1er Août 2018 3ème jour de la Décade du Lapin ( Lune de l'Esprit ) -
Les Terres de Kirin Tor

Makhata

Points : 1
Joué par : Sun Jae Joué par : [ Information masquée ]
Sexe : Femme
Race : Tauren
Faction : Horde
Formation : Guerrier
Artisanat 1 : Mineur
Artisanat 2 : Forgeron



 
Ère du Renouveau [3]
Lune de la Force [2]
Décade du Panda [1]
la fin de l'enfance
Une vieille rumeur dit que la montée d'une Lune rouge comme le sang est un présage de mauvaise augure, de mort et de désolation, que naître par une nuit de "Lune de Sang" est une malédiction pour l'enfant et la Tribu. Et pourtant....

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L'aube se lève, doucement, lentement.... Le bleu nuit que j'aime tant s'efface imperceptiblement, laissant place à cette lumière matinale si particulière des montagnes, mêlant rouge, rose, orange, violet et bleu... Des cîmes s'élèvent quelques petites trombes de neige, mini-cyclone de flocons emporté par le vent. Le glacier, à plusieurs mètres de dénivelé sous moi, laisse entendre des craquements sourds comme des coups de tonnerre, emplissant l'air de sa force, et de ce qu'on pourrait presque appeler sa sagesse. Je regarde, je m'abreuve de la vue de ce que la Terre offre à mon regard, mêlant la buée sortant de ma bouche au brouillard matinal. Je savoure le moment, ouvrant tous mes sens pour que cet instant reste à tout jamais gravé en moi, et comme toujours, exprime le secret désir de pouvoir disparaître, me dissoudre dans ce paysage unique, faire partie d'un tout, sans enveloppe physique, sans contrainte...

"Chinca... il faut se préparer maintenant..."

Une main, épaisse, chaude et forte, s'abat sur mon épaule. Une main qui a vécu, ridée, calleuse, abîmée... Une main que j'aime et que je respecte: celle de mon grand-père, le shaman de la Tribu. M'arrachant à la contemplation du glacier, je lève la tête vers lui: ses yeux sont profonds et sombres, sa peau burinée ressemble à un vieux parchemin, ses lèvres sont sèches. Tout son visage n'exprime que sagesse et force. Il porte les ornements traditionnels sur ses puissantes cornes, des anneaux d'argents et de bronze ciselé et ses 3 plumes d'Aigles Royaux. Mon c?ur se serre en apercevant sa corne gauche: elle se fissure, se dessèche. Le Temps de mon grand-père va bientôt s'achever me dis-je avec tristesse...

Je me relève, ne m'étant même pas rendue compte qu'une fine couche de givre s'était déposée sur mes vêtements.

A quelques pas de mon "poste d'observation", un petit feu de camp crépite joyeusement, sur lequel grand-père a posé un récipient en cuivre contenant un petit monticule de neige, fondant rapidement.

"Tiens - me dit-il - j'ai mis la neige à fondre pour ta boisson favorite"

"pilamaya ye wichasha wakhan" lui dis-je en souriant

Sortant 2 gobelets en bois, je m'empresse alors d'y verser l'eau bouillante avant d'y ajouter le mélange d'herbe de ma mère. Ayant toujours avec moi mes quelques ingrédients préférés, j'extirpe de mon cabas des fruits jaunâtres et amers dont je récolte le jus ainsi qu'un petit pot renfermant un nectar doux et sucré produit par les insectes de nos bois afin d'aromatiser notre décoction d'herbes.

Savourant notre boisson sucrée et parfumée, nous restons assis un moment, le feu réchauffant nos membres engourdis, écoutant le silence du lieu, regardant au loin.

"Je sais ce que tu désires, chinca - me dit-il doucement sans tourner la tête - tu voudrais te noyer dans le vent, chanter avec lui et courir sur les sommets... Mais ton Temps n'est pas encore venu. Tu as beaucoup à accomplir avant de devenir un chinook. Tu dois d'abord avoir un nom..."

"Wichasha wakhan, par où dois-je commencer? Je ne sais..."

"Hanblecheyapi..." dit-il en souriant

"La Quête de la Vision? Suis-je prête, grand-père?"

"C'est à toi de le savoir, chinca... Ce sera le premier pas d'une longue marche. Tu ne peux rester avec ton nom d'enfant. Tu le sais..."

