1er Août 2018 3ème jour de la Décade du Lapin ( Lune de l'Esprit ) -
Les Terres de Kirin Tor

Lae

Points : 9
Joué par : Lae Joué par : [ Information masquée ]
Lieu de naisance : Gnomeregan
Sexe : Femme
Race : Gnome
Faction : Alliance
Formation : Démoniste
Niveau : 60
Guilde : Oeil du Crépuscule
Artisanat 1 : Ingenieur
Artisanat 2 : Mineur



 
Ère du Renouveau [1]
Lune de la Force [1]
Décade du Panda
Décade du Gorille [1]
Acte I
Le minuscule être noir, entouré comme à l'habitude d'une aura verte, se tenait devant le gigantesque démon qui venait de le convoquer. Opinant du chef nerveusement à chaque phrase de son interlocuteur, sautillant d'un pied sur l'autre rapidement sans arriver à cacher son impatience, il attendait le verdict éminent. Après un discours tout en longueur, usant de moult métaphores et autres paraphrases et citations empruntées aux plus grands, Belzébête, frère ingrat du plus grand démon parmi les démons, prenait son temps pour faire tomber sa sentence. Sachant que c'était à lui que revenait depuis des millénaires la tâche peu gratifiante de s'occuper des démons mineurs, celui-ci avait acquis à travers les âges un air à la fois las et hautain, et il pensait tirer une gloire toute personnelle en s'embourbant dans de longues phrases qu'il croyait philosophiques.

Comme tout vient à point à qui sait attendre, même si pour cela il doit attendre plus que longtemps, Belzébête termina de babiller et leva la main droite, signe qu'il avait pris sa décision.

"Volmir ! Tiens en place un instant et écoute mes bonnes grâces."

Le démon mineur, rarement appelé directement par son nom, sursauta et se stabilisa, d'un équilibre que la nervosité rendait plus que précaire.

"Volmir..." Le démon secoua lentement la tête d'un air paternaliste. "J'ai décidé de t'attacher à une âme humaine et de t'obliger à la servir, en punition de tes bravades répétitives et guère variées".

Le petit démon fit une moue pitoyable et croisa les bras d'un air lamentable, aux antipodes de son aspect narquois ordinaire. Son simulacre de tristesse et de déception laissa Belzébête de marbre et ne trompa personne dans l'assistance.

"Voici ta maîtresse."

De la paume du grand démon jaillit un tourbillon de fumée pourpre qui se propagea en un cercle parfait sur le sol. Ondulant comme un reptile paresseux, les vapeurs se tassèrent peu à peu et prirent un aspect laqué, miroitant... puis peu à peu transparent. Au travers de cette fenêtre impromptue sur l'autre monde, on pouvait distinguer un être courant au milieu de la neige. On aperçut un peu mieux les traits de l'individu au détour d'une butte, ainsi qu'une tignasse ramenée en arrière en trois amas de cheveux excentriques. La femme était courte sur pattes. Ou plutôt pas très haute sur jambes. Enfin, dirons nous, plutôt petite de taille. Bref ! C'était une Gnome.

Massacrant la faune environnante et piétinant allégrement la flore, elle jetait des éclairs à tout va et se retrouvait, regrettablement régulièrement dirons nous, à terre, le nez dans la neige molle.

L'assemblée partit d'un grand éclat de rire, couvrant les grommellements rageurs de Yazkol qui trouvait la boutade du plus mauvais goût. Belzébête battit des mains d'un air alangui, ramenant la foule au silence.

"Volmir. Au nom de nous tous, je te souhaite bon courage". Et la foule se remit à rire hystériquement.


***

« Mon nom est Lae. »
*scriiiitch – scribouillis*

« Je m'appelle Lae. »
*scriiiitch – scribouillis*

« Moi, c'est Lae. » Ah, tout de suite, ça sonne mieux !

« Il y a des choses qu'il faut que je vous raconte. Je veux dire, elles ne peuvent pas rester secrètes comme ça ! Et puis, je sais bien qu'on m'a demandé de ne rien dire, mais depuis quand je sais garder un secret ?! Tout a commencé dans une taverne »


***

« On va commencer par mon problème. Je mesure pas grand-chose et »

La petite femme regarde autour d'elle d'un air entendu, se penche rapidement sous la table pour y débusquer un potentiel intrus, et retourne à sa conversation.

« Bon, on est bien d'accord, tout ceci reste entre vous et moi ?! »

Lae fixe son interlocuteur un long moment, fait craquer ses doigts, et reprend d'une voix à peine audible.

« J' -me l- -rei- !!! Mais chut, hein ?! »

L'homme assis en face d'elle reste un moment perplexe. Un long silence s'installe entre les deux convives, le bruit de la taverne et des discussions en tout genre n'en devenant que plus présents. Au bout d'un moment, il se penche vers la Gnome et choisit soigneusement ses mots

« Quoi ?!!! »

Lae sursaute.

« Oh ! Je croyais que vous assimiliez la nouvelle !!! »

Elle roule des yeux.

« J'aime les »

Lae fait un grand geste des deux mains au niveau du visage, et replonge dans son mutisme.

« Les Joues ? »

L'homme fronce les sourcils. Plus rapidement cette fois, la femme agite ses bras au niveau des yeux puis des oreilles, pour finir par un grand geste en hauteur. S'ensuit un grand blanc dans leur conversation

« J'AIME LES KALD'Z'OREILLES !!! »

A l'instant où Lae crie ces mots, la taverne plonge dans un silence surpris, et quelques têtes se tournent vers la table de la Gnome. Elle reprend d'une petite voix faible.

« Et si on allait discuter ailleurs »


***

« Bon oui d'accord, c'était pas un secret intéressant. Pis, c'était pas le secret que je voulais vous raconter !

On dit de moi que je suis une grande Gnomette. Une Gnome qui veut vivre chez les grands, avec les grands, comme les grands. Bon, je m'incline face à cette description. Depuis toujours j'ai eu la folie des grandeurs ! Et puis, maintenant que vous connaissez mon secret, vous comprenez sans doute un peu mieux !

