dans l'un des nombreuses maisons de Havrenuit, au moment de plier son tabard l'elfe ressentit un malaise, une sorte de pincement au coeur, et réajusta nerveusement sur ses yeux le bandeau qu'il pourtait autour de la tête. Maintenant plus à l'aise, Alriendul reprit sa route au milieu des bâtiments de Havrenuit dans una ballade nocturne.

-Puis-je voir tes yeux?
L'elfe de la nuit acquiesca, passa ses deux mains derrière sa tête et détacha le bandeau qui voilait ses yeux.
-Que vois-tu?
Le vieil elfe le fixa d'un air grave:
-Tes yeux qui autrefois portaient tant d'espoir semblent désormais être ceux de quelqu'un qui a vécu bien trop longtemps.
-Je ne confonds plus espoirs et illusions, Nadoreth.
-Comment peux-tu être sur d'avoir épuisé toutes les solutions, d'avoir fait le tour du monde entier, d'avoir tout exploré?
Le doute pouvait facilement se lire sur le visage du Kaldorei.
-Tu m'as toi même recommandé de me rendre à Teldrassil lorsque les druides batirent ce nouvel arbre monde, j'y ai mené une longue et inutile convalescence. Puis suivant tes énigmatiques conseils, j'ai repris les armes même atteint de cécité, avec succès je dois l'admettre puisque j'ai developpé une sorte de seconde vue. Enfin j'ai finalement quitté Dolanaar pour voyager à la recherche d'une solution que je n'ai pas trouvé et qui n'existe pas.
-Qu'as tu vu là bas à Darnassus? Que s'est il passé?
Les traits du visage d'Alriendul devinrent soudainement grâves:
-Frère nous sommes les auteurs d'une terrible erreur, la corruption atteint Teldrassil que la nature n'a pas accepté. Si tu le savais si bien, pourquoi m'as tu envoyé là bas?
-Pour que tu le constates par toi même.
Il y eut un court silence et Alriendul reprit son repas d'un air absorbé, Nadoreth prit le temps de manger un peu et de réfléchir aux réfléxions d'Alriendul, un certain nombre de choses lui semblaient évidentes:
-Tu n'as pas encore enterré tes fantômes jeune Kaldorei.
-[...], Nadoreth ne reçut pour seule réponse qu'un long silence.
-Un si long deuil ne te les ramènera pas. A trop te tourner vers le passé tu en aboutiras à ne plus regarder qu'en arrière.

Le jeune Kaldorei se redressa silencieusement puis leva sa tête vers le ciel. Si celui-ci ne portait pas un bandeau sur ses yeux, on eut pu croire qu'il contemplait les étoiles.

 

Une barque glissait lentement parmis le reflet des étoiles, créant un sillage qui troublait les eaux du lac Mystral. Alriendul allongé la tête appuyée contre la proue de son embarcation tirait quelques notes du pipeau qu'on lui avait donné récement. S'il ne portait pas son bandeau sur ses yeux on eut put croire que celui-ci contemplait les étoiles, la tête levée vers le ciel profitant de la percée qu'offrait le lac au milieu du dense feuillage de la forêt d'Ashenvale. Le kaldorei visiblement préoccupé repensait à sa dernière conversation qui avait insinué un trouble dans ses intentions.

Tu n'as pas encore enterré tes fantômes jeune Kaldorei.

L'elfe de la nuit reposa son pipeau d'un air excedé. Ne trouvant aucune solution à sa cécitée, ne ravivant que de douloureux souvenirs de sa carrière passée, il s'était décidé à déposer les armes et prendre retraite. Cette solution lui paraissait juste mais Nadoreth avait réussit à créer un doute en lui.

Tombant de la voûte des arbres, doucement portée par le vent, une feuille glissa sur le visage d'Alriendul.

De douloureux souvenirs firent subitement surface à nouveau, quelques visions d'un soleil à son levant rougeoyant, une odeur de bois et de chair brûlé, des cris de rage et de douleurs, du sang... toute l'horreur que la vie d'Alriendul avait porté dans une vision d'un bref instant.

A trop te tourner vers le passé tu en aboutiras à ne plus regarder qu'en arrière.

La vision avait été très courte mais le kaldorei était crispé et sa main avait agrippé un des rebords de la barque sans qu'il ne s'en soit rendu compte.
Ainsi voilà quel était son destin? Après tout que savait-il faire d'autre? Qu'avait il jamais fait d'autre? Il lui fallait réfléchir.

Alriendul était revenu à lui, isolé sur cette barque au milieu de l'eau, seul. Quelques visages familiers lui apparurent, et un profond sentiment de solitude s'empara alors de lui. Oui il lui fallait réfléchir encore.

Seul.