"Oui, Wichasha Wakhan, oui....."

Mon nom d'enfant - pensais-je. Porteur de malheur, de désespoir. Etait-ce dû à mon jeune âge? Avais-je eu de la chance? La Tribu et moi-même avions pourtant éviter tous les travers jusqu'à aujourd'hui. Peut-être était-il temps, effectivement. Peut-être devais-je contrer le sort avant qu'il ne s'abatte sur nous, et mériter enfin mon nom d'adulte.

"Chinca.... quand tu seras prête, viens à moi...."

Il me sourit. Longtemps nous restâmes là, à boire notre eau aux herbes, à regarder les montagnes et à écouter le vent.

Je savourais alors les derniers moments de mon enfance. Les derniers moments durant lesquels je serai connue sous le nom de Lune de Sang...



"chinca = enfant" en langage lakota
"pilamaya ye wichasha wakhan = merci, saint homme" en langage lakota
3 chinook = vent chaud des Montagnes Rocheuses
 
Décade du Gorille
Décade de l'Ours [1]
Hanblecheyapi - la Quête de la Vision
Un jour après le rituel de Heya Hee, les pluies avaient cessées, nous permettant de préparer notre départ pour le camp d'hiver. L'atmosphère au sein de la Tribu était redevenue joyeuse, l'effervescence régnant alors que la date du départ se rapprochait. Chaque famille préparait son paquetage, salant les dernières viandes, emballant le pemmican, tannant les peaux de la chasse de la vieille. Le camp résonnait des rires joyeux des enfants, des chants de nos shamans et du son des tambours le soir venu.

Vint enfin le jour du départ. Nous prîmes la route par une magnifique matinée froide et ensoleillée. Les shamans bénirent le sol de notre camp d'été et nous nous mîmes en route. Le sol, bien que très boueux suite aux violentes averses s'étant abattues sur nous quelques jours auparavant, nous ralentissait bien quelque peu, mais la bonne humeur régnant dans le c?ur de chacun d'entre nous, c'est le sourire aux lèvres que nous pataugions dans la mélasse.

Nous arrivâmes à notre camp d'hiver 10 jours plus tard, après un trajet sans accros ni pluies: lové au c?ur d'une profonde vallée, bordée de majestueuses montagne, il nous protègerait des vents violents de la saison froide. La proximité d'une petite forêt nous permettait de récolter suffisamment de tubercules et de bois de chauffage.

Nous dressâmes notre camp dans la bonne humeur, et les éclaireurs et chasseurs partirent de suite inspecter les lieux, ramenant quelque menu gibier et herbes aromatiques ayant survécu au premier gel.

La vie de la Tribu prendrait bientôt son rythme hivernal: plus lent, plus pausé mais aussi nous rapprochant plus les uns des autres au fur et à mesure que la lumière du jour baisserait?


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Le temps était venu. Je ne pouvais plus attendre.

Hanblecheyapi - la quête de la vision - la cérémonie qui me permettrait de trouver mon animal-médecine, mon totem, et aussi, mon nom d'adulte.

Il était temps.

Nous étions au coeur de l'hiver, bien installer au creux de cette vallée qui pour nous faisait office de camp durant la saison froide, lorsque je me décidais enfin à aller trouver mon grand-père. Les chasseurs étaient rentré de leur traque, et des tipi s'élevait une délicate odeur de pemmican et de potage aux champignons. Les enfants rentraient afin de prendre leur repas, et le crépuscule embrasait le ciel, annonçant une nuit étoilée mais rude et froide. L'hiver n'était pas la meilleure saison pour effectuer une quête de vision, mais je ne pouvais plus attendre, je le sentais.

Je n'eu pas à expliquer quoi que ce soit à grand-père, un regard suffit. Il me sourit, plissant ses yeux plein de sagesse et de malice. Il me saisit les épaules et me dit:

"Demain, à l'aube Chinca... Tu devras être forte..."

******************

Je ne dormis pas beaucoup cette nuit-là, et m'éveillais bien avant l'aube. Je me levais et préparais la pipe que je devrais offrir à grand-père afin que le rituel puisse commencer. Je revêtis ensuite une simple robe de peau sans ornements aucun.