Je ne vais pas commencer mon histoire comme tout le monde par le début. Gnagnagna, je vais au cours de Démonisme, j'ai un étalon de feu que j'ai appelé Joli Jeumpeur, et j'ai mis des sous à la banque en pensant à ma retraite quand je serais vieille ! Ca, tout le monde pourrait vous le raconter.

Moi, je suis là pour vous parler de la vie vue d'en bas, et les gens que j'ai croisés m'aideront sûrement à mieux vous en faire le portrait. Mais bon, faudra être un peu patient, parce que c'est l'heure du cours de bidouille Gnome, et si je suis encore en retard je vais me faire passer au rayon réducteur !

A la revoyure ! »
 
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Acte II
Non coupable !

Je ressors à peine d'un procès rocambolesque qui vient de se tenir à la cathédrale de Stormwind ! On y jugeait à corps et à cris un homme coupable d'avoir tenté d'zigouiller le dirigeant de la flamboyante Horde, un z'Homme dénommé Jorian, surnommé par plein d' personnes « Jorian l'Oubli ».

J'ai rencontré Jorian il y a quelques semaines, à Booty Baille


** Quelques jours plus tôt **

Assise sur le bord d'un tabouret de bar, une femme haute d'à peine quelques centimètres beugle Umm chantonne d'une voix gaillarde.

"Il est deux heures du mat'...
A Booty Baillllllle...

J'ai les oeils qui piquent...
Les cheveux en pailllllle...

Les oreilles qui bzzzitent...
Après la batailllllle...

Il est deux heures du mat'...
A BOOTY BAIIIIIIILLE !!!"

Une outre de bière naine à moitié vide à la main, Lae encourage les quelques buveurs avachis à reprendre en choeur avec elle. Peu convaincus, ceux-ci restent le nez dans leur hydromel, sans même jeter un coup d'œil à la Gnome.

« C'pas possible d'être aussi peu jovial !! Chantez donc z'un peu, les z'amis ! »

Elle se relève et saute en bas de son tabouret de bar, puis commence à gravir les marches de l'auberge. Jetant au passage une pièce à l'Aubergiste Skindle, elle lui fait un clin d'œil appuyé.

« Dommage qu'tu sois un peu tout vert, Sklindlele ! On croirait un peu une d'ces marmelades toutes visqueuses qui trainouillent dans Gnomeregan ! »

Sous l'œil outragé de l'hôte, elle s'enfuit dans les étages supérieurs. Arrivée en haut des marches, quelques phrases attirent son oreille Une voix forte, à l'accent prononcé. Un pirate, à n'en pas douter, une racaille des mers, un homme habitué à mener un équipage, sans nul doute. Une autre voix, hésitante, parfois chevrotante. Lae pense immédiatement à un malade, ou un indécis. Peut-être les deux ?

« Laissez moi relire mes notes Un Un instant »
« Nous n'avons que peu de temps ! Ressaisissez vous, Jorian ! »

Ainsi c'est cet homme. Jorian, Jorian l'Oubli. Nombre de fois elle a entendu ce nom chuchoté, dans les diverses tavernes qu'elle a fréquentées. Un homme qui oublie tout ce qu'on lui dit, un étranger que peu connaissent mais dont beaucoup parlent.

« Et vous pensez que nous Pouvons nous rendre en Kalimdor ? »
« Je vous l'ai déjà dit Jorian ! Nous le pouvons, à condition que vous me trouviez cette carte ! »

Qu'est-ce que c'est que cette discussion ? Habituée à avoir les oreilles qui traînent, Lae comprend immédiatement qu'elle est en train d'assister à un entretien pour le moins louche. Elle se penche un peu plus par la porte entrebâillée, et reconnaît les deux compères. L'un des deux, un homme portant une dague à chaque côté, et une mallette à portée de main, est vraisemblablement Jorian. Son attention se porte sur le second homme, un solide gaillard, un bandeau sur l'œil. Etonnée, elle reconnaît Taak Rogers, chef d'équipage des Buccaneers, et laisse échapper un sifflement surpris.

L'instant d'après, Taak se retourne vivement et se dirige précipitamment vers la porte.

« Vous n'avez rien entendu, Jorian ? »

Lae a à peine le temps de se glisser derrière un des poteaux soutenant l'auberge, que la porte s'ouvre à toute volée. Taak sort d'un pas décidé et observe le palier vide. Retenant sa respiration, Lae se fait toute petite. Au bout de quelques instants, l'homme retourne dans la chambre et referme énergiquement la porte.

Au bout de quelques minutes, après s'être assurée qu'aucun danger ne persistait, la Gnome ressort de son abri et se dirige à tâtons vers la porte fermée.

« J'entends plus rien d'tout ! Han !! Quelle manie d'fermer les portes, j'te jure ! »

Collant son oreille au chambranle, elle arrive à retenir quelques mots épars.

«Stormwind Bibliothèque Barque Pièces d'or »

Incompréhensible. Bien décidée à en savoir plus, Lae appuie son œil contre la serrure et la porte s'entrouvre dans un grincement strident. Se précipitant derrière son poteau fétiche afin de se camoufler, elle entend les pas rapides de l'homme derrière elle.

« Excusez-moi ! »

Lae relève le bout du nez, puis tombe face à face avec l'homme qu'on nomme Taak Rogers.

« Euh Voui ?! »
« Je peux savoir ce que vous faites là ? Vous nous espionnez ? »
« Euh C't'à dire J'ai perdu mes lunettes et j'me d'mandais si elles étaient pas tombées par là ! »
« Moui. Que je ne vous y reprenne plus ! »

Comprenant le message – suffisamment appuyé par le regard noir de Taak – Lae redescend les quelques marches vers l'auberge.

« Comment attirer son attention ?! L'a l'air bien seul, c'Jorian Comment, comment »

Lae farfouille dans son sac, et y trouve une rose qu'elle a cueilli sans y penser le matin. Fière, elle sort la fleur de son sac, et attend fermement en bas de l'escalier, la rose serrée dans son poing.

Quelques instants plus tard, les deux hommes, leurs affaires terminées, descendent à leur tour les marches. Lae attrape la jambe de pantalon de Jorian pour attirer son attention.

« M'sieu ! M'sieu ! »

L'homme jette un regard circulaire dans l'auberge, ne comprenant pas d'où vient l'appel. Puis, attiré par son pantalon qu'on tiraille, il remarque la petite femme à ses pieds, et s'agenouille.

« M'sieu ? Vous aimez les fleurs ?! »
« Je Je ne sais pas. »

Lae hésite un instant.

« Ben Tenez, vous verrez »

Elle lui tend la petite rose rouge et il la prend machinalement, puis la porte à son nez.

« A bientôt, M'sieu !! »

Lae s'éloigne timidement, touchée par l'innocence de cet homme. Elle entend les quelques mots prononcés par Taak, et lui lance un regard vengeur.

« Mais ! Elle vous fait du charme ! »

Puis Lae quitte l'auberge.


** Aujourd'hui **

Voici les quelques souvenirs que j'ai de Jorian, que j'ai recroisé à quelques occasions. Un homme bon, au cœur pur, mais qui oublie tout. Incapable de faire le mal, incapable même de le concevoir.

Impossible de la part de quelqu'un qui aime les fleurs !!

Aujourd'hui, la foule a jugé Jorian l'Oubli non coupable, à l'issu de ce procès rocambolesque dont je vous parlais plus tôt. La justice du peuple a prit le pas sur la justice de la ville, et le juge même s'est plié à la décision de la foule, qui scandait sans vergogne :

« Non coupable ! Libérez Jorian ! »

Un peu plus tard, après avoir glissé une note dans sa poche, j'ai recroisé Jorian dans les rues de la ville, libre. Il ne semble pas se souvenir de moi, comme je m'en doutais. Mais son visage s'est éclairé quand je lui ai offert une fleur des champs, que j'avais cueillie plus tôt. S'il se souvient au moins de mes fleurs, que demander de plus ?

Mais je me demande

« P't'être qu'il aime bien l'Gnomettes ? »

*soupire en rêvant*
 
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Acte III
« On dit de moi que je suis une grande Gnomette. Une Gnome qui veut vivre chez les grands, avec les grands, comme les grands »


Lae est petite de taille, mais grande de cœur et d'esprit. Depuis toujours attirée par ce qui l'entoure, l'esprit vif et pointu, elle est avare de découvertes et de rencontres.

Par une chaude nuit d'été, au cœur d'une ville mécanisée et moderne, a vu le jour un minuscule personnage aux cris perçants et au rire gargantuesque. Certes, les temps étaient fastes à cette époque, les Gnomes et leur cité robotisée se sentaient maîtres du monde, mais si leurs créations facilitaient la vie de milliers d'individus, les jalousies à leur égard en étaient d'autant plus exacerbées.

Comme il est étrange de grandir dans un monde de savants fous, où chacun tente d'impressionner son voisin à coup de prouesses techniques et d'inventions surdimensionnées.

Nourrie par un Biberontronic 4400, robot ultramoderne de son époque, changeur de couche intégré, toutes options, Lae s'est habituée très jeune à ce qu'elle prit l'habitude d'appeler « la Bidouille ». Une enfance simplifiée par ces golems mécaniques et autres boulons sur pattes.

Comme tout Gnome qui se respecte, elle a à son actif quelques centaines d'inventions, toutes plus bancales les unes que les autres. A 4 ans déjà, elle offrait à ses parents un cendrier en terre cuite turbo-dynamisé, avec éjection des cendres et vaporisation d'un parfum d'ambiance, qu'elle avait appris à construire à la petite école.

« Bonne Fête di Mama, Mama ! »

Air dubitatif des parents, regards plein d'amour, et fierté Gnome de voir sa progéniture manier si bien la clé plate.

On ne choisit pas non plus sa voie bien tôt, chez le petit peuple. Ainsi, pendant de nombreuses années, Lae se contente de vivre aux crochets des gens de Gnomeregan, nourrie par les amis de ses amis, logée chez la famille de sa famille, et passant surtout son temps à apprendre, à découvrir, et à faire des connaissances.

Une obsession juvénile de cette paire de couettes est la grandeur. Adolescente, allant à l'encontre des cours sur le Rayon Réducteur Gnome, elle passe des heures à détailler des plans minutieusement afin de trouver une solution pour inverser la machine, et agrandir sa taille. L'invention de l'Agrandisseur de Monde par un des éminents professeurs de son université bouleverse ses plans. Mais ce n'est pas le reste du monde mais bien elle-même, qu'elle veut agrandir.

L'expérience rocambolesque de ses Echasso-matic Bidulotronique v1.114 marque à jamais les gens de son quartier, lorsqu'ils voient une jeune fille d'à peine quelques centimètres déambuler dans les rues sur des tiges métalliques de plusieurs mètres. C'est également plusieurs points de sutures et de jours d'hôpital qui ponctuent l'expérience.

Le grand cœur de Lae, avide de grands horizons, lui vaut bientôt une certaine popularité au sein de son cercle d'amis. Elle attire les regards par ses facéties et son rire communicatif. Toujours un mot bien placé, et une « blagounette » appropriée, comme elle aime à les appeler.

Les regards masculins se font bientôt plus insistants, mais Lae ne s'en rend pas toujours compte. Attirée par le haut, elle délaisse ses compagnons de petite taille, et rêve sur ces peuples étranges et étrangers dont elle entend parfois parler.

On lui parle de gens vivant en harmonie avec la nature, et dont les oreilles seules font plus que sa taille ! On lui parle aussi d'un peuple d'où vient le mot « humanité », où les hommes sont grands et forts. Lae rêve de les rencontrer et les séduire.

Lors de l'horrible attaque des Troggs et la terrible guerre radioactive qui s'en suit, Lae s'enfuit et rejoint comme nombre de ses congénères le peuple des « Tout Barbus », costauds gaillards qui les accueillent en leur gigantesque citadelle.

Lae rêve. Lae observe. Lae rencontre enfin les peuples.

Et tente toujours maintenant de les séduire !



 
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Acte IV
Les cheveux légèrement agités par la brise, Lae observe le vide en dessous d'elle. Les vagues caressent les côtes de la ville, les pontons craquent sous le poids des passants, et le calme règne.

Dans la ville neutre de Booty Bay, rares sont devenus les affrontements depuis qu'une trêve fragile a été signée par Thrall avec les forces de l'Alliance. Au loin, les champs de bataille font encore parfois rage, mais ici les habitants semblent vivre dans une relative sérénité.