Lorsque le ciel à l'est laissa enfin filtré les premières lueurs du soleil, je me dirigeais d'un pas lent vers le centre du camp, là où se tient le Grand Conseil. Grand-père m'y attendait, l'air grave et cependant bienveillant, ayant revêtu sa tenue de shaman, signifiant par ce geste qu'il me recevait et m'écouterait en tant que tel, et non pas en tant que membre de sa famille. Etait aussi présent tous les Anciens, et mon père. Je me tint debout, au centre, et, face à mon grand-père, répétais alors ce qu'il m'avait apprit des année auparavant....

"Wichasha wakhan, j'offre ce calumet au Grand Esprit et souhaite accomplir Hanblecheyapi, le rituel des lamentations. Je requiers ton aide et tes conseils, et souhaite que tu intercèdes en ma faveur auprès des divinités"

Grand-père saisit alors la pipe et, l'offrant aux cieux, dit:

"A toutes les divinités du monde, des cieux et des étoiles, à toute chose qui se meut dans l'Univers, les rivières, les eaux, à tous les arbres et les herbes de notre Grand-Mère la Terre, à tous les êtres sacrés de l'Univers. Ecoutez! Un lien sacré vous est demandé par cette jeune Tauren! Toi, Gardien de notre calumet sacré, aides-nous! Aides-nous à offrir cette pipe au Grand Esprit, qu'Il bénisse cette jeune Tauren!".

Grand-père offrit alors le calumet aux six directions (NDL: 4 points cardinaux, le centre et la Terre) avant de l'allumer et de me le tendre, afin que je puisse faire de même, adressant également une prière aux divinités et au Grand Esprit, avant de le faire passer parmi le cercle des Anciens.

Le reste de ma journée fut consacré à la construction d'une hutte de purification, réunissant par là même les divers ustensiles nécessaire au rituel: du tabac et du wachaga (NDL: herbe sacré), une pochette à tabac de cérémonie et un petit sac contenant de la terre sacrée, un couteau et une hachette de pierre et deux fagots de branches de saule, l'un grand et l'autre petit. Je préparais de même un sac-médecine contant entre autre des éclats de roche, de la sauge et du tabac.

Une fois construite, grand-père entra en premier dans la hutte et s'assit à l'est. J'entrai à mon tour à m'assis au nord, tandis qu'au sud s'assit un jeune aspirant shaman. Afin de nous purifier, nous ainsi que la terre contenue dans le sac, grand-père brûla le wachaga et une fumée douceâtre nous enveloppa bientôt tous les 3. Il répandit ensuite la terre sacrée et purifiée sur le sol, tout autour du trou creusé à même le sol et contenant les pierres chauffées à blanc. Il fit alors quatre marques autour du trou, correspondant aux quatre points cardinaux, et relia l'est à l'ouest et le nord au sud par des lignes droites, symbolisant par-là les quatre grands pouvoirs de l'Univers, et l'emplacement central du Grand Esprit.

Grand-père purifia ensuite la pipe et les instruments sacrés avant de préparer le tabac à offrir aux quatre points cardinaux. Il adressa alors une prière au Grand-Esprit, à l'Aigle sacré, et à la Terre, demandant leur aide et leur pitié. Invoquées de la sorte, toutes les divinités avaient leur place dans la calumet. Grand-père offrir alors un peu de tabac à nos animaux totems, afin que chacun d'eux puisse aussi se trouver dans la pipe, avant de la sceller avec du suif.

Nous entamâmes alors le rituel d?Inipi (NDL: rituel de la hutte de sudation), ponctué de prières dans cette atmosphère lourde, moite et étouffante.

Le rituel terminé, nous partîmes vers les montagnes, laissant au jeune aspirant shaman un peu d'avance afin qu'il puisse préparer le lieu.

Nous grimpâmes au sommet d'une des basses montagnes environnant la vallée. Sur un petit promontoire, à proximité d'un arbre ancestral dont la vue donnait sur la vallée voisine, le jeune aspirant shaman avait planté sur une surface rectangulaire d'environ 1,80m sur 2,40m quatre piquets en bois ornés chacun d'une bande de tissu coloré représentant les quatre points cardinaux. Au centre se trouvait un pilier plus épais, plus grand, au pied duquel était une couche de feuilles de sauge: c'est là que je passerai 3 à 4 jours en solitaire afin d'obtenir ma vision.

Grand-père posa alors sa main sur mon épaule et m'adressa un salut de la tête emprunt de respect et de bonté avant de partir, sans un mot.