Lae agite ses pieds dans le vide, et se rassoit plus fermement sur le mat qui surplombe la ville. Elle n'a jamais été sujette au vertige, et même à une telle hauteur elle garde la tête sur les épaules. Elle chantonne une mélodie et se détend en regardant les navires aller et venir, déposant des dizaines de voyageurs et des centaines de marchandises, et refaisant le trajet en sens inverse.

Elle lisse sa robe et évoque mentalement les jours derniers, les souvenirs gravés à jamais dans sa mémoire, les aléas des rencontres et des combats. De nombreuses découvertes ont été faites par sa Société, et c'est avec fierté qu'elle en porte l'écusson. Chaque jour, ses membres combattent contre l'ignorance et la naïveté, cherchant à percer les secrets du monde qui les entoure.

Ses objectifs personnels lui trottent également dans la tête, une liste mûrement réfléchie de rêves et d'envies qu'elle répète à voix basse à chaque réveil, en essayant de les accomplir un à un.

Gagner en puissance, gagner en connaissance, découvrir une région puis une autre. Des artefacts, des secrets, des hommes et des femmes, des cultures.

Des objectifs plus privés lui tiennent aussi à cœur, et c'est avec difficulté qu'elle y songe ou même les partage. Peu connaissent son véritable fond et son sourire ingénu éloigne la plupart des soupçons.

Toute à ses réflexions, elle n'entend pas les pas qui s'approchent d'elles.

- B'soir ! Permettez que je m'asseye ?

Elle se retourne et découvre un Gnome âgé, aux cheveux ébouriffés et à l'art affable. Il indique du doigt une place près de Lae.

- Bien sûr, je vous en prie, le mat est à tout l'monde !



Le Gnome s'assoit et le calme revient.

Les Gobelins mènent la ville de main de maître, sous le soleil accablant de la jungle de Strangleronce. Une métropole commerciale de grande envergure, qui fournit toute la région en vivres malgré les nombreux bâtons dans les roues. Car la vie n'est pas toute rose, sous ce soleil. Les pirates envahissent les plages avoisinantes, et la faune se rebelle contre l'espèce humaine. Même la race Gobeline se révolte contre ses pairs et exploite les terres au nord pour en extraire toute vie.

C'est un dur combat que mène chaque jour le Baron Revilgaz pour maintenir ses hommes à flots, et la ville à la surface.

Le ventre de Lae commence à gargouiller. Le Gnome à côté d'elle s'agite un instant, et son ventre se met à gronder peu après.

- J'ai faim aussi
- J'ai rien amené à manger Et puis je n'aime pas vraiment la cuisine de l'auberge, du poisson, du poisson

Lae soupire, mais son compagnon ne se démonte pas.

- Je connais une échoppe qui vend de la nourriture exotique !
- Exotique ?

Lae écarquille les yeux, la curiosité aiguisée.

- Oui, ils font de la cuisine Orque, Troll et même Tauren !
- Je tenterais bien Orque, j'ai entendu dire que c'est épicé !
- Je vais chercher ça !

Le Gnome s'éloigne rapidement et le silence se fait à nouveau, seulement brisé par le remous de l'océan.

Les rencontres se succèdent et ne se ressemblent pas. Toutes les races arpentent le pays et se croisent sans vraiment se connaître. Lae a eu l'occasion de parler avec des Elfes, discuter avec des Nains, disserter avec des Humains et s'entretenir avec ses congénères Gnomes. Chacun est mobilisé, mais l'effort de paix rencontre une forte opposition de la part de nombreux combattants. Les discussions sont houleuses lorsque l'on aborde la direction que doit prendre l'Alliance, quelle position elle doit adopter face à la Horde, quelle solution doit elle trouver contre le Fléau

Chacun tente à sa façon de faire changer le monde qui l'entoure.

Le cœur de Lae bat plus fort. Elle aussi tente de faire changer les choses, de faire évoluer les mentalités, de révéler ce que de nombreuses personnes tiennent à garder secret.

Sa race lui pèse parfois. Peu nombreux sont ceux qui prennent une Gnome au sérieux, l'assimilant rapidement à une enfant, la rangeant dans une case mentale de naïve. Comme elle aimerait mener les foules.

Et son cœur bat aussi pour d'autres desseins bien plus personnels. Etre plus grande lui permettrait d'accéder à de nombreux buts cachés

- Le dîner est serviiii !

Le Gnome revient rapidement au bout du mat, et dépose à ses pieds de nombreux petits plats fumants. Il tend une fourchette à Lae et soulève un couvercle au hasard.

- Délice de parade ! Un met succulent et plein de surprises !

Une odeur étrange et envoûtante s'échappe de l'assiette. Le petit homme plante sa fourchette avidement, et porte un morceau à sa bouche. Il avale rapidement, et sourit.

Une petite fumée bleue commence soudain à s'échapper de ses oreilles, doucement puis plus rapidement. Lae repose le morceau qu'elle s'était servi et écarquille les yeux de plus belle.

*POUF*

Une explosion de lumière, et soudain se trouve face à elle un homme en habit de pirate.

- Aaar ! Drôlement épicé !!!
- Eeeeuh
- C'est l'plat d'Parade, l'jeunette ! Ca vous r'tourne les trippes pour sûr !

Le Gnome-pirate éclate de rire. Surprise, et la curiosité titillée, Lae plante à nouveau sa fourchette et avale goulûment.

Silence. Dans son ventre, Lae sent la bouchée qui descend doucement vers son estomac. Rien ne se passe. Lae fait une moue dépitée et s'apprête à se resservir quand elle est soudain entourée d'une aura de lumière verte. Un bruit assourdissant se fait entendre et laisse tomber sa fourchette, qui tombe, qui tombe

Lae pense vite. Elle tombe de bien trop haut, cette fourchette. Elle jette un coup d'œil vers ses jambes désormais démesurées.

- Je Je suis humaine !!



Lae exulte. Tous ses plans, tous ses projets, enfin !!! Elle se met à danser avec le pirate.

- Vive le délice de parade !! C'est une révolution ! C'est une

*POUF* *POUF*

Les Gnomes toussent. Quand la fumée se dissipe, ils se regardent dans les yeux. Le petit homme prend la parole :

- Ah oui, c'est le problème de la cuisine Orque, ça ne dure pas longtemps

Lae soupire. C'était trop beau. A leurs pieds, les plats ont été piétinés par leurs danses. Irrécupérable.

Elle se rassoit et soupire. Il en sera donc ainsi, et c'est sous son vrai jour qu'elle continuera à mener son combat. Confiante, Lae sourit. Sous ses pieds, la ville continue son activité. Les gens passent, les vendeurs hèlent les passants.

Le regard de Lae se perd à nouveau dans l'horizon.


(HRP : Merci à Jorian de m'avoir donné l'idée pour ce petit texte. Merci également à Grizlee, le vrai Gnome de l'histoire, pour ce petit moment de roleplay improvisé !)

 
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Il y a quatre mois
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Un éclair tombe une nouvelle fois à quelques centimètres d'elle, faisant voler quelques morceaux de terre ocre et levant un nuage de poussière. Lae se couvre la bouche d'une main, et toussote en reprenant son chemin. Les territoires inhospitaliers des Terres Foudroyées repoussent bien des aventuriers, et peu sont ceux qui s'égarent aussi loin dans les collines désertiques et arides, mais les informations rapportées par l'Humain étrange la nuit dernière se doivent d'être vérifiées.

A sa suite, Volmir se plaint et s'ébroue sans cesse, tentant de se débarrasser de la couche de sable qui s'infiltre dans les moindres recoins des corps des marcheurs. Lae s'est rapidement habituée à se passer la main dans les cheveux et sur le visage constamment, mais ses vêtements sont désormais recouverts d'une fine pellicule beige tirant sur le rouge sang la terre foudroyée.

Aucune vie saine ne persiste dans les environs, tout a été emporté par les vents et les éclairs. Seuls persistent des êtres décharnés et maudits, qui n'ont plus rien d'humain, et qui croisent en geignant sa route, s'écartant à peine sur son passage. Simplement vêtue d'une tunique noire et emmitouflée dans une longue cape aux tons gris, bordée de fourrure passée et étriquée, Lae attire peu le regard. Et puis, les rumeurs vont vite, et les quelques survivants des manants qui l'ont prise à parti à son entrée sur le chemin boueux ont bien vite informé le reste de la région de la puissance de la petite femme.

Seule la vie sauvage demeure un problème, les sangliers mutants et les vautours à la peau en lambeau Mais surtout, les puissances démoniaques qui ont élu domicile au Sud. Les quelques échos qu'elle a pu glaner au Donjon de Nethergarde ont confirmé ses craintes : la menace s'étend, les ombres se font plus téméraires et peu de voyageurs ayant bravé les routes du Sud ont pu en revenir pour conter leur histoire.

Peu, mais pas tous. Ainsi, au pied du rempart, un homme aux cheveux blancs et aux traits livides a pu lui raconter la nuit passée les visions d'horreurs, droit sorties de ses pires cauchemars, qui arpentent désormais les Terres Foudroyées, et étendent leurs doigts glacials toujours plus loin au Nord, si loin Et désormais si près.

Il lui a conté les légionnaires monstrueux et surpuissants, dont les pas faisaient trembler la terre et dont le regard de glace brulait d'une lueur maléfique. Les chiens gigantesques et difformes marchant à leurs côtés, leur gueule béante ouverte sur un cri silencieux. Les yeux aveugles et vitreux des démons qui errent et vous dévorent le cœur sans même vous toucher

Les mèches blanches recouvraient les yeux du vieillard Un vieillard de 20 ans hier, à qui les visions horrifiantes de la Légion avaient fait prendre en une nuit l'aspect d'un homme de cent ans.

Lae frissonne malgré la chaleur et rabat sa capuche en approchant de la fin du chemin. Au-delà, le mal à l'état pur fait vibrer l'horizon. Contournant un cratère par l'Est, elle s'approche de l'endroit que l'homme lui a indiqué, là où la puissance démoniaque se concentre et se contorsionne. Et enfin, du haut d'une crête, elle le voit le portail. Une porte ouverte vers le Néant, scintillant d'une lueur lugubre et attirante, gardée de deux statues gigantesques et surplombée d'un reptile à la gueule ouverte et agressive. Même de l'endroit où elle se trouve, Lae ressent la puissance qui s'en dégage, les lumières dansantes qui sortent et rentrent du portail portent en elles bien des messages fascinants.

Un crissement à quelques mètres d'elle un commandant de la garde funeste, suivi d'un molosse qui fait trois fois la taille du démon qu'elle-même a un jour corrompu. Lae se glisse silencieusement le long du cratère, toujours plus près de la Porte des Ténèbres. Elle grimpe le long de la pierre moite et froide du monticule, aidée de son diablotin qui la suit de près, lui-même impressionné par la présence massive et démoniaque de l'armée de la Légion. Puis, elle y arrive enfin, si près, si près A quelques centimètres de ses doigts, la porte danse et brille, toujours plus attirante. Si seulement

Lae tend la main doucement, caresse la texture souple et lisse, enfonce peu à peu quelques millimètres de ses doigts, puis les ressort, les examine. Intacts. Elle se penche subrepticement, imperceptiblement, et observe, comme pour voir au travers. Derrière elle, Volmir s'énerve et piaille, panique

« Chut maintenant, Volmir Je suis occupée !»

Le diablotin crisse et lance des invectives, laissant la petite sorcière de marbre. Derrière lui, la masse gigantesque et monstrueuse du Commandant de la Garde s'approche, à pas lents et comptés, vers le petit bout de vie humaine qu'il a trouvé, juste là, devant le portail.

Lae se retourne, mais déjà trop tard, face à face avec son pire cauchemar, les ailes déployées d'une envergure phénoménale. Sa bouche reste ouverte sur un cri, tandis que Volmir la pousse d'une secousse sèche, et, basculant, elle tombe au travers de la porte tant redoutée.

Et disparaît


 
Il y a trois mois
Il y a trois mois

Plic Plic... Plic

Le calme règne autour de Lae.

Plic Plic... Plic

Comme dans un cocon, son corps ne réagit plus et elle ne voit pas ce qui l'entoure. Le profond sommeil dans lequel elle a sombré l'a coupée des réalités. Elle flotte et vogue dans une enveloppe charnelle que plus rien n'atteint.