Je marchais alors vers le lieu de recueillement, pleurant et priant comme le veut la coutume, offrant ainsi mes larmes au Grand-Esprit, et portant la pipe devant moi.

" Wakan Tanka, unshimala ye oyate wani wachin cha!" (Grand Esprit, aie pitié de moi et que mon peuple puisse vivre!)

Me dirigeant lentement vers l'est, l'ouest, le nord et le sud, j'offris alors le calumet et mes prières aux quatre points cardinaux et à la Terre, retournant toujours vers le point central les reliant, signifiant par ce geste que où que je sois, je retournerai toujours vers le Grand Esprit. A la fin de la première journée, une grande fatigue s'abattit sur moi. Je me couchais alors sur le lit de feuille, la tête vers le centre, vers le Grand Esprit. J?entamais alors pour de bon la période consacrée à la prière et au jeûne.


PS: le rituel de Hanblecheyapi de ma tauren a été écrit grâce aux données récoltées sur le net et aux descriptifs des rites Lakota.


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Quelques heures après m?être assoupie, je sentis le doux effleurement des flocons de neige sur mon visage. Le pelage d?hiver des Tauren étant épais et bien isolant, j?étais déjà recouverte d?une fine couche de givre lorsque j?émergeais du demi-sommeil dans lequel j?avais sombrée. Je ne remarquais tout d?abord rien de spécial, si ce n?est que les lieux avaient l?air bien calmes et sombres. Mais soudain, je m?aperçu que je voyais chaque flocon distinctement, chacune des branches de glace de ces étoiles de neige minuscules m?apparaissant aussi nettement que si ma vision avait été décuplée. La neige semblait de plus tomber au ralenti, presque à l?arrêt, comme si le temps avait gelé lui-aussi.

J?entendis au loin un bruit de tonnerre assourdissant, annonçant un orage d?une rare violence, mais aucun autre son ne me parvenait. Un orage et de la neige, voilà qui me semblait bien étrange.. J?aimais les orages, ils étaient de bonne augure pour mon peuple, nous rappelant aussi à quel point nous étions petits et insignifiants face aux pouvoirs du Grand Esprit. La lumière bleuté des éclairs illumina un instant le lieu où je me trouvais, et c?est alors que je la vis. Une forme, devant moi, immobile, aux yeux d?or et d?émeraude, au milieu de cette étrange et immobile tempête de flocons, dans l?air électrique d?un orage s?avançant vers moi ?

Je m?éveillais en sursaut, glacée, recouverte de sueur et de givre. Je me levais, faisant crisser la neige tassée sous mes sabots. Mon tapis de feuilles avait été emporté par le vent ou avait gelé sur place. Je tenais le calumet sacré serré contre mon c?ur, récitant une prière, demandant la protection du Grand Esprit. C?est alors que je me souvins de ce que j?avais vu durant la nuit?.

J?inspectais les lieux mais ne vis aucune trace de pas. J?étais pourtant sûre?

Je commençais la journée par une prière récitée à voix haute, lentement, comme le veut la tradition. Puis je m?assis au centre des quatre points cardinaux et priais silencieusement, méditant sur ma vie, sur mon peuple. Le froid mordant commençait à percer la barrière de mon pelage d?hiver, et mes cornes étaient depuis longtemps recouvertes d?une épaisse couche de glace. Un vent glacé fouettait le promontoire, et je claquais des dents sans pouvoir m?en empêcher.

Après ce qu?il me semblait une éternité, je me sentis soudain sombrer à nouveau dans un demi-sommeil.

Et cela se reproduisit.

Le vent tomba, et je ne vis plus rien. Il n?y avait que moi, la roche et l?arbre qui étendait ses puissantes branches. J?étais comme perdue sur un îlot de roche dans l?Univers. A nouveau, la forme était face à moi, mais je ne voyais que ses yeux. Je tournais la tête et aperçu d?autres formes autour de moi. Mais aucune ne bougeait?

Je m?éveillais, recouverte d?un manteau de neige, et me levais précipitamment pour faire le tour du promontoire, tout en sachant très bien que je ne trouverais rien.

Et pourtant?

Là, au centre des quatre points cardinaux, en plein c?ur de l?hiver, se trouvait un papillon aux ailes éclatantes de couleurs vives. Je m?approchais et tendis la main droite, le saisissant délicatement. Il battit légèrement des ailes, laissant tomber dans ma paume une fine poudre dorée, avant de s?envoler vers le sud.

Perturbée, ne comprenant pas, je me remit à prier lentement et à haute voix. Le papillon était-il mon animal-médecine ?

Je perdais tout sens du temps qui s?écoule. La faim me tenaillait le ventre, le froid avait gelé mon pelage en plaque par endroit. J?alternais prières, lamentations sur mon triste sort et période de demi-sommeil troublé du même rêve, mais qui n?évoluait pas. Sans compter l?apparition de cet étrange papillon. La poudre dorée provenant de ses ailes était restée dans ma paume et émettait une chaleur étrange.

La nuit vint sans autre incident ou apparition fantomatique de la forme que j?avais vue précédemment. Je tentais de dormir à nouveau, sans grand succès. Au mieux je m?assoupissais quelques instants pour m?éveiller en sursaut, apeurée pour je ne sais quelle raison illogique. Je commençais à avoir de la fièvre et à grelotter sérieusement. Je me roulais en boule et m?endormi après plusieurs heures, lorsque je senti une douce chaleur contre tout mon corps, comme une couverture chaude. J?ouvris les yeux et me relevais doucement pour me retrouver entourée de loups argentés, somnolant contre moi, me réchauffant, leur présence apaisante chassant toutes mes peurs. Des loups me dis-je !! J?aperçu alors, à quelques pas de là, la forme aux yeux d?or et d?émeraude, mais le sommeil me terrassa à nouveau et, sans même pouvoir lutter, je me recouchais parmi les loups, me blottissant contre eux, le sourire aux lèvres?

Le lendemain matin, mon réveil fut salué par une pluie de grêlons et un vent violent. Je m?abritais tant bien que mal sous le vieil arbre, attendant une accalmie qui ne vint que bien plus tard? Il me restait environ un jour de méditation me semblait-il?. Un jour et une nuit durant lesquels tout allait se jouer.

A nouveau, je priais, silencieusement, à haute voix, dormais, m?éveillais, priais, pleurais, implorais? Je m?assis au bord du promontoire, la pipe toujours contre moi, et chantonnais une prière d?enfant, pleurant, me sentant misérable et seule.

Je regardais le jour prendre fin, doucement, lentement, lorsque soudain, une forme passa au-dessus de ma tête dans un bruissement d?aile. Je me levais précipitamment, les yeux vers le ciel, pour soudain apercevoir un hibou majestueux posé sur la plus fine branche de l?arbre. Le hibou !! Le totem de mon grand-père. Je ris, je pleurais, et m?approchais du majestueux oiseau de proie. Je n?en avais jamais vu de tel : d?un blanc immaculé, tacheté de brun, aux yeux d?or (NDL: un harfang, chouette des neige arctique). Un oiseau des glaces me dis-je. Je savais que le hibou représentait le shaman par excellence. Je savais aussi que, par cette apparition, mon grand-père me disait de tenir bon. Une chaleur incroyable se dégagea soudain de la paume de main, celle ayant recueillit la poudre du papillon, et je me sentis comme réchauffée.

« pilamaya ye wichasha wakhan? dis-je au hibou, reconnaissante.

Et il partit comme il était arrivé, dans un bruissement d?ailes puissantes.

La nuit vint, mais le sommeil me fuyait. Je récitait donc prière sur prière, alternant avec des phases de méditation, redoublant d?intensité, espérant un songe révélateur.

L?aube vint. Lentement. Assise au centre des quatre points cardinaux, le dos contre le pilier central représentant le Grand Esprit, je vis l?astre solaire se lever et réchauffer les flancs des montagnes, les aspergeant de flaques de lumière rosâtres et dorées. Le climat en ce jour-là était doux, presque chaud? Mais la neige en fondant avait rendu le promontoire boueux à certains endroit. Je regardais ma main qui avait toujours la trace de la poudre du papillon, lorsque je me rendis soudain compte que le temps s?était accéléré : une succession de nuits et de jours défila à une vitesse étourdissante, les saisons changeaient et je comptais jusqu?à 50 années écoulées? Nous étions en plein été lorsque le temps reprit ses droits. Je sentais la caresse du vent chaud, l?odeur des fruits, le bruissement du feuillage des arbres, la douceur de l?herbe sous moi.