Plic Plic... Plic

Rythmés par ce petit bruit régulier, ses rêves l'emportent toujours plus loin. Elle ne sait pas où elle se trouve, et même si son esprit semble se détacher de son corps, elle reste étrangère au lieu où elle repose.

Rien. Le vide.

Les battements de son cœur sont réguliers, lents, monotones. Ses cils battent de temps en temps, mais son regard reste aveugle, et si ses paupières s'agitent sur ses pensées, c'est pour vite se refermer et garder l'immobilité de la pierre. Les mains agrippent l'espace vide de ses paumes, des fourmillements et quelques soubresauts font s'agiter les petits pieds, mais tout comme le reste de son être, c'est pour mieux retrouver leur inaction initiale.

Ce coma, comme une éclipse de son existence, a quelque chose de rassurant. En hibernation, plus aucun des évènements qui marquent et ponctuent sa vie ne la touche. L'inertie de son corps, toutefois, n'a pas plongé son esprit dans la même torpeur. Peu à peu, celui vogue et s'égare, parcourant les terres désormais familières où elle a grandit et vécu.

Plic Plic... Plic

Une détonation. L'explosion d'une gueule de canon peut-être Non. Plutôt un fusil, monstrueux, gigantesque. Le deuxième visage d'un chasseur, l'extension de son bras. Une bête qui tombe et agonise. Un animal qui charge et qui déchiquète, met fin à la misère de son adversaire dans un ballet sensuel et mortel de pattes et de griffes.

Un nain à l'aspect trapu, au poil roux et dru et à l'inébranlable volonté. Les bras robustes et les mains agiles, qui dépècent la peau du monstre d'un geste précis et efficace. D'un mouvement vif, il fourre le cuir dans sa besace, et reprend sa route.

Sa tignasse rutilante brille une dernière fois sous les rayons de l'astre brûlant, puis il disparaît au lointain.

Shalf

Plic Plic... Plic

Les fantômes surgis de ses souvenirs dansent un ballet de chimères. Elle le revoit, lui qui a fait battre son cœur, il y a si longtemps. Evanoui dans les sables de Tanaris, introuvable, volatilisé, perdu.

Ses cheveux d'un noir de charbon, les entailles qui lézardaient son corps et marquaient son histoire. Les stigmates de sa mémoire qui s'échappait sans cesse, malgré la tendresse et la dévotion dont tous faisaient preuve. Les notes, les avertissements, les secrets inscrits dans un journal. Les récits mille fois ressassés pour qu'il se rappelle, se remémore Un surnom, l'Oubli. Une silhouette qui disparaît dans une volute de fumée, le galbe d'un corps cent fois parcouru des yeux, et cette seconde âme égoïste qui avait pris sa place.

Un pas qui s'éloigne et décline, une allure qui s'accélère, puis l'absence, l'amnésie du temps passé ensemble, l'amertume et la peine.

Jorian

Plic Plic... Plic

Lentement, comme engourdi, le souffle vital afflue et colore les joues de Lae. Les sensations se font plus présentes à mesure que l'arc-en-ciel d'émotions parcoure son corps et son cœur.

La meute. Le cortège de loups qui forme la troupe dont elle fait désormais partie. Leurs grognements et le feulement des flammes. Ils combattent, soudés et inséparables, unis par un même cœur qui bat, un esprit commun qui dirige la horde de lupins. Le grondement du brasier qu'ils affrontent, bûcher de leurs compagnons et fournaise créatrice de milliers de trésors.

Les multiples pupilles de l'Oeil

Plic Plic... Plic

Affolement, vertige. Malaise, mouvement. Effervescence, alerte.

Revenir, pour eux.
Pour lui

Plic Plic... Plic

Un miaulement, un cri antique et éternel. L'appel de la Nature et de la Création. D'un bond soudain et foudroyant, le félin descend de sa cachette et se coule dans la forêt, entre les arbres et leur brume paisible, accueillante. Sous la peau, sous la fourrure enténébrée et obscure, les muscles jouent et s'activent. Les nerfs se tendent et les mouvements saccadés mais calculés du fauve le mènent où nul ne peut se rendre, dans un havre de paix et d'oubli propre à lui-même. Dans sa course effrénée, il pense, se retrouve et se recentre.

Inaccessible. Impénétrable, distant, insaisissable, étranger.

Mais pourtant bienveillant, accueillant, aimant

Perdue dans ses pensées, maintes fois elle avait tenté de percer à jour le secret de son âme, de comprendre ses actions et ses gestes. Ne pouvait-il voir au-delà de la barrière de leur héritage ? Leur ascendance condamnait-elle tout espoir de sentiment ? Des générations de traditions instaurées par les ancêtres de leurs ancêtres semblaient dicter sa conduite, et pourtant l'influence positive de la Nature le forçait souvent à briser les chaînes qui entravaient sa liberté.

Inavouable, cette vénération qu'elle lui vouait, ce sentiment, cette pulsion sans cesse retenue et muselée pour ne pas lui peser. La délicatesse avec laquelle il l'avait dédaignée

Jamais ? Comme si l'éternité semblait tout à coup moins immuable, comme inconstante.

Chiron Chiron

Plic Plic... Plic

La rage des secrets baillonnés au plus profond de son cœur déchaîne la furie de Lae. Elle ne peut plus rester engourdie, même si ce sommeil de plomb caresse ses joues d'une main de plume. Elle se cabre, bute, ses membres s'entrechoquent sur la pierre humide où elle se trouve. Soudain elle se souvient, la porte, le démon, la peur, l'épouvante, et la chute

D'un sursaut, elle se cambre et émerge du néant.

Ses yeux parcourent l'endroit où elle se trouve désormais. Les gouttes qui tombent peu à peu des stalactites de la grotte étouffante, aux relents de catacombes. Plic, plic, plic D'une main hagarde elle essuie son front trempé et tente vainement de se relever. Ses jambes ankylosées ne lui obéissent plus, aussi elle s'étend à nouveau.

Un bruit de pas retentit, lent et serein. Il s'approche doucement, et la pièce se remplit d'un arôme de fleurs et de fraîcheur. Une femme entre dans la chambre taillée dans la roche, et s'approche doucement d'elle, légèrement. Elle s'accroupit auprès de Lae qui la détaille sans bouger.