« Cela ne se peut » me dis-je

Et à nouveau, face à moi, mais toujours aussi sombre et imperceptible, la forme aux yeux d?or et d?émeraude.

Alors que je me levais pour aller vers elle, j?entendis un bruit de pas derrière moi, très net. Je me retournais et me trouvais face à face avec un étalon couleur de bronze. Je restais figée sur place, ne sachant que faire. La forme mystérieuse d?un côté, cet étalon magnifique d?un autre? devais-je faire un choix ? Etait-ce là mon animal-médecine ?

Puis le temps reprit sa course effrénée, je vis les feuilles virer au jaune automnale, la pluie tomber drue, la neige revenir, et toujours, l?étalon de bronze et la forme noire aux yeux d?or. Je fermais les yeux, prise de vertiges, de peur et de tremblements. Je haletais, j?étouffais. J?avais l?impression d?être ballottée de gauche à droite, tiraillée.

Lorsque enfin je rouvris les yeux, la forme aux yeux d?or et d?émeraude était là. Bien visible. Réelle. C?était un puma, assis, les yeux rivé sur moi. Je ne ressenti aucune peur, mais un grand apaisement, une paix intérieur irradiant dans chaque partie de mon corps. Le puma se releva prestement, et j?aperçu ses muscles souples onduler sous son pelage cuivré. Il s?approcha de moi et se rassit, me fixant intensément, comme une invitation muette à me perdre dans son regard. Je ne sais combien de temps nous restâmes ainsi, une éternité peut-être, un bref instant de vie sans doute. Ce n?est que dans mes songes que ce qu?il me dit me revient en mémoire?

Au bout du 3ème jour, le jeune aspirant shaman vint me rechercher. Il me trouve assise au centre du rectangle, fixant l?horizon, des larmes ne cessant de couler sur mes joues. Inquiet, il amena mon grand-père à ses côtés, qui le rassura et lui dit d?attendre quelques instants, que je reviendrai dans le monde réel sous peu.

Alors qu?un 4ème jour de jeûne était entamé, le soleil étant à son zénith, j?émergeais du songe du puma, et saluait le jeune apprenti assis contre l?arbre d?un geste de la main. Je me rendis compte alors que ma peau était crevassée à plusieurs endroits, que des engelures couvraient mes doigts, que mon pelage était fort endommagé, à l?exception de la paume de ma main droite, celle qui avait encore quelque grain de cette poussière d?or du papillon?

J?aidais le jeune apprenti à retirer les piliers, lorsque, se tournant vers l?arbre, il me dit :

« Regardes, une tortue !! Est-ce ton animal médecine ? »

Je m?approchais. Effectivement, blottie dans un creux de l?arbre, se trouvais ce qui semblait être une très vieille tortue. Je caressais sa carapace, et, émergeant lentement, elle sorti sa tête ridée et sans âge, me fixant d?un regard millénaire pendant un court instant avant de retourner à son sommeil hivernal. Comment avais-je pu ne pas la voir ? Je me rappelais soudain un morceau de vieille comptine pour enfant et ris, chantonnant : « regardes la tortue comme elle est ronde, sur son dos repose le monde? »

De retour au camp, une hutte d?Inipi était prête ; j'y entrais avec le jeune tauren, mon grand-père étant déjà à l'intérieur, de même que les Anciens et mon père. Grand-père m?indiqua la place à prendre et dit :

"Tu as adressé une prière au Grand Esprit avec ton calumet. Il est maintenant hautement sacré, l'Univers entier l'ayant vu. Alors dis nous la vérité, et ne tentes pas de nous tromper. Tu vas bientôt le porter à tes lèvres, alors seule la vérité peut être contée! Le calumet est wakan et connaît tout, tu ne peux le tromper. Hechetu welo!"

Grand-père ôta le scellé de la pipe et l'alluma.

Je commençais alors mon récit, ponctué des « hi ye » des Anciens, soulignant les points forts de mes paroles...

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"Hi ye!" Dirent une dernière fois les Anciens. L?on ferma porte de la hutte et le rituel d?Inipi commença, avec son cortège de prières.

"O Grand Esprit, tu as établis un lien avec cette jeune tauren, et à travers elle, ce lien donnera de la force à notre peuple. Nous te remercions, O Grand Esprit, que ce lien dure éternellement! »

Grand-père se tourna alors vers moi, un sourire aux lèvres.

« Chinca, ce que tu as vu en songes était bien réel. Ce que te raconte le Grand Esprit est riche et complexe.

Ta première vision, le papillon, représente de grands changements et une grande liberté.

Ta seconde vision, les loups, représente la mort et la re-naissance, la fin et le début d?un cycle que tu affronteras avec courage et dignité. Le loup sera ton guide dans tes méditions et tes songes, et représente les valeurs familiales, la protection des êtres aimés.

Ta troisième vision, le hibou, mon animal-médecine, représente la vision intérieure, la connaissance des omens et des secrets, le lien entre l?obscurité et la lumière, et à nouveau, la liberté. Je te l?avoue, ce jour-là, mes pensées allaient vers toi, et ont dès lors pu prendre cette forme, Chinca.

Ta quatrième vision, celle de l?étalon, qui était opposée au puma, représente le pouvoir, l?endurance, une grande soif de liberté, la coopération, le voyage. Cela signifie que ces deux totems t?estimaient digne d?eux. Le puma te gagna.

Enfin, ton animal-médecine, Igmu Thanka, le puma, représente la force - surtout féminine - l?énergie de groupe, les vertus de la patience et du silence. Il te faudra te pencher sur toi-même, évaluer tes forces et tes faiblesses, avant d?agir au moment adéquat. Le puma est calme et puissant à la fois, n?hésitant pas à user de sa force afin d?obtenir ce qu?il désire s?il le faut.

Cependant, l?apparition de cette tortue millénaire me laisse songeur? Elle représente la Terre, la protection, la force des éléments de terre et d?eau, et la magie des cieux. L?énergie de la tortue t?aidera à équilibrer ta vie spirituelle et terrestre.

Tout cela est bien complexe, Chinca? L?association du papillon et de l?étalon signifie que tu nous quittera bientôt. Tu parcouras le monde afin d?assouvir ta soif de liberté, tu feras des rencontres, des gens que tu aimeras et protègera, comme te le signifiaient les loups. Ton animal-médecine fera de toi une grande guerrière puissante et posée, calme et forte. Quant à cette tortue, Chinca, je crois que je sais maintenant. Tu aimes notre Terre plus que tout, tu respectes nos traditions, elle représentait donc cet amour.
»

Grand-père me saisit alors par les épaules et, le regard brillant de joie, dit :

« Lune de Sang n?est plus? Le Grand Esprit t?as dévoilé bien des choses, tu devras partir bientôt, mais jamais tu n?oublieras ton peuple, et le respect que nous devons à Makha, notre Grand-mère la Terre ? Tu porteras désormais le nom de Makata Taka Hela, Celle qui Respecte la Terre. Portes ce nom avec fierté, guerrière tauren ! Que ton animal-médecine, Igmu Thanka, le puma, te protège et te guide ! »

PS: la signification et représentation des animaux sacrés est celle des Lakota.
 
Lune d'Agilité [1]
Décade du Tigre
Décade du Singe
Décade du Faucon [1]
Le Grand Conseil

La saison du renouveau était arrivée bien tôt cette année, l?air semblait plus frais, plus neuf, charriant les senteurs des bourgeons gorgés de sève. Une saison s?était déjà écoulée depuis mon rituel d?hanbleycheyapi. L?hiver avait été clément et nous n?avions pas eu à souffrir de pénurie de nourriture. Pourtant, le printemps s?annonçait sombre : le Grand Conseil de la tribu s?était réuni pour la 5ème fois en moins de 7 jours. Si le Conseil se réunissait presque chaque soir, cela signifiait qu?un événement grave s?était produit, ou allait se produire. Un changement qui nous affecterait sans doute tous.

Père assistait à chaque réunion, et revenait tard dans la nuit, les yeux emplis de fureur, les poings serrés. Il ne nous dit cependant rien, nous laissant baigner dans cette lourde atmosphère de silence écrasant et ne répondant à aucune de nos questions, ne daignant pas même nous rassurer comme il le faisait habituellement. Il discutait fréquemment avec grand-père, le chaman de notre tribu, mais les sages paroles de celui-ci ne semblaient pas l?apaiser, bien au contraire.

Cela dura pendant longtemps. Les sages et les plus grands guerriers ne semblaient pas parvenir à un accord, et les conflits s?envenimèrent.

Jusqu?au jour où je fut appelée à participer au Grand Conseil.