« Vous vous êtes enfin réveillée »

La femme passe sa main dans la chevelure moite de sa protégée. Puis, Lae remarque le regard vide, les yeux pâles et immaculés ouvert sur l'abîme de la cécité. Sa compagne aveugle lui sourit et enchante le cœur de la gnome. Apaisée, elle pose sa main sur celle de l'Humaine et à son tour lui sourit.

La vie renaît dans le cœur de Lae.



 
Il y a deux mois
Il y a deux mois

Daenn est le nom de sa bienfaitrice. Le dernier rempart, le refuge et havre de paix, qui ont permis à Lae de survivre et surnager, désormais à l'abri des horreurs qui hantent les eaux troubles de ses souvenirs. Une femme au regard occulté des années auparavant, lors d'un rite étrange, cruel et épouvantable, perpétué par ses semblables. Le Sacrement du Secret, la torture et le châtiment infligés à une fillette élue parmi son peuple, et dont le privilège demeure en son titre, la Berce-Ténèbres.

Peu de mots ont suffit à décrire le rituel, paroles prononcées par la voix suave et caressante de Daenn, comme une mélopée exquise, une mélodie délicate et envoutante. Les terres lointaines, ce monde étranger, aux coutumes barbares, à mille lieues des traditions du monde de Lae. A travers les récits, elle a découvert ce territoire tribal où le clan vit en totale inertie, ethnie rescapée d'un âge révolu et coupé par choix du monde moderne.

Les secrets de la Berce-Ténèbres ne sont toutefois contés que par elle seule, et la promesse de Lae scella ses lèvres à jamais.

Convalescente, la Gnome avait vécu au travers de Daenn, recevant par intermittence des nouvelles de l'extérieur, rayons de soleil d'humanité. La femme parlait peu, employant ses termes avec soin et application. Ses gestes étaient mille délicatesses, et Lae s'était peu à peu remise de son état comatique. Jour après jour, son corps lui revenait, et oubliait ce qu'il avait subit, endormant les douleurs passées.

Pour combler les silences, Lae avait parlé d'eux, de sa meute. Jeune louve parmi les loups, elle y trouvait encore sa place quand elle avait disparu, happée par le portail et la nuit. Daenn l'avait poussée à lui raconter chacun d'eux, dans le dessein de conserver intacte sa mémoire. Le portrait qu'elle dressait de chacun tentait de ranimer la flamme qui les habitait, spectres valsant dans les bruines de son esprit.

Thröndar et Brindebarbe, frères de coeur, inséparables boutes-en-train taquins et rieurs, qui faisaient gloire à leur race naine. On retrouvait dans l'un ce qui manquait dans l'autre, âmes sœurs farceuses et si plaisantes Ils l'avaient adoptée d'emblée, leur cousine au lignage éloigné, et pris sous leur aile. L'un si sage et charitable, dévoué à ses dieux et fervent défenseur de ses congénères. L'autre si brusque et renfrogné, à la barbe hirsute et au ton bougon. Pourtant tous deux si bonnes pâtes, affables et chaleureux

Parler de Voren, héros et brave au cœur de Lae, réchauffait son intonation. Ce bienfaiteur haut en couleur, adepte des arts démoniaques, n'avait alors que croisé les chemins qu'empruntaient Lae, mais déjà elle avait ressenti en lui l'esprit du Loup. A n'en pas douter, son chef de meute aurait requis sa présence à ses côtés Maintes personnes voyaient en lui un homme aigri et froid, au ton amer et désenchanté. Elle ressentait plutôt la mélancolie d'une âme perdue, aux combats farouches et aux désillusions douloureuses Un jour peut-être lui confierait-il ses secrets.

Daenn souriait toujours, soleil radieux et serein dans les nuits de Lae. Un ange d'émotion et de compassion, à l'écoute des histoires sorties peu à peu du cœur de la petite femme.

Les légendes de Zalkan, boucanier et brigand, fringant corsaire et flibustier de choc, faisaient rire l'humaine. Elle s'imaginait les batailles et les assauts menés par le bandit que lui décrivait Lae, fripon intrigant aux accents marins et aux airs de requin. Dans les yeux du pirate, elle composait mille visions de flots frénétiques ou d'ondes apaisantes, à bord de navires titanesques ou de vaisseaux lilliputiens. Elle pouvait sentir sur ses joues la brise marine, zéphyr cristallin et salé, et le souffle des bourrasques à l'avant du pont fantôme de son imagination

Le cœur de Daenn battait aux centaines d'anecdotes de Lae, et cognait dans sa poitrine à l'espoir d'un jour apercevoir l'un des compagnons de voyage de la petite femme, de coudoyer l'un des loups. Bien sûr, Lae se souvenait de tous, et parlait de chacun d'eux. Tous, à leur manière, lui manquaient, abîme au creux de son âme, gouffre au plus profond de son cœur.

D'une voix satinée, Daenn, lui chatouillant la joue, promettait que bientôt, elle recouvrerait sa liberté et rejoindrait ses camarades. Un jour, soupirait l'humaine, pleurant en son for intérieur le départ de sa seule alliée.

Bientôt
 
Décade du Gorille
Décade de l'Ours
Lune d'Agilité
Décade du Tigre
Décade du Singe
Décade du Faucon
Lune de l'Esprit [1]
Décade de la Chouette
Décade de la Baleine [1]
Assise dans la neige
Assise sur la neige, l'eau imprégnant peu à peu la simple robe râpée qu'elle porte, Lae pense. Ses cheveux sont détachés, flottant sur ses épaules, ivres de liberté après ces mois passés retenus en couettes serrées sur sa tête. Le froid engourdit peu à peu ses jambes, mais elle ne le sent pas, trop occupée à se concentrer sur tous les évènements qu'elle vient de vivre. Dix mois, qui semblent autant d'années Les mains de Lae s'agitent dans son giron, tournant un petit cœur en sucre qu'elle avait reçu en présent et gardait précieusement au fond de sa poche, comme porte-bonheur. Par petits morceaux, elle le dépiaute, petits bouts tombant au sol dans un bruit sourd, avant de fondre au contact de l'eau.

Il y a dix mois, une rencontre. Même deux. Alors qu'elle errait dans Ironforge, les membres de sa société ayant un à un mit les voiles, elle liait connaissance avec les inconnus, parlant, discutant, de la pluie et du beau temps, de la taille de la ville et de la petitesse de ses habitants, des peuples qui arpentaient ses rues et des échos de cultures lointaines qu'ils amenaient dans leurs bagages. Puis au détour d'une ruelle, camouflé dans l'ombre, un miaulement, doux feulement presque amical. Elle s'était retournée, cherchant des yeux les ténèbres, et avait découvert le félin, deux yeux étincelants dans l'obscurité.

A nouveau, de nombreuses fois, elle les avait recroisés, ce couple si disparate et pourtant si exceptionnel, marchant dans la grande ville, ou vagabondant dans les plaines, la femme furtive et espiègle, l'elfe mélancolique et bienfaisant. De loin, elle les observait, si différents et si complémentaires, de plus près elle se faisait petite, rougissante et exubérante, s'attachant peu à peu à eux deux.

La meute qu'ils dirigeaient, elle l'avait découverte à travers leurs yeux, embryon de puissance, ébauche puis réalisation grandissante, dans toute sa splendeur féerique, et jour après jour les hommes de tous horizons se bousculaient pour agrandir ses rangs. Puis éventuellement, au détour d'une conversation sur l'esprit du loup, elle avait franchit le pas et rejoint la bataille que la troupe menait chaque jour, fière et euphorique d'être acceptée parmi eux.

Les jours passaient, mais Lae était troublée. Peu à peu, la compagnie du protecteur lui devenait plus douce, trop exquise, et déstabilisée elle essayait à la fois de le fuir et de s'en approcher, de disparaître mais de se rendre indispensable. Les poignées de minutes passées en sa présence hantaient peu à peu ses nuits, passant en boucle dans sa tête jusqu'à ne plus avoir de sens. Illusions et espoirs dansant une valse chaotique dans son esprit embrouillé.

Les discussions sous la lune d'Havrenuit, ou les moments volés après le combat. Le baiser volé sur une île orpheline de Strangleronce. Les soupirs du grand homme, ses traits crispés exprimant le regret, peut-être

« Si tu n'étais pas si petite, Lae »

Et n'y tenant plus, elle était partie. La tête pleine de poèmes et de vers qui lui plaisaient tant, à lui, qui un instant l'avait rapproché de son cœur avant qu'il ne file entre ses doigts comme une poignée de sable que l'on doute avoir jamais tenue Longtemps elle avait erré dans les terres désertées et mutilées du sud, sans but précis, pour oublier. Mourir sous les coups d'un démon peut-être, depuis le temps que leur force torturait son âme et l'appelait à eux.

Puis la porte, et le vide. L'oubli.

Le retour difficile à la vie, la Berce-Ténèbres qui lui chantait des comptines pour la tenir éveillée de ses cauchemars. Retrouvée à même le sol, dans cette grotte à des lieues de sa disparition, brisée et anéantie, l'ombre d'elle-même, marquée à même la peau par les visions qu'elle avait fréquentées dans l'au-delà.

Jour après jour, nuit après nuit, la femme aveugle, altruiste et généreuse, l'avait soutenue, écoutée. Et un matin, elle était retournée à eux, sous couvert d'une bonne humeur simulée mais convaincante, la même qu'elle avait toujours été en surface, mais rongée par ses fantômes.

Qu'il avait été simple au début de prétendre, et de rire aux retrouvailles. L'elfe mélancolique était toujours leur meneur, triste et fier, assombri et déchiré par la perte de sa moitié humaine, des mois auparavant.

« Je ne peux plus aimer, Lae Désormais j'arpenterais le chemin seul. »

La compréhension, qu'elle avait feinte, déçue d'être partie trop tôt, ou revenue trop tard. La distance entre elle et lui, qui s'était peu à peu creusée.

A nouveau, la fête battait son plein, la meute, impossible à arrêter, enchaînant succès après succès, et dans la fureur de la bataille, elle avait tenté d'oublier. Ces compagnons qu'elle fréquentait lui réchauffaient le cœur, leur présence était un baume sur les failles qui creusaient désormais son âme. Mais lui, si droit au milieu du combat, seul au milieu de la foule. Comme un insecte attiré à une lumière, elle revenait sans cesse à lui, jusqu'au jour

Ainsi, la lumière ce n'était pas lui, mais elle. Et il n'était plus seul au milieu de la foule. Ses yeux la cherchaient, souvent, et il lui souriait, toujours. Très vite elle avait compris, mais longtemps elle s'était battue pour accepter.

Chaque nuit, Lae se demandait si elle était encore chez elle. Si sa présence était requise, voulue, acceptée Les rangs de la meute changeaient, les visages devenaient flous, se succédaient, et apeurée elle se sentait devenir une étrangère parmi les siens.

Un soir, après la rage des conflits, elle avait lancé un dernier coup d'œil dans sa direction, gravant ses traits dans sa mémoire, et elle s'en était allée. Elle s'était égarée, après des heures de marche, au bord d'un chemin du Berceau de l'Hiver, et de sa poche avait tiré un cœur en sucre, gravé de son nom à lui, qu'un jour il lui avait offert dans une rue de Stormwind.


Ses armes et son armure sont restées à l'auberge, où elle sait qu'on en prendra soin. Pour une fois, ses démons l'ont laissée en paix, et seul le vent du Berceau vient chantonner à ses oreilles, attiré par le vide du précipice qui s'ouvre à ses pieds. Tout en bas, loin devant elle, s'étendent les terres d'Azshara, et plus loin encore, la mer

Lae se lève et s'essuie les mains sur sa robe, le cœur de sucre brisé désormais un vague souvenir à ses pieds. Lentement elle s'avance, au bord du gouffre, et une bourrasque fait jouer ses cheveux, chatouillant son visage. Amusée, Lae sourit. Dans le vide devant elle planent des milliers d'oiseaux, et comme eux elle ouvre grand les bras, suivant leurs mouvements.

Une odeur de neige fondue, de forêt, et de grand air.

Lae prend une grande inspiration. Et saute.
 
Décade du Lapin