J?étais à la chasse avec ma s?ur ce jour là, nous avions repéré un troupeau de placides kodo non loin de notre camp d?hiver et les observions avec curiosité, tapies dans un bosquet, lorsque l?ombre massive de Père nous recouvrit. Son regard était grave.

Le soir même, Grand-Père et Père m?amenèrent au centre du cercle du Conseil. Les guerriers et les Anciens ne dirent mot mais leurs regards étaient empreints d?une certaine crainte, de colère et de tristesse tout à la fois.

Qu?avais-je donc fais pour être au centre de ce conflit ?

Ce fut Grand-Père qui rompit le silence oppressant qui régnait alors je gardais la tête baissée, attendant un jugement pour une erreur que j?avais sûrement dû commise et dont toute la tribu pâtirait.

"Makhata Taka Hela" dit-il "Tu es devenue adulte, ton nom en atteste. Tu as encore beaucoup de choses à apprendre, la voie du guerrier qu?Igmu Thanka, le puma, ton animal-médecine, t?as montré, est longue et parsemée d?embûches. Mais tu as sa force, sa patience et sa détermination. C?est pourquoi nous t?avons choisie, Makhata. Le Conseil n?aurait pu trouver meilleur émissaire que toi."

Incrédule, je relevais la tête. Grand-Père souriait, mais mon père semblait sur le point de tirer sa hache de guerre.

Les membres les plus éminents du Conseil me racontèrent alors ce qui suscitait une telle inquiétude, et ce qu?ils attendaient de moi.

Leur histoire tenait de l?impossible. Chaque enfant tauren connaissait le légende de Mahkeen, ce chaman-guerrier que la soif de sang conduisit à la démence. Et ce mythe devint soudain réalité. Les tribus alliées de la mienne s?étaient réunies afin de prendre les mesures nécessaires à la réapparition soudaine de Mahkeen, qui semblait avoir recouvré la raison, avec l?aide on ne peut plus inquiétante d?un Réprouvé. La décision unanime avait donc été la suivante : envoyer un membre de chaque tribu auprès de ce chef tristement légendaire, afin de garder un tant soit peu le contrôle sur ses actions?

Il m?incombait donc de rejoindre le Clan Mahkeen, et de servir en quelque sorte de lien entre ce chaman ayant perdu la raison et le Conseil. Tache que mon père n?approuvait guère, me trouvant trop inexpérimentée.

Le Grand Conseil ne savait que peu de choses pour le moment, qui était ce réprouvé à la droite de Mahkeen ? Quel était le but réel de cet ancien chaman Tauren ? Il me conseillèrent de l?approcher avec tact, me présentant comme une fidèle à sa cause, quelle qu?elle soit. Il me conseillèrent aussi la prudence s?il m?arrivait de me retrouver seule avec le mort-vivant, de surveiller mes paroles?

Ils m?entretinrent presque toute la nuit de ma « mission », et ce ne fut que lorsqu?une aube blafarde vint lécher l?horizon que nous retournâmes à nos tipis.

Un jour plus tard, Père et Grand-Père m?emmenèrent avec eux pour un entraînement particulier. J?appris les rudiments de la guerre et la maîtrise de soi, diverses techniques de combats et la méditation, je maniais plusieurs armes différentes et apprenais quelques incantations à notre mère la Terre. Et cela pendant plusieurs semaines.

Vint enfin le jour du départ, j?étais prête. Toute la tribu me salua, je reçu nombres de petits cadeaux. Ma famille m?accompagna jusqu?aux limites de notre campement. Mon père posa sa puissante main sur mon épaule et m?adressa un pâle sourire. Il était inquiet. Ma mère me donna une épaisse couverture brodée par ses soins, ma s?ur m?offrit un bracelet en os de kodo incrusté de turquoises, et grand-père me donna un sac-médecine protecteur.

"Tu as peur ?" me demanda soudain mon petit frère, levant la tête des jupes de ma mère.

"Tout le monde a peur de partir et de quitter ce que l?on connaît, mais je reviendrai bientôt, ne t?en fais pas" lui dis-je en me baissant pour lui donner un dernier baiser sur le front

"Alors ne tarde pas trop, Makhata?" dit il, m?enlaçant brièvement.

C?est sur ces paroles que je quittais ma tribu, à la recherche de ce Clan Mahkeen, dans le but peu envieux de surveiller un vieux chaman fou?
 